Quand l’humain et le commerce local ne font qu’un
En plus d’être très actif dans la réinsertion socio-professionnelle, co-labor met en avant les petits producteurs locaux par l’entremise de ses deux boutiques. Une double responsabilité reconnue au fil des années pour en faire une référence incontournable au Luxembourg. Rencontre avec Max Holz, directeur adjoint aux opérations.
Les producteurs locaux n’ont pas toujours la vie facile pour se développer. Heureusement, des grands acteurs de l’économie sociale et solidaire comme co-labor sont présents pour mettre leurs produits en valeur. Existe-t-il une certaine concurrence entre eux ? « Ce n’est pas vraiment la concurrence entre les petits commerçants qui rend le contexte difficile », explique Max Holz. « Évidemment, ce n’est pas tous les jours facile. On a constaté, chez les acteurs de la distribution bio, une augmentation des difficultés depuis un an et demi, notamment pour conserver la clientèle à cause de l’évolution des prix. Je parlerais donc plus de complémentarité entre les acteurs bio et non de concurrence. Il y a beaucoup de valeurs derrière le bio et notre mode de pensée. Nous avons une mission importante pour préserver la planète. Il est donc inutile de se tirer dans les pattes. »
Si certains parlent d’un effet positif post-Covid pour le commerce local, Max Holz n’est pas aussi radical. « C’était plus une tendance éphémère à mes yeux. Durant une année, les gens se sont majoritairement tournés vers les producteurs régionaux. Il y avait une réelle envie de retrouver l’authentique, de se rassurer. Mais je pense que cet effet s’est estompé par la suite. Pour notre part, nous avons la chance d’avoir une clientèle fidèle et qui s’intéresse au marché bio et local. »
Et le prix dans tout cela ? Est-ce que le bio continue à conserver son étiquette d’élitiste ? « Il ne faut pas rêver. Nous sommes conscients que notre clientèle a les moyens de s’acheter des produits de qualité, fabriqués dans un contexte d’économie sociale et solidaire. Comme ils sont produits localement et mis en vente par de petits distributeurs, nos clients sont prêts à payer le juste prix qui rémunèrera correctement les producteurs et qui sera logiquement plus élevé qu’en grande surface. Il ne serait pas honnête de déclarer que le prix ne joue pas un rôle dans la fréquentation des commerces locaux. Et puis, il ne faut pas oublier que le pouvoir de négociation avec les fournisseurs n’est pas le même entre une grande chaîne et un petit commerçant. Cela impact donc forcément la marge et le prix de vente final. Si co-labor mettait trop de pression sur les petits producteurs, ils ne pourraient plus suivre. Il faut donc que chacun y trouve son compte et se respecte. »
co-labor, une référence au Luxembourg ? « Nous avons fêté nos 40 ans cette année. Nous sommes bien implantés. Nous avons profité de cette occasion pour faire des efforts en termes de visibilité, ce qui entraîne de nombreuses demandes de partenariats. Nos démarches sociales et écologiques sont appréciées par les producteurs. C’est un win/win évidemment car nous pouvons proposer des produits de qualité alors qu’eux profitent de co-labor pour distribuer leur marchandise et se faire connaître. »
L’humain avant tout
Si les deux boutiques de co-labor -Bertange et Dudelange- sont connues du grand public, il ne faut pas oublier que la mission principale est la réinsertion professionnelle. « Nous nous adaptons constamment à l’évolution du marché du travail. Nous sommes très actifs dans le domaine du jardinage, du maraîchage et de l’entretien des forêts. C’est donc une grande fierté d’avoir soufflé nos 40 bougies avec une belle renommée. Celle-ci s’est construite au fil de toutes ces années. Les personnes formées par nos soins repartent avec un bagage plus solide pour affronter le monde du travail. Et ce n’est pas toujours gagné d’avance car nous devons faire face à la barrière de la langue pour certaines personnes, à leur marginalisation de la société ou encore à leur rythme pour une journée ordinaire. Des tâches qui peuvent paraître simples pour beaucoup d’entre-nous mais qui demandent un réel effort pour de nombreux salariés en insertion. »
D’autres projets en vue ? « Nous avons mis en place, en 2022, le jardin pédagogique Gaïa pour les enfants. Depuis sa création, nous avons constaté que les jeunes sont très éloignés de la réalité de la terre, du sol et de ce qui y pousse pour nous nourrir. Ils n’ont, pour la plupart, plus aucune connexion sur la manière dont leur nourriture est produite. Certains adultes semblent également dépassés par cette réalité. Nous avons donc décidé de développer un jardin similaire mais pour les plus grands. L’idée est de mettre en place un programme adapté à Bertrange afin que les participants puissent en apprendre davantage sur la nature. Toujours en maintenant un lien avec la production alimentaire, maraîchère et fruitière, la biodiversité et le biotope. Tout sera mis en place pour le prochain printemps. »
Propos recueillis par Sébastien Yernaux
Photos : ©Infogreen
Article tiré du dossier du mois « Courts-circuits »