Rapport de développement durable, obligation ou « nice to have » ?
Le secteur de la construction et, de manière générale, notre société sont en pleine mutation. De nombreux défis, notamment énergétiques, environnementaux et sociétaux restent encore à relever pour créer une société plus durable, où les entreprises seraient des acteurs majeurs de ces changements. Conscient que ces évolutions vont impacter la gestion des entreprises de construction, l’IFSB mène depuis de nombreuses années une stratégie RSE et adopte une approche participative avec ses parties prenantes afin de favoriser la compétitivité durable du secteur de la construction. Dans une démarche volontaire de transparence, ses actions sont détaillées dans un rapport et structurées pour répondre à une mission sociétale précise. Le rapport de développement durable précisément doit rendre compte de la stratégie responsable des entreprises. Mais que contient-il réellement ? À qui est-il profitable ? Est-il un « nice to have », un « must to have » ou un « need to have » ?
Rencontre avec Élisabeth De Sousa, responsable Développement Durable à l’IFSB
« Tout d’abord, il convient d’expliquer ce qu’est un rapport de développement durable. Au même titre que d’autres outils financiers d’une entreprise, le rapport de développement durable est un outil de gestion et de pilotage permettant de mesurer l’efficacité de la démarche et de la stratégie RSE développée », explique la responsable du département développement durable de l’IFSB, Élisabeth De Sousa. Le rapport contient une série d’indicateurs basés sur trois piliers, trois composantes interdépendantes : une dimension environnementale, une dimension sociale et une dimension économique. Il s’agit d’indicateurs standardisés c’est-à-dire respectant un processus connu et reconnu avec une trame commune. Généralement annuel, un rapport DD doit respecter plusieurs principes dont celui de transparence, comme l’indique le Global Reporting Initiative (GRI), qui est le standard international volontaire en matière de communication d’informations sur les performances et impacts environnementaux, sociaux et économiques d’une entreprise.
Comme le précise Élisabeth De Sousa : « Le rapport de développement durable est également un outil permettant d’impliquer de manière concrète les différentes parties prenantes et d’interagir avec elles ». L’implication des parties prenantes se caractérise notamment par ce qu’on appelle « la matrice de matérialité », qui croise la vision stratégique de l’entreprise avec les attentes des parties prenantes. Ainsi, si l’entreprise n’a pas identifié un aspect, mais qu’il fait partie des attentes d’un grand nombre de parties prenantes, l’entreprise pourra créer un indicateur de suivi sur cet aspect. « Donnons pour exemple l’aspect changement climatique, l’entreprise pourra tout d’abord définir son bilan CO2 et ensuite fixer des objectifs de réduction », illustre Élisabeth De Sousa. Cette démarche repose sur le dialogue et permet de prendre en compte les intérêts de différentes parties prenantes. « Un rapport DD est un outil de communication concret et pertinent, et il est utile de créer une variante synthétique, en une page, pour faciliter sa lecture », souligne la responsable DD.
Bien plus concret qu’une simple brochure promotionnelle, il comporte les axes stratégiques et est souvent disponible sur le site Web de l’entreprise. Avec des axes stratégiques bien définis et des indicateurs précis de reporting, le rapport donne une plus grande cohérence et permet un accès à l’information de manière transparente.
La directive européenne relative au reporting extra-financier oblige certaines entreprises de l’Union, selon leur taille et leur chiffre d’affaires, à réaliser un rapport extra-financier. Les entreprises publient déjà un rapport financier, c’est-à-dire un bilan comptable dans beaucoup de cas. Cependant la notion de rapport extra financier considère que l’obligation de transparence ne s’arrête pas au passif ou à l’actif d’une entreprise, exprimé en euros, mais qu’il s’agit de rendre compte d’autres données, telles que le taux d’accidents ou bien le niveau de consommation énergétique d’une entreprise.
Malgré cette directive européenne, il n’y a, à l’heure actuelle, aucun cadre réellement contraignant. En effet, la directive est en cours de transposition au Grand-Duché de Luxembourg et on ne peut constater qu’une transposition a minima. Le réviseur aux comptes pourra attester qu’il y a bien un rapport dit « non financier » et ne devra en aucun cas vérifier ni son contenu, ni sa forme. « La transposition est tout de même décevante », s’exclame la responsable développement durable de l’IFSB. En effet, le cadre GRI et d’autres référentiels adaptés existent, mais « le Grand-Duché a choisi un cadre peu contraignant et continue ainsi de reléguer la RSE au deuxième plan ». L’IFSB est engagé dans cette dynamique depuis plus de cinq ans aujourd’hui. Cela demande du temps, mais les enjeux importants justifient cet investissement et permettent aux entreprises une vision holistique de leurs impacts. Grâce à une direction visionnaire et ambitieuse, l’IFSB a été un précurseur dans le domaine au Luxembourg. Il faut savoir que seules 3 entreprises disposaient d’un rapport RSE selon le standard GRI au Grand-Duché de Luxembourg, quand nous avons démarré. Aujourd’hui, il y en a 8.
Il y a cinq ans, l’IFSB était le seul institut à s’être engagé dans une démarche RSE en lien avec l’ISO 26000, standard international reconnu qui énonce les lignes directrices de la stratégie de responsabilité sociétale. « Il s’agit de rester pragmatique et d’appliquer les principes de manière pertinente. Cette démarche se construit et s’améliore de manière progressive », explique Élisabeth De Sousa.
Selon la responsable DD, « il ne s’agit pas seulement d’un « nice to have », qui pourrait être interprété comme du « greenwashing », façon pour une entreprise de se donner une image responsable trompeuse, mais plutôt un support qui a du sens pour donner aux clients et aux parties prenantes un climat de confiance ». Une évolution vers une société durable doit être amorcée le plus tôt possible, mais elle ne doit pas être imposée brutalement. Elle devra être suffisamment attractive pour motiver les changements de comportements et se construire en collaboration avec les parties prenantes.
Sur la photo : Élisabeth De Sousa
Mélanie De Lima
Source : NEOMAG
Consultez en ligne NEOMAG #01 octobre 2016
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