Traitement de l’eau : les initiatives pionnières du SIDEN
Le Syndicat intercommunal de dépollution des eaux résiduaires du Nord (SIDEN) est engagé dans le traitement des micropolluants dans les eaux usées au Nord du Luxembourg. Tour d’horizon des méthodes mises en place ou en test, dans ce texte de Ronny Diederich, ingénieur diplômé pour la division des Analyses, Études et Travaux neufs du SIDEN.
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Dans un contexte marqué par l’urbanisation croissante et le vieillissement de la population, les rejets de micropolluants – résidus de médicaments, produits de contraste médicaux et autres substances pharmaceutiques – constituent un défi environnemental majeur. Conscient de cette problématique, le Syndicat intercommunal de dépollution des eaux résiduaires du Nord (SIDEN) se distingue par son engagement pour non seulement le traitement des eaux usées, mais aussi pour la recherche et l’innovation, visant à réduire ces pollutions émergentes et à améliorer la qualité des eaux usées traitées, conformément au solgan « Am Déngscht vun der Ëmwelt »
Le SIDEN : un acteur clé pour l’assainissement des eaux
Le SIDEN est une organisation intercommunale regroupant les Administrations communales du nord du Luxembourg. Chargé de la gestion et du traitement des eaux usées, il opère environ 100 stations d’épuration - dont environ 70 stations d’épuration biologiques modernes - et développe des projets innovants pour répondre aux enjeux environnementaux de demain. En collaboration avec des institutions scientifiques, des partenaires internationaux et l’Administration de la gestion de l’eau (AGE), le SIDEN s’impose comme un moteur de la transition vers des technologies durables pour la dépollution des eaux résiduaires urbaines.
Des solutions innovantes pour les micropolluants
Le SIDEN mène une série de projets de recherches et pilotes visant à explorer, tester et mettre en œuvre des technologies avancées pour le traitement des micropolluants. Ces initiatives, souvent réalisées en collaboration avec l’Université du Luxembourg et l’AGE ainsi que des acteurs européens, couvrent des approches variées, allant des solutions techniques aux solutions naturelles. Les principaux objectifs de ces études sont :
- Analyser l’efficacité d’élimination des micropolluants,
- Mesurer la consommation énergétique,
- Recevoir une expérience à la gestion et manipulation des différents procédés ainsi que l’envergure de l’entretien pendant l’exploitation ;
- Contribuer, grâce aux résultats obtenus, à la conception de futures installations similaires au Luxembourg.
Actuellement, quatre différentes techniques ont été testées ou sur le point d’être testées dans le réseau du SIDEN :
1. Le charbon actif pulvérisé (PAK)
Cette méthode repose sur l’utilisation de charbon actif en poudre, un matériau adsorbant capable de piéger les micropolluants dans les eaux usées. À la station d’épuration de Heiderscheidergrund, un projet pilote a évalué dans le cadre d’un étude comparative les performances du PAK et d’autres technologies comme le processus d’oxydation avancée (AOP) et les filtres conventionnels et d’en évaluer les coûts d’entretien.
2. Le procédé AOP (Advanced Oxidation Process)
Le procédé AOP combine des réactions chimiques puissantes pour dégrader les micropolluants. À Heiderscheidergrund encore, une solution unique associe deux technologies complémentaires :
- L’irradiation UV couplée au peroxyde d’hydrogène (H₂O₂), qui génère des radicaux libres capables de décomposer les polluants complexes,
- L’adsorption sur charbon actif, pour capturer les résidus restants.
- Cette technologie présente un double avantage :
- Une efficacité accrue contre les micropolluants,
- Et une réduction significative des germes pathogènes, y compris des bactéries résistantes aux antibiotiques.
Une variante potentiellement prometteuse de ce projet pilote avec la technique AOP démarre début 2025. Les résultats préliminaires indiquent que ce procédé pourrait permettre une bonne élimination des micropolluants tout en réduisant les coûts d’investissement et d’exploitation, ainsi que l’impact énergétique et environnemental.
3. Bassins de filtration RBFplus
Inspirés des processus naturels, les bassins de filtration RBFplus utilisent des substrats spécifiques pour adsorber les micropolluants tout en favorisant leur décomposition biologique.
