Une filière qui fait vivre 300 familles agricoles luxembourgeoises
Les Moulins de Kleinbettingen ont à cœur de mettre leur expérience au service du secteur agricole pour améliorer les conditions de travail. La protection de la planète et les économies d’énergie ne sont pas oubliées pour limiter l’impact carbone. Rencontre avec Frédéric Baijot, Managing Director.
Les Moulins de Kleinbettingen existent depuis 1704. Au fil des années, l’équipe est devenue experte dans le domaine de la transformation céréalière. L’entreprise, riche en savoir-faire et en engagement, conjugue depuis toujours tradition et innovation, tout en respectant l’environnement et les générations futures. Le circuit court est privilégié, tout comme la préservation de l’environnement et le partenariat avec les agriculteurs.
« La question de l’environnement fait partie de l’ADN de l’entreprise, et plus concrètement depuis une trentaine d’années. Nous avons notamment participé à l’élaboration de la charte de la biodiversité de la filière ‘Produit du Terroir’, propre à la filière blé au Luxembourg », introduit le Managing Director
À l’époque, beaucoup de blé venait de l’étranger. Il faut dire que le Luxembourg cultivait essentiellement du blé de basse qualité, donc un produit pas vraiment idéal pour l’utilisation en boulangerie. « Edmond Muller, le propriétaire de l’entreprise à l’époque, a créé cette filière blé en collaboration avec la chambre d’agriculture et divers partenaires au Luxembourg. L’idée était de collaborer avec quelques agriculteurs céréaliers locaux et de leur demander de cultiver des blés qui répondent vraiment aux besoins du consommateur luxembourgeois. Une solution qui nous évitait d’importer des blés américains et canadiens via le port d’Anvers. À ce volet, on a aussi ajouté tout un programme de durabilité. »
Une collaboration en toute confiance
Ce n’était pas tout de cultiver du blé de qualité. À travers cette filière « Produit du Terroir », les Moulins de Kleinbettingen ont mis en place tout un programme dans lequel les agriculteurs sont conseillés sur ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire afin de minimiser leur potentiel impact négatif sur leurs sols.
Ils installent également des bandes fleuries pour favoriser la biodiversité. Ce sont des actions très concrètes et rémunératrices pour les agriculteurs. Il faut savoir que s’ils mettent une bande fleurie, il n’y a évidemment pas de blé sur cet espace. Il faut donc les rémunérer pour compenser.
« Chaque année, via ce contrat, les agriculteurs ont l’obligation de nous livrer le blé directement au moulin, sans stockage, car ce dernier peut être problématique en termes de durabilité. En nous livrant ce blé directement après la récolte, ils ne connaissent pas le prix auquel ils vont être payés. C’est quand même un des rares métiers où on travaille pendant un an, on livre son blé ici sans connaître sa rémunération. Nous avons donc créé un espace de confiance qui fonctionne maintenant depuis 25 ans officiellement, une trentaine d’années dans la pratique. »
Frédéric Baijot, Managing Director des Moulins de Kleinbettingen
18.000 tonnes de blé récoltées sur environ 3.000 hectares
Les Moulins de Kleinbettingen soutiennent les agriculteurs dans les moments les plus difficiles des prix du blé, à savoir quand ces derniers ne sont pas rémunérateurs. En échange, les agriculteurs accompagnent les Moulins de Kleinbettingen quand les prix sont vraiment au sommet. Et donc, au final, tout le monde s’y retrouve.
« Ce sont des aspects dont on parle beaucoup au niveau européen. Mais ce qui fait l’exception du Luxembourg c’est que plus de 50% de la culture de blé panifiable est inscrit dans cette filière de qualité durable. Une situation unique en Europe ! Pour faire simple, quasiment chaque pain que vous consommez au Luxembourg fait partie de ce programme. C’est évidemment rémunérateur pour l’agriculteur, puisque que ça fait vivre plus de 300 familles agricoles luxembourgeoises. »
En termes de chiffres, cela représente annuellement 18.000 tonnes de blé récoltées sur environ 3.000 hectares. C’est vraiment conséquent. Il n’y a pas d’équivalent en Europe.
L’optimisation énergétique des systèmes de production
Outre soutenir le secteur agricole, les Moulins de Kleinbettingen sont également vigilants quant à leur impact environnemental et leur empreinte carbone. « Nous n’avons pas attendu la crise énergétique pour chercher à optimiser notre énergie et notre impact carbone. C’est une responsabilité qui incombe à tout le monde. Cette crise nous a fait booster nos efforts, nos recherches et nos investissements via la création d’un groupe de travail interne. »
Chaque département a cherché comment améliorer les process pour économiser de l’énergie, comme éviter que des circuits tournent inutilement sans nuire à la production. La chaudière au fioul a également été changée pour passer au gaz et ainsi, être plus optimisée par rapport à la production tout en réduisant l’impact carbone. Des « bascules » à des points stratégiques de la production ont été mises en place afin de mesurer avec précision les entrées et les sorties, assurant ainsi une gestion plus efficace des ressources. Enfin, les responsables sont en train de placer des compteurs dans les armoires électriques afin de permettre de suivre la consommation en temps réel.
