Trump président, quel impact sur l’énergie et le climat ?
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis risque d’avoir un impact direct sur les politiques climatiques et énergétiques mondiales et européennes.
Divya Reddy est responsable de l’énergie et des ressources naturelles au Eurasia Group, un cabinet qui aide investisseurs et hommes d’affaires à comprendre l’impact de la politique sur les marchés étrangers. Simon Virley est partenaire et responsable électricité et infrastructures chez KPMG.
Que signifie Donald Trump président pour la politique climatique aux niveaux mondial et européen ?
Divya Reddy : Je pense que c’est un revers majeur pour la politique climatique internationale. Il a exprimé très clairement son opposition à l’accord de Paris, donc même s’il ne désengage pas officiellement les États-Unis du traité, ce que je pense qu’il tentera de faire, au niveau national, Washington ne se soumettra pas aux obligations de l’accord. Et je crois qu’une grande partie de la volonté politique qui a rendu l’accord possible émanait du Prédisent Obama et des relations bilatérales qu’il a créées autour de la question, particulièrement avec la Chine, mais aussi avec l’Inde et d’autres marchés émergents. J’estime donc que c’est un revers vraiment majeur.
Ne peut-il pas simplement se retirer de l’accord ?
DR : Non, ce qu’il peut faire, c’est réduire à néant la participation américaine en ne considérant pas l’accord sérieusement.
Comment cela affectera-il l’approche européenne ?
Simon Virley : Je ne prévois pas de changement important dans l’approche européenne au climat et à l’énergie. L’UE s’est engagée pour la décarbonisation bien avant Donald Trump et restera probablement engagée bien après lui. Je crois donc que les conséquences directes sur l’UE seront plus modestes. La grande question reste cependant le cadre réglementaire international. Que feront des pays comme la Chine si les États-Unis n’appliquent pas l’accord et ne respectent pas les engagements pris à Paris ? La vraie question, c’est ça : comment le reste du monde réagira.
L’attitude des États-Unis ne risque-t-elle pas de décourager les autres ? Un pays comme la Pologne ne pourrait-il pas se dire « si le plus important émetteur de gaz à effet de serre au monde ne fait rien, pourquoi devrais-je faire des efforts ? »
SV : Je pense qu’une présidence Trump aura en effet un impact indirect. L’orientation de la politique énergétique et climatique européenne est assez bien établie pour qu’elle ne change pas de cap. D’autres pays, et en effet certains États membres, pourraient cependant être tentés de remettre cette orientation en question, mais je pense que le soutien général à une transition vers une économie à faible carbone restera fort.
SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE
En tant que président, Donald Trump pourrait se rapprocher de Vladimir Poutine. Ce rapprochement affaiblirait-il la position de négociation de l’UE en ce qui concerne la sécurité énergétique ?
DR : Cela ouvrirait sans doute des incertitudes sur l’avenir de la relation États-Unis-Russie, et du rôle possible de l’UE. Il est peut-être exagéré de dire qu’il est très favorable à un rapprochement avec la Russie. Je ne pense pas que la situation changera du tout au tout […] je dirais donc que ce risque est légèrement dramatisé. Je pense toutefois que la principale difficulté à surmonter est à présent le volume d’incertitude sur ses actions, surtout en ce qui concerne la politique extérieure en général, Russie comprise. Et j’imagine que c’est également une source d’incertitude dans certaines capitales européennes.
Ce malaise aura-t-il un impact sur les décisions d’investissement ?
SV : Cela ajoute à l’incertitude, oui. Les investisseurs ont été rassurés de la ratification de l’accord de Paris et de l’engagement mondial pour la décarbonisation. Cependant, si Donald Trump devait se retirer du processus, comme il l’a promis, cela ajouterait à l’incertitude, ajouterait au coût de capital et rendrait la prise de décision plus difficile pour tous les investisseurs dans le monde.