Un prototype grandeur nature est en cours de construction à Neuhausen avec le soutien de l’AGE et de l’Université du Luxembourg. Ces infrastructures permettront de tester la durabilité des substrats, de collecter des données sur les mécanismes de dégradation et de préparer leur intégration dans les réseaux d’assainissement du pays et cela en échelle réelle et non seulement dans le laboratoire.
4. Station d’épuration de Bleesbrück
Pour cette station, une solution combinant ozonation et charbon actif granulaire a été retenue. L’ozonation, en oxydant les micropolluants, facilite leur élimination par adsorption sur le charbon actif. Les travaux de construction débuteront fin 2025.
Le SIDEN s’engage également au niveau international sur des projet de recherches, tel que :
Le projet Interreg EmiSûre : une collaboration transfrontalière pour la qualité de l’eau
Le SIDEN fut également un partenaire actif du projet EmiSûre, lancé dans le cadre du programme européen Interreg. Ce projet transfrontalier rassemble le Luxembourg, la Wallonie et la Lorraine pour améliorer la gestion des micropolluants dans le bassin de la Sûre, une rivière d’importance stratégique pour la région.
Les objectifs principaux d’EmiSûre incluaient :
- La réduction des émissions de micropolluants dans les cours d’eau,
- Le développement de technologies partagées, basées sur les meilleures pratiques,
- La sensibilisation des citoyens à l’impact des micropolluants.
Les premières actions retenaient des campagnes de mesure pour cartographier les sources de pollution et tester des solutions pilotes dans plusieurs stations d’épuration, en s’appuyant sur les technologies innovantes développées par des partenaires, dont le SIDEN.
Le projet Interreg QualiSûre : un projet transfrontalier pour la protection de la qualité de l’eau de la Sûre et de ses affluents en amont du barrage d’Esch-sur-Sûre au Luxembourg.
La Sûre prend sa source en Belgique, s’étend sur 173 km et forme la frontière germano-luxembourgeoise sur 50 km. Le bassin versant du barrage de la Haute-Sûre, principale ressource en eau potable pour le Luxembourg, couvre 428 km2, dont les 2/3 sont situés en Belgique.
La situation décrite ci-dessus montre qu’une amélioration de la qualité de l’eau du barrage n’est réalisable que par une coopération coordonnée et transfrontalière.
Le SIDEN, en qualité de chef de file, coordonne le projet et guide l’étude de l’état de situation du bassin versant alimentant le barrage de Esch-sur-Sûre côté luxembourgeois. Il apporte ses connaissances du territoire grand-ducal ainsi que son historique de données. Pour les essais sur les stations d’épuration, le SIDEN suivra l’installation de pilotes ainsi que la prise des échantillons.
QualiSûre vise à identifier les sources principales d’émission de pollution du bassin versant dans le cours d’eau. Une fois identifiées, des filtres plantés optimisés seront installés en post-traitement de la filière épuratoire et au niveau des surverses des déversoirs d’orage. Leurs performances sur la réduction des charges en nutriments, en micropolluants et bactériologiques dans le milieu récepteur seront suivies.
Les résultats seront intégrés dans un outil d’aide à la décision basé sur l’IA, qui permettra une répartition intelligente des charges (soulager les hotspots actuels) dans le bassin versant.
Enfin, un plan directeur transnational sera développé pour préserver la qualité de la Sûre.
Une vision durable pour l’eau au Luxembourg
L’ensemble de ces initiatives témoigne de l’engagement du SIDEN pour répondre aux défis posés par les micropolluants, tout en intégrant une perspective durable et collaborative. Grâce à ses partenariats locaux et internationaux, ses innovations technologiques et ses projets de recherche appliquée, le SIDEN ouvre la voie à une gestion des eaux usées respectueuse de l’environnement et adaptée aux besoins futurs.
Avec des technologies pionnières comme le charbon actif pulvérisé, l’AOP ou les bassins RBFplus, et des projets stratégiques tels qu’EmiSûre et QualiSûre, le nord du Luxembourg est un laboratoire d’innovation en matière d’assainissement des eaux usées.
Pour le SIDEN : DIEDERICH Ronny
Ingénieur diplômé, Division des Analyses, Études et Travaux neufs, Service Génie civil