Protection de la nature : le projet de règlement grand-ducal sur les mesures de compensation à revoir
La Chambre des Métiers a rendu son avis sur le projet de règlement grand-ducal
relatif aux éco-points qui déterminent l’envergure des mesures de compensation
écologiques. D’après son analyse, le texte mérite d’être revu, alors que son
champ d’application diffus et des libellés flous impliquent pour des porteurs de
projet une insécurité juridique inacceptable. Par ailleurs, le projet va à
contresens d’une politique de simplification administrative et il est en
contradiction avec la politique gouvernementale en matière de logement,
puisque, selon l’interprétation qui en est faite, il renchérit de manière
significative le prix des logements.
Récemment la Chambre des Métiers a rendu son avis relatif au projet de règlement
grand-ducal instituant un système numérique d’évaluation et de compensation en
éco-points. Ce projet de règlement grand-ducal trouve sa base légale dans la future
loi concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
Le projet de règlement grand-ducal établit un système susceptible d’évaluer la
valeur écologique d’un site devant accueillir par exemple un projet de construction
avant et après la réalisation de celui-ci. La différence entre l’état initial et final
déterminant l’envergure des mesures de compensation.
Il précise également le principe de calcul des bilans écologiques, fixe les valeurs en
éco-points des différents biotopes, habitats ou toutes autres utilisations du sol.
Si la Chambre des Métiers a salué explicitement l’introduction d’un nouveau cadre
légal pour la compensation écologique(1), elle considère que le projet de règlement
grand-ducal appelé à fixer les modalités pratiques comporte des défauts majeurs.
Plus précisément, il présente deux inconvénients qui rendraient son application très
difficile, à savoir, d’une part, une définition imprécise de son champ d’application,
et, d’autre part, un nombre important de formulations qui laissent des marges
d’interprétation beaucoup trop larges.
Un champ d’application diffus, dépassant le cadre fixé par la loi concernant la
protection de la nature et des ressources naturelles
Le projet de règlement grand-ducal sur les « éco-points » dépasse largement le cadre
de la loi qu’il est censé exécuter. En fait le projet de règlement grand-ducal pêche
par un double dépassement du cadre légal.
Premièrement, selon le projet : « Le nombre en éco-points à appliquer
obligatoirement pour l’évaluation de l’état final dépend de la situation du projet
situé soit en zone verte, soit à l’extérieur de la zone verte. »
Or, si le règlement devrait s’appliquer aux projets situés en zone verte et à ceux
situés à l’extérieur de la zone verte, il s’appliquerait de facto à l’ensemble des
projets réalisés sur le territoire national. Ainsi, il trouverait application en zone
urbanisée, même en l’absence de biotopes, d’espèces et d’habitats protégés.
Deuxièmement, le projet de règlement grand-ducal attribue des éco-points non
seulement à chaque biotope et habitat protégé par la future loi, mais également à «
toute autre utilisation du sol même non protégée » par cette loi.
De la sorte, le coût des mesures de compensation serait gonflé par des « détériorations » causées par la réalisation d’un projet à des utilisations du sol qui ne
bénéficient nullement du statut de protection conféré par la loi précitée, ce qui est
jugée inacceptable par la Chambre des Métiers.
Un projet dont le libellé flou soulève beaucoup d’incertitudes
De surcroît, le projet pêche par un grand nombre d’imprécisions dans ses
formulations, générant ainsi une insécurité juridique excessive.
Hormis le fait que l’annexe du projet contient un nombre impressionnant de
références qui selon la Chambre des Métiers ne devraient pas se voir attribuer des
éco-points (« surface bâtie », « petits bâtiments, hangar », « jardin privé », etc.), alors qu’elles renferment des objets, plantes et habitats qui ne sont pas protégés par la loi concernant la protection de l’environnement et des ressources naturelles,
beaucoup de positions sont entachées de subjectivité. Ainsi, quelle est par exemple
la définition de « vieux » arbres ou de vergers plantés « récemment » ?
Outre la complexité du mécanisme proposé, qui se trouve à contre-courant d’une
politique de simplification administrative, les deux principaux problèmes évoqués
ci-avant – en relation avec un champ d’application beaucoup trop large et des
formulations imprécises – font que la Chambre des Métiers ne peut que s’opposer
au projet de règlement grand-ducal lui soumis pour avis. En l’état actuel celui-ci
risque de gonfler de façon notable les coûts des mesures de compensation et de
renchérir de ce fait davantage le logement, de sorte qu’il se trouve également en
contradiction flagrante avec la politique du logement et d’aménagement du
territoire que le Gouvernement entend suivre.
(1) Avis du 14 février 2017 relatif au projet de loi sur la protection de la nature.
Communiqué par la Chambre des Métiers du Grand-Duché de Luxembourg