Que retenir du 6e rapport du GIEC ? (1/2)
En une dizaine de pages, le GIEC a compilé son « rapport des rapports », le volet de synthèse de son 6e rapport d’évaluation sur le changement climatique initié en 2015. Ce document présenté le lundi 20 mars à Interlaken, en Suisse, livre un verdict sans appel. D’ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre doivent et peuvent être réduites de moitié.
Rapport du GIEC : constat d’urgence, présence de solutions
Dans le dernier chapitre de son sixième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dresse un bilan décevant des actions et de la situation. Il confirme aussi de réelles pistes et possibilités pour endiguer le réchauffement climatique. Oui, mais si les gouvernements agissent maintenant.
Ainsi, le rapport relève que seule « une action climatique urgente peut garantir un avenir vivable pour tous » et le secrétaire général de l’ONU, António Guterres d’abonder en ce sens en avertissant que la planète n’a plus une minute à perdre pour éviter le pire.
Contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C : un défi
Il est désormais acté que l’accroissement de la température liée à l’activité humaine atteindra 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle et ce, dès les années 2030-2035.
Sur ces bases, les scientifiques ont néanmoins largement relayé les « nombreuses options réalisables et efficaces pour réduire les émissions polluantes et s’adapter au changement de climat ».
Comme le souligne le président du GIEC, Hoesung Lee : si « ce rapport de synthèse souligne l’urgence de prendre des mesures plus ambitieuses, il montre que si nous agissons maintenant, nous pouvons encore assurer un avenir durable et vivable pour tous ».
Attention néanmoins : la fenêtre qui nous permettrait de contrôler les dérèglements climatiques, dans la mesure du seuil jugé comme viable de +1,5°C, se referme rapidement.
Depuis 2018 et la mise en garde du comité d’expertise sur la capacité de l’humanité à maintenir le réchauffement dans ce seuil de tolérance, le défi s’est accru en raison de l’augmentation graduelle des émissions de gaz à effet de serre.
Plus d’un siècle de combustion de matières fossiles, d’utilisation inégale et non durable de l’énergie et des sols, ont entraîné une élévation de la température de 1,1°C par rapport à la période préindustrielle.
La voie à suivre
Ensuite, le GIEC évoque une combinaison d’actions pour instaurer un développement résilient. Beaucoup sont déjà largement connues : transformation des énergies fossiles, des modes de transports et de l’habitat.
Cependant un concept soigneusement niché dans la synthèse du rapport interpelle : opter pour des méthodes présentant d’autres avantages que la simple réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Exemple : l’électrification à faible émission de carbone ou les déplacements à pied, à bicyclette ou en transport public, assainissent l’air, améliorent la santé mais créent également des emplois et favorisent l’équité. La croissance du bon sens.
Ainsi, à elles seules, les économies de santé publique réalisées grâce à l’amélioration de la qualité de l’air seraient à peu près égales ou même supérieures, au coût de la réduction ou de la suppression des émissions.
Le Luxembourg au cœur de l’éco-responsabilité et de la finance durable
Raymond Aendekerk, directeur de Greenpeace Luxembourg affirme que « nous avons toutes les solutions pour réduire de moitié les émissions au cours de cette décennie. Le Luxembourg doit lui aussi intensifier ses efforts pour que notre économie, notre industrie financière, notre alimentation et notre consommation évoluent dans le respect des engagements pour le climat. Le nouveau Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC), qui est en cours d’élaboration, doit clairement mener à des progrès plus contraignants concernant la protection du climat et la réduction des énergies fossiles. »
L’enjeu global est un enjeu local
Le GIEC pointe du doigt des lacunes en matière d’accès aux financements pour freiner le processus climatique. Les financements alloués aux mesures de mitigation, d’adaptation et d’atténuation ne sont pas assez conséquents au regard des disponibilités de capitaux et de liquidités.
Le Luxembourg est en mesure de faire mieux dans la responsabilisation et le choix de ses investissements autour de l’éco-innovation, l’éco-responsabilité, la protection du climat et de la biodiversité. Selon de nombreux observateurs indépendants, la neutralité carbone passe aussi par une finance durable.
C’est dans ce sens, que le 9 février 2023, les députés du Parlement luxembourgeois ont adopté une motion invitant le gouvernement à exclure du Fonds du pension du Luxembourg (FDC), les entreprises ne se conformant pas aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
COP28 : bilan mondial en décembre
La recrudescence des évènements climatiques extrêmes prédits par les travaux du GIEC sont désormais à l’œuvre sur l’ensemble des continents.
Selon le réseau scientifique World Weather Attribution, l’influence du réchauffement climatique sur l’intensité et la récurrence de ses phénomènes a été démontrée par les inondations meurtrières au Pakistan, au Nigeria, les canicules extrêmes en Argentine, au Chili et les sécheresses en Europe et en Amérique du Nord.
Ces avertisseurs climatiques, appuyés par le rapport du GIEC, pèseront de tout leur poids dans l’inflexion, voire le revirement des politiques climatiques et le renforcement des engagements au moment de la COP28, qui se tiendra à Dubaï en décembre 2023.
Les pistes qui devraient y être suivies par les gouvernements sont désormais claires : la fin de la dépendance aux énergies fossiles, la promotion des énergies renouvelables, la mutation des modes de transport et la décarbonation de l’industrie.
À retrouver en seconde partie : les réactions d’Andrew Ferrone, représentant national au GIEC, président de l’Observatoire de la politique climatique, chef du service météorologique de l’ASTA (Administration des Services Techniques de l’Agriculture).
Sébastien Michel