RSE : se poser la bonne question !
Persuadé que, « le retour financier n’est que la face visible de l’iceberg » de l’application d’une économie responsable au sein d’une société, Norman Fisch, coordinateur à l’INDR, revient sur la création de valeur partagée et la façon dont l’INDR aide les entreprises à mesurer et valoriser leur capital immatériel.
Pourriez-vous nous expliquer votre modèle de création de valeur ?
On a tendance à faire l’amalgame entre croissance économique et valeur. Certes, il y a des corrélations entre ces deux éléments, mais le retour financier n’est que la face visible de l’iceberg.
Au niveau micro-économique, la création de valeur dans une entreprise se réalise à travers quatre perspectives successives. Elle se base sur les connaissances, c’est-à-dire sur le capital intangible (les ressources humaines, les capacités organisationnelles, les structures de gestion d’information ou la culture d’entreprise, par exemple), qui permettent l’exécution des processus et des activités. En effet, le travail effectué permet de satisfaire les besoins du consommateur et, ce faisant, d’obtenir un retour financier. Ne considérer que la valeur financière revient à avoir une vision très partielle de la problématique. La RSE donne donc un cadre qui permet de mesurer la valeur à créer à chacune de ces étapes pour assurer la pérennité de l’entreprise.
La valeur existe aussi au niveau macro-économique, à l’extérieur de l’entreprise, dans la société, et ce sur quatre plans : le capital sociétal (RH, connaissances, culture…), le capital environnemental (ressources naturelles, éco-services, systèmes de support vitaux), les produits et services et le capital économique, que nous appelons couramment la richesse d’une société en omettant toutes les autres richesses. La valeur créée est souvent relayée au second plan car on oublie les trois autres catégories de valeur. La bonne question à se poser est bien : « Est-ce que je crée de la valeur pour mon entreprise et pour la société ? »
Un exemple ?
Si une entreprise décide d’offrir une formation à un de ses employés, il y a d’abord une diminution du capital économique puisqu’il faut financer cette formation, mais ce coût aura des répercussions bénéfiques. Cette valeur a simplement été transférée dans les salaires et les impôts que paie l’institut de formation. Il y aura également un effet multiplicateur. Les connaissances acquises seront partagées même en dehors de l’entreprise, elles auront forcément des répercussions positives sur la pertinence, l’efficacité ou l’efficience des processus existants, sur les produits et services, donc sur la satisfaction du client. Donc, même si de prime abord, investir dans la formation de ses salariés peut avoir comme effet direct une baisse du capital, on s’aperçoit rapidement que les effets émanant d’un tel investissement sont largement rentables : un salarié formé est un salarié plus compétent et efficace mais aussi davantage motivé dans l’exercice de sa profession. Il développe des compétences directement utilisables à l’intérieur de l’entreprise de la même manière qu’il les diffuse à l’extérieur. L’entreprise crée ainsi de la valeur pour elle-même et, en même temps, pour la société. Chaque initiative RSE devrait passer par le filtre de ce modèle.
Quel outil proposez-vous aux entreprises pour mesurer et valoriser leur capital immatériel ?
La RSE et ses bienfaits ne sont pas toujours bien compris par les entreprises. Dans un premier temps, nous les sensibilisons à ce qu’est la RSE et aux avantages de l’appliquer pour elles-mêmes et pour la société. Ensuite, nous leur proposons de s’évaluer gratuitement au moyen de notre guide en ligne accessible sur www.esr.lu . Développé en collaboration avec les principaux acteurs nationaux en matière de RSE (CEPS/INSTEAD, IMS, IFSB, etc.), ce formulaire permet à toute entreprise de s’inscrire quels que soient sa taille et son secteur d’activité. Après avoir renseigné quelques informations de base l’entreprise peut déjà se lancer. Elle obtient d’abord une vue d’ensemble des différentes initiatives qui existent au niveau national puis navigue dans un guide organisé en quatre chapitres : stratégie RSE, gouvernance, social et environnement. Le dirigeant peut ainsi à travers une centaine de questions, évaluer son propre comportement. Il peut ensuite demander qu’un expert de l’INDR lui présente ses résultats et des recommandations ou des pistes d’amélioration. Si l’entreprise obtient un score positif, elle peut solliciter le label ‘Entreprise Socialement Responsable’ en fournissant les justificatifs requis. Si une entreprise n’a pas atteint un score suffisant pour être labellisée ESR, mais souhaite valoriser son engagement, elle peut recevoir de l’INDR une attestation de son engagement. Pour cela, trois conditions doivent être remplies : avoir réalisé et validé son auto-évaluation, avoir nommé un responsable RSE formé en la matière, et avoir déclaré faire des efforts pour devenir socialement responsable. J’invite donc les dirigeants à consulter le Guide ESR afin de découvrir comment chacun peut créer de la valeur pour son entreprise tout en améliorant la société dans laquelle celle-ci évolue.
Photo © construction21.eu