« Une nécessaire adaptation, pour tout le monde »
Quid du paysage automobile dans l’ère post-thermique ? Éléments et réflexions, avec la House of Automobile et son porte-parole, Gerry Wagner
Gerry Wagner, par ailleurs directeur Arval, est le porte-parole de la House of Automobile, confédération du secteur qui regroupe la FEDAMO (fusion de Fegarlux et ADAL) représentant quelque 170 garages, concessions et réparateurs auto-moto du Luxembourg, occupant plus de 5.200 salariés, Mobiz, rassemblant les sociétés de leasing et de location automobile – un parc total de plus de 48.000 véhicules et près de la moitié des nouvelles immatriculations chaque année – et la Febiac, représentant officiel des constructeurs et importateurs automobiles au Luxembourg et représentant du Luxembourg au sein de l’ACEA (Association européenne des constructeurs automobiles).
La House of Automobile (HOA) constitue une « plateforme d’échanges », une voix commune pour traiter des sujets d’intérêt commun, et donc un partenaire de référence des acteurs économiques et politiques. La HOA est à la fois un acteur de la mobilité qui soutient les mesures favorables à l’environnement et un outil de promotion du secteur automobile, défendant les intérêts des fédérations et de leurs membres et valorisant les métiers de l’automobile. Et, comme le rappelle son porte-parole, cette confédération veut, en ces périodes où « le monde automobile subit une mutation profonde à la mesure des enjeux sociétaux, accompagner proactivement les tendances du marché ».
Convaincre et agir dans la durée
Au lendemain de la décision du Parlement européen – en juin dernier – d’interdire la vente de nouveaux véhicules émettant du CO2 à partir de 2035, la House of Automobile réagissait par un communiqué. En soutenant « toutes les initiatives ayant comme objectif la lutte contre le changement climatique et la pollution », la HOA appelait « à ce que les mesures qui doivent encadrer la mise en application de cette stratégie au niveau national soient abordées avec une urgence certaine. Il faut assurer que l’infrastructure de charge soit rapidement et significativement renforcée sur tout le territoire et ceci non seulement pour les bornes publiques, mais surtout pour les bornes privées et professionnelles. Des investissements très significatifs et un programme de soutien seront nécessaires. Sachant que les véhicules électriques sont plus chers que des thermiques comparables, il faut garantir que la mobilité propre ne soit pas réservée à une population à revenus plus aisés ».
Gerry Wagner observe :
« Tous les constructeurs ont pris le virage de l’électromobilité. La chaîne de distribution s’est adaptée, les ventes en électrique sont mises en avant, les concessions sont équipées pour les recharges, la formation du personnel fait son effet. Mais il faut encore convaincre le client, qui se pose encore beaucoup de questions sur la mobilité électrique, les batteries, l’autonomie, l’infrastructure… En gros, les sceptiques ont encore beaucoup d’arguments mais ceux qui ont essayé sont convaincus et ils ne reviendraient pas en arrière ».
Statistiques hybrides
Les statistiques sont là pour étayer cette vision… qu’il faut quand même ajuster. « Nos gouvernants montrent parfois des chiffres un peu biaisés, notamment par le fait que les catégories ‘hybrides’ reprennent, à côté des plug-in, ces voitures qui ne se servent de l’électricité que pour le démarrage ».
Cela étant, l’électrique a bien décollé. « On était à moins de 5% des immatriculations en 2020, puis à 10% en 2021. Les chiffres des 7 premiers mois de 2022 arrivent à 14% mais il faut être prudent sur le côté exponentiel car on voit aussi une stagnation, voire un léger repli, sur les dernières semaines ».
On peut peut-être y déceler une forme de méfiance des automobilistes. « Le réseau de charge, surtout le réseau public, est beaucoup plus dense. Il y a en revanche encore des soucis de paiements, surtout à l’étranger, avec certaines cartes d’opérateurs des points de charge qui ne sont pas toujours acceptés comme prévu. »
Et demain ? « Il faut résoudre les questions techniques. Si on arrive bien à 50% d’électromobilité d’ici 2030, les infrastructures doivent précéder le mouvement. La question, au-delà du nombre et de l’efficacité des bornes qui progressent avec les programmes actuels, c’est l’alimentation des bornes, l’énergie nécessaire en amont, sa provenance – les sources renouvelables sont évidemment à privilégier – et aussi l’acheminement de l’électricité vers les stations de recharge. Cela nécessite de gros investissements ». Idem pour les entreprises. « Si on dit que 90% des charges se font à la maison ou au travail, cela implique que les employeurs fassent de gros efforts alors qu’ils n’ont pas nécessairement d’intérêt à cela, et qu’il faut les inciter. » Toute cette gestion des flux va être compliquée.
Et puis la plupart des métiers du secteur sont en grande mutation, voire en péril. « Les véhicules électriques ont très peu d’entretien, de pièces à changer… Dans les garages, de nouvelles tâches vont apparaître, assistées par la technologie. Mais davantage de tâches vont disparaître. Du côté des distributeurs, cela change aussi, progressivement. Les concessions seront peut-être de simples show-rooms… Le leasing privé se développe avec une proportion plus élevée de véhicules électriques, signe d’une autre approche de l’usage de la voiture peut-être… La voiture ne disparaîtra pas mais toute la mobilité change. Le secteur automobile est en pleine révolution. Il faut s’adapter. Mais il faut que tout le monde accélère cette transition, avec en première ligne les infrastructures et les investissements nécessaires. C’est indispensable si on veut que ça marche ».
Alain Ducat
Photos : House of Automobile / DirectLine/Schaeffler/ Creos
Extrait du dossier du mois « 2035 : Lëtz go ! »