« Changeons nos habitudes au lieu de notre vocabulaire »
BENU Village est un concept simple qui ne laisse pas de place aux belles paroles. Son but : vivre en totale autonomie et surtout, en ne produisant pas de déchets.
Georges Kieffer a la tête bien sur les épaules. Pour lui, lorsqu’un projet est lancé, l’important est d’aller dans la bonne direction sans se laisser distraire par de belles paroles ou des promesses en l’air. Selon lui, la transition, qu’elle soit économique ou écologique, doit suivre cette même voie.
« Actuellement, j’ai l’impression que le vocabulaire utilisé par le grand public et par l’industrie est nettement plus rapide que les changements de comportements », souligne le responsable de BENU (prononcez « bi niou ! » - en anglais « Be New ! »). « Aujourd’hui, tout le monde estime recycler, mais il y a encore du boulot. Dernier exemple en date, je reçois un carton d’invitation pour un événement qui se dit durable et le support est en pur plastique. C’est bien beau d’utiliser des termes à la mode comme « économie circulaire » et « développement durable », mais si on ne joint pas le geste à la parole, c’est inutile.
Sommes-nous en transition ? « Je suis certain qu’il y a plus de personnes qui commencent à réfléchir, si on compare à il y a 20 ans. Par contre, la vitesse pour améliorer cette transition est inexistante. L’homme développe de nombreux programmes pour améliorer son existence et se donner bonne conscience, pour finalement ne rien changer. C’est d’ailleurs une des missions de BENU. Donner des idées concrètes pour que cette transition se concrétise. »
Une histoire de pantalon
L’idée du village BENU est venue d’un accident vestimentaire classique. « J’étais en promenade et mon pantalon s’est déchiré. Le réflexe malheureux de beaucoup de personnes est de jeter et d’en acheter un nouveau. Réflexe humain mais incompréhensible car on peut toujours le réparer. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi 31% des vêtements présents dans les conteneurs sont brûlés. C’est une ineptie parmi beaucoup d’autres. »
Et donc, cette histoire de pantalon ? « Elle m’a fait réfléchir à mon mode de fonctionnement pour l’améliorer au quotidien. Beaucoup d’efforts sont effectués mais si on gratte un peu derrière, on s’aperçoit qu’il y a encore des lacunes à corriger. Je pense au bio par exemple. Le label est important mais il ne suffit pas toujours. Surtout quand on sait que certains secteurs emploient encore de jeunes enfants. Une paire de jeans marquée “bio-coton” peut parcourir jusqu’à 20.000 kilomètres. Est-ce normal ? »
Et le commerce équitable, Fairtrade ? « C’est également paradoxal. Les producteurs de cafés qui participent à ce label ont vu leurs revenus augmenter de 15%. Sur papier, c’est bien. Mais quand on voit qu’à la base, ils touchent une misère, est-ce vraiment un pas en avant ? Tous ces efforts sont beaux mais il est important de faire mieux en analysant ce qu’ils garantissent vraiment. »
Georges Kieffer devait donc trouver une solution qu’il était capable d’appliquer. « Partant de tous mes constats, l’idée est venue de dire que si on jette tellement alors que la qualité est encore plus que correcte, il y a moyen d’agir différemment. C’est pourquoi j’ai engagé des professionnels locaux. Après réflexion, on a trouvé les moyens d’éviter d’exporter notre misère à l’étranger et on a donné du travail qualifié dans la région. »
Le concept du premier éco-village est devenu une référence globale. « Nous construisons uniquement avec des déchets, des plantes, de la terre, de la laine de mouton. Nous apportons la preuve que c’est possible de recycler un maximum. C’est pourquoi les universités de Luxembourg et de Trèves viennent nous voir. Le circulaire est réalisable mais il faut changer ses habitudes au lieu de changer son vocabulaire ! »
Le village est basé sur 3 étapes. « Dès que nous aurons prouvé que la première fonctionne parfaitement, nous allons passer à la 2e en aidant notre petite région autour de nous. Nous allons remercier la main publique qui nous a soutenus pleinement pour rendre ce projet réalisable. Nous allons nous rendre dans les communes qui veulent vivre cette transition en cohésion avec l’ensemble des gens. »
La 3e phase sera de concevoir des projets similaires. « Nous avons déjà eu des demandes de deux grandes villes allemandes. C’est une belle reconnaissance. »
Sébastien Yernaux avec BENU, partenaire Infogreen
Photos : ©BENU / Fanny Krackenberger
Article paru dans le dossier du mois « Transmission en mouvement »