Quelles forêts pour demain au Luxembourg ?
Face aux changements du climat, les enjeux qui pèsent sur les forêts n’ont jamais été aussi importants, poussant les gestionnaires forestiers à (se) réinventer, faire évoluer leurs modes de gestion et à repenser les forêts de demain.
Les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles en forêts ces dernières années : périodes de sécheresse prolongées et plus fréquentes, hivers globalement moins rigoureux et plus humides, pullulation d’insectes ravageurs, etc. A l’heure actuelle, toutes les forêts du pays présentent une ou plusieurs parcelle(s) d’arbres dont l’état sanitaire est préoccupant.
Afin de garantir une gestion durable et multifonctionnelle des forêts, les forestiers et les propriétaires de forêts se voient ainsi contraints de mettre en place des mesures de gestion alternatives pour mitiger ces impacts. Une manière d’adapter nos forêts aux changements climatiques est d’augmenter leur résilience. Cela passe, entre autres, par une augmentation de la diversité des essences forestières et une meilleure adaptation des essences aux conditions climatiques actuelles et futures. Des expériences similaires ont lieu dans les pays voisins, notamment en Allemagne, en Belgique ou bien en France.
Expérimentation luxembourgeoise
Au Luxembourg, en raison du manque de disponibilité de parcelles expérimentales, peu d’expériences avaient été conduites jusqu’à présent sur ce sujet. Cependant, dans la commune de Differdange, 12 parcelles d’une superficie totale de 14 hectares ont pu être libérées par l’Administration Nature et Forêt (ANF) au sein de la forêt domaniale de Differdange. L’ANF a ainsi fait appel à l’équipe forestière de Luxplan pour l’élaboration d’un projet expérimental sur cet espace, en collaboration avec différents acteurs de terrain.
Dans un premier temps, nous avons identifié un certain nombre de provenance d’essences indigènes (espèces d’arbres retrouvées naturellement chez nous) potentiellement mieux adaptées que les provenances actuelles (par exemple une provenance plus méridionale du Chêne sessile, du Tilleul à grandes feuilles ou du Merisier), ainsi que des essences exotiques. On retrouve parmi ces dernières le Cèdre de l’Atlas, le Cèdre du Liban, le Grand sapin côtier ou le Noisetier de Byzance. La sélection des essences est basée sur une analyse documentaire, des rapports d’expérience et d’une analyse des sols des parcelles. L’ANF a ensuite posé des choix parmi les essences proposées.
Dans un second temps, les essences sélectionnées seront plantées par l’ANF et un dispositif de suivi sera mis en œuvre en collaboration avec Luxplan afin de collecter des données : taux de survie des plants, qualité des arbres, croissance, etc.
L’ANF espère pouvoir tirer de l’analyse de ces données des pistes pour diversifier la composition de nos forêts actuelles et ainsi les rendre plus résilientes face aux changements à venir.
Enjeux multi-facteurs
Bien que l’introduction de nouvelles essences d’arbres ne soit pas sans controverse, cette mesure doit être considérée comme une alternative possible pour conserver des forêts productives qui continuent à assurer l’ensemble des services qu’elles nous offrent, notamment en rôle de soutien dans le stockage du CO2 mais également pour la production de bois d’œuvre, de biomasse et de bois de chauffage.
Les impacts potentiels de l’introduction de nouvelles essences forestières sur un ensemble de paramètres (biodiversité, érosion des sols, etc.) doivent toutefois être également analysés afin de s’assurer de ne pas entrainer plus de perturbations de nos écosystèmes. Il s’agit également de l’une des vocations futures de ce dispositif et de ceux implantés dans les pays voisins.
Une chose est certaine, la forêt de demain se façonne aujourd’hui et promet d’être différente de ce que nous connaissons, avec ou sans notre intervention.
Article rédigé par Longrée Charlotte, Coordinatrice du département Études Forestières, Luxplan, membre de LSC Engineering Group et Gosset Thibault, Chef de projet, Département Études Forestières, Luxplan, membre de LSC Engineering Group paru dans le dossier du mois « Arborescence »