« Nous avons également installé différents alternateurs et réducteurs sur les moteurs afin de pouvoir profiter d’une meilleure efficience. Pour tous ces investissements, nous avons bénéficié de nombreuses aides de l’État. Ce sont des actions concrètes que tout le monde peut mener. Je pense aussi au remplacement de toutes les ampoules traditionnelles pour passer au LED. C’est un investissement assez lourd évidemment, mais il a eu un impact rapide sur les économies d’énergie. En moins de 5 ans, on a diminué notre consommation d’énergie d’environ 7% pour la même production totale. C’est conséquent en termes de budget, mais également en termes purement de consommation et d’impact sur l’environnement. »
Frédéric Baijot, Managing Director des Moulins de Kleinbettingen
Les Moulins de Kleinbettingen disposent de matériel performant. Grâce à l’arrivée de ce groupe de réflexion durant la crise énergétique, les membres sont en constante recherche pour améliorer le site. Et cette recherche satisfait l’ensemble des travailleurs. « Surtout la partie production. Ce sont ceux qui sont proches des machines et des circuits de production. Toutes ces modifications ont certainement une bonne émulation en interne. »
Arrivée de l’intelligence artificielle
Afin que toutes ces mesures d’économie se mettent en place, les Moulins de Kleinbettingen ont investi dans de nombreuses innovations. C’est notamment le cas de la digitalisation des capteurs. « Plus nous avons une banque de données intéressantes, plus nous connaissons, avec précision, le fonctionnement de chaque machine. Une plus-value si on conjugue ces données avec les connaissances pointues des responsables de la maintenance. Ils savent par expérience quelle machine est la plus gourmande et là où ça donne du sens de travailler plus rapidement. En digitalisant ces informations, on arrive à avoir une vue dégagée sur le futur, ce qui nous permet de mieux gérer les investissements. L’étape suivante, c’est évidemment l’intelligence artificielle. »
Les responsables collaborent avec un partenaire qui analyse en permanence toutes les données recueillies.
« Dans un moulin, les cylindres tournent en permanence pour écraser le blé. Leur usure peut être analysée afin de limiter la consommation d’énergie grâce à la présence des capteurs. Ils remontent, en temps réel, les informations nécessaires afin d’être proactif en cas de souci ou d’usure trop importante. Une aide importante pour les meuniers qui peuvent écraser le blé correctement et avoir un bon rendement. Ils peuvent compter sur l’intelligence artificielle afin de connaître le bon moment pour changer les cylindres et adapter leur performance de manière optimale. »
Frédéric Baijot, Managing Director des Moulins de Kleinbettingen
Digitalisation des systèmes administratifs
Afin de limiter la consommation inutile de papier, les responsables des Moulins de Kleinbettingen ont décidé de digitaliser tout le système de qualité. « Avant, nous fonctionnions avec un système de fiches de production qui devaient être remplies manuellement par les opérateurs. Une aide précieuse mais qui était lourde sur le plan administratif. Il fallait récupérer ces feuilles et les compiler dans les tableaux Excel. Aujourd’hui, tout est digitalisé, ce qui nous rend beaucoup plus efficace, tout en consommant moins de papier. »
Une avancée qui aide le management de la qualité, puisque chaque tâche doit être validée pour passer à la suivante.
Frédéric Baijot : « Comme avec les capteurs, nous pouvons également être beaucoup plus réactifs. Quand il y a une anomalie, l’opérateur peut la remonter directement. On gagne donc en efficacité, en efficience et bien sûr, en termes de consommation, de papier et ainsi de suite. C’est juste hallucinant le nombre de classeurs que des entreprises ont ou avaient par le passé et qui remplissaient des dizaines d’armoires. Aujourd’hui, les bureaux sont beaucoup moins encombrés, ce qui améliore la qualité de vie des employés. »
Évidemment, qui dit digitalisation, dit sécurité des données. « Nous nous penchons sur le coût de cette informatisation, mais également sur son impact environnemental. Il faut trouver la meilleure balance possible, tout en ne perdant pas de vue la sécurité de nos données. La technologie est une aide précieuse qu’il faut utiliser intelligemment pour limiter notre impact. »
Ces différentes initiatives ont permis de valider plusieurs certifications, telles que l’ESR (INDR), Ecovadis, et Sedex.
Sébastien Yernaux
Photos : © Moulins de Kleinbettingen / © infogreen.lu