Vers un « New Normal » : une autre relation au (lieu de) travail

Vers un « New Normal » : une autre relation au (lieu de) travail

Toutes les évolutions qui étaient en discussion sur l’organisation du travail ou l’équilibre vie professionnelle/vie privée ont connu un coup d’accélérateur un peu forcé. Les pistes pour les entreprises et les salariés, comme le télétravail, restent intéressantes à suivre. Entretien avec Anne-Marie Loesch, Head of Business Development & CSR à la Chambre de Commerce du Luxembourg.

La crise sanitaire a changé le travail pour les entreprises et leurs collaborateurs. Comment le vit-on à la Chambre de Commerce ?

Nous le vivions déjà en tant que collaborateurs-trices dans notre propre organisation. Ces sujets nous préoccupaient déjà et des réflexions sont engagées depuis des années, sur l’évolution des méthodes de travail, de management, de collaboration, de mobilité, de productivité, de la balance vie privée/vie professionnelle… Le confinement y a apporté un solide coup d’accélérateur... Des formes de travail moins conventionnelles, comme le télétravail, sont apparues comme des solutions dans un contexte inédit. Manifestement, on est à un tournant majeur de la culture du travail.

Le télétravail est devenu la norme pour beaucoup. Dans quelles proportions ?

Selon une étude Eurostat, pré-Covid, le Luxembourg comptait déjà 11,6% de télétravailleurs occasionnels ou organisés. Soit un 3e rang européen, derrière les Pays-Bas et la Finlande. Avec la crise sanitaire, on a atteint 69% de télétravail. Si tous les métiers ne peuvent évidemment pas être exercés de la sorte, une autre étude montre que, dans notre pays très axé sur les services, plus de 50% des emplois pourraient potentiellement se passer d’une présence permanente au bureau. Un sondage interne à la Chambre de Commerce a montré une position favorable des employés et la faisabilité d’une bonne part du travail en télétravail. Là où cette forme d’organisation était ponctuelle, plus limitée et revêtait un caractère exceptionnel, elle est effectivement devenue la norme à large échelle.

Tout le monde était-il prêt ?

La plupart des grandes entreprises dans les services, la finance, le conseil, avaient mis les moyens en place : infrastructures, outils mobiles, plateformes de partage, flexibilité des horaires… Pour celles qui ont dû davantage « improviser », la digitalisation a été boostée ! Et ce qui semblait le seul moyen de maintenir le cap du fonctionnement s’est mis en place. À la Chambre de Commerce, outre le fonctionnement interne forcément impacté, nous avons également basculé toute notre offre de services à nos membres en format digital pour leur apporter le soutien nécessaire. In fine, ce qui compte, c’est que chacun s’y retrouve : des employeurs satisfaits de la continuité du business et des employés qui trouvent leur bonheur dans une relation de travail maintenue et une organisation revue.

Quels sont les avantages et inconvénients ?

Le télétravail change les interactions, modifie la culture du management, dans le sens de la confiance et d’une orientation-résultats, plus que du contrôle. En tout cas, beaucoup ont apparemment validé le fait qu’il n’y avait pas de baisse de productivité. Il est clair également qu’il y a un gain de temps sur les trajets domicile-travail. Cela peut se répercuter positivement sur la mobilité, sur la santé (pas le stress des embouteillages par exemple), sur la motivation, sur l’environnement. L’impact sur le bilan carbone des entreprises n’est pas négligeable. Pour la Chambre de Commerce, on s’est aperçu que les émissions tco2 liées au trajet des employés équivalaient à 3 fois les émissions liées à notre bâtiment !

Mais il faut voir aussi les impacts négatifs éventuels, notamment sur d’autres métiers ou activités économiques. On pense à l’horeca par exemple, aux commerces et services de proximité dont une part importante de l’activité est liée à la présence de travailleurs autour des pôles économiques. On pense aussi aux aspects réglementaires et fiscaux, au cadre qui indique clairement qui fait quoi, entre l’employeur et l’employé (matériel, disponibilité, caractère volontaire, confidentialité, contrôle…).

Certains mettent aussi en évidence les inégalités poussées par le télétravail : les économistes de la Deutsche Bank ont émis l’hypothèse d’une taxation sur le télétravail estimant qu’il s’agit d’un privilège dont tous ne peuvent pas bénéficier…

Et demain ?

Il semble clair que l’on ne va pas revenir complètement en arrière. On s’imagine plutôt voir émerger un « new normal », caractérisé par une plus grande autonomie dans une culture basée sur la confiance, un fonctionnement agile et collaboratif et une meilleure performance alliant le meilleur des deux mondes : un travail de collaboration, de créativité et d’innovation au sein de l’entreprise et un « deep work » qui profitera du cadre plus tranquille pour autant qu’il soit adapté à la situation familiale. Dans tous les aspects de l’organisation du travail, il y a un intérêt pour les solutions plus flexibles et hybrides, alliant le digital et le présentiel. Ce qui va se répercuter sur la façon d’occuper les locaux, de les concevoir en fonction des besoins et usages futurs.

On peut s’attendre à une année 2021 qui fera émerger de nouveaux modèles. L’organisation du travail peut devenir un argument convaincant dans l’attraction et la rétention des talents. Dans tous les cas, on va vers une relation différente au travail et au lieu de travail.

Propos recueillis par Alain Ducat avec la Chambre de Commerce, partenaire Infogreen
Article tiré du dossier du mois « Bien-être : au travail ! »

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Publié le vendredi 5 mars 2021
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