UNION DE L’ÉNERGIE
L’UE cherche à diversifier ses sources d’énergie, dans le cadre de l’Union de l’énergie…
SV : Les importations provenant des États-Unis ne sont pas très importantes à l’heure actuelle et si je comprends bien Donald Trump souhaite mettre fin aux exportations de gaz de schiste. Bien sûr, le Royaume-Uni cherche à importer du gaz de schiste américain, parce que ses réserves baissent, mais la grande initiative européenne sera de construire davantage d’interconnexion entre les États membres, afin d’utiliser l’énergie dont nous disposons de manière plus efficace.
L’interconnexion est difficile, à la fois du point de vue pratique et de celui de la politique. Et le Brexit a encore compliqué la situation, n’est-ce pas ?
SV : Le Brexit a compliqué la situation des investisseurs qui envisageaient des projets à l’avenir, pas celle de ceux qui ont déjà obtenu une approbation réglementaire. L’incertitude n’est plus tellement de savoir si les projets tiennent la route au niveau commercial, mais plutôt si une meilleure interconnexion avec le marché britannique bénéficiera d’un soutien politique. Dans l’UE, il y a un grand nombre de projets qui aboutiront et n’incluent pas le marché britannique. L’attention politique se concentrera donc à présent sur les pays qui comptent rester dans l’UE. C’est une question importante parce qu’un autre État membre, l’Irlande, qui se trouve au bout gazoducs et pipelines qui doivent traverser le Royaume-Uni. Cela complique donc encore les négociations du Brexit. Comment l’Irlande garantira sa sécurité d’approvisionnement, étant donné qu’elle dépend de l’énergie transitant par le marché britannique ?
Sous Barack Obama, Washington a soutenu les exportations de gaz naturel liquéfié vers l’UE. Cela continuera-t-il ?
DR : Eh bien, personne n’est sûr de rien, mais le LNG ne devrait pas être une priorité. Donald Trump a clairement adopté une position anti-commerce, mais je ne pense pas qu’il s’opposera avec force aux exportations de GNL. J’imagine que le statu quo se poursuivra, nombre de ces projets ont déjà été autorisés. […]
Une grande partie de ce gaz continuera donc d’arriver en Europe et c’est le marché qui déterminera le lancement de nouveaux projets. En réalité, l’élection d’Hillary Clinton et une plus grande mainmise des Démocrates aurait été plus à craindre. Je pense qu’elle serait restée favorable aux exportations, mais il y a un mouvement anti-gaz de plus en plus important. Pendant longtemps, sous l’administration Obama, le gaz a été considéré comme une alternative verte, un statut qu’il est en train de perdre. Les risques pesant sur l’approvisionnement européen auraient donc pu être encore plus grands sous les Démocrates.
L’UE considère explicitement le gaz naturel comme un combustible qui fera la transition…
SV : Je pense que l’UE a des objectifs de renouvelables assez élastiques, donc le gaz ne doit pas nécessairement servir de transition. La question clé est à présent la diversification des approvisionnements. Les États-Unis pourraient en faire partie, mais le but est de varier.
Rapidement, votre avis sur le TTIP. L’élection de Donald Trump marque-t-elle la fin de l’accord ?
DR : La réponse simple : oui.
HILLARY OU DONALD ?
Si Hillary avait gagné, quelle aurait été la grande différence, selon vous ?
DR : En ce qui concerne l’énergie, le climat serait resté de première importance dans la politique américaine. C’est la grande différence.
SV : Hillary Clinton avait promis un milliard de panneaux solaires, ce qui aurait été un encouragement fort pour une énergie décentralisée. Cela aurait alimenté la tendance mondiale d’une chute des coûts de cette technologie.
Quelle est la bonne nouvelle de cette victoire ?
SV : Je passe.
DR : Pour certaines entreprises c’est peut-être une bonne nouvelle. En ce qui concerne le pétrole et le gaz, la déréglementation est certainement une bonne nouvelle, parce qu’elle ouvrirait un meilleur ancrage national pour la production.
SV : Si l’exploration devient plus facile et que la production augmente, les factures d’énergies de ceux qui se fournissent auprès des États-Unis seront en effet plus légères.
Photo : Wikipedia - Gage Skidmore from Peoria, AZ, United States of America
Auteur : James Crisp | EurActiv.com | Traduit par : Manon Flausch
Source : EurActiv