Clap de fin pour BENU Village ?
BENU Village asbl concrétise les réflexions actuelles sur les cycles de vie, qu’elles concernent les matériaux de construction, les vêtements ou les aliments, avec une touche sociale en prime. Bien qu’exemplaire en matière de circularité, le projet connaît des difficultés économiques qui compromettent son avenir.
Un lieu de découverte et d’échanges autour de l’économie circulaire
Le projet BENU, chapeauté par Georges Kieffer, a connu plusieurs étapes depuis son lancement en 2017.
Il s’est d’abord incarné dans un bâtiment temporaire, à Esch-sur-Alzette. On se souvient de son emblématique façade, véritable œuvre d’art à l’empreinte socioécologique optimale qui rassemblait des « déchets » en tout genre : cannettes, bouteilles en plastique, vieilles poupées… Sous cette carapace colorée, des conteneurs récupérés, couverts d’un crépi en miscanthus - une plante locale - et isolés avec de la laine de mouton. Tous les matériaux employés étaient issus de la récupération et chaque élément était unique, à l’instar des fenêtres dont pas une n’était identique.
La construction collaborative de ce bâtiment avait été l’occasion de former des demandeurs d’emploi à l’utilisation des matériaux biosourcés et/ou de réemploi.
Les locaux abritaient un magasin de vêtements originaux, fabriqués dans l’atelier de couture adjacent à partir de vêtements de seconde main, et offraient un service de location de vêtements upcyclés pour enfants.
Quelques années plus tard, c’est un écovillage entier qui est sorti de terre quelques centaines de mètres plus loin, toujours en impliquant un maximum de participants volontaires et en gardant la même approche circulaire, basée sur l’upcycling, l’utilisation de matériaux naturels et l’économie des ressources.
Au sein de ce village, des locaux proposés à la location à des associations ou start-up qui sont sur la même « longueur d’onde » que BENU, mais aussi un restaurant proposant des menus végétariens composés par des chefs chevronnés à base d’aliments non vendus ou non vendables, locaux et bio.
Viable ? Pas sans subventions
Ce projet unique, qui avait pu voir le jour et se maintenir grâce à la participation financière du ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable (MECDD) et de la Ville d’Esch-sur-Alzette, est aujourd’hui privé de subsides. En cause : des problèmes de gestion, pointés par un expert indépendant mandaté par le Ministère.
Les conclusions de son rapport ont été relayées par le MECDD dans un communiqué, publié le 15 novembre. Il y apparaît qu’aucune stratégie de gestion n’a été établie pour assurer la continuité des activités en dehors de subventions publiques. Les charges ont fortement augmenté entre 2019 et 2023, tout comme le nombre d’employés qui est passé de 17 en 2021 à 42 en 2023, et de 29 à 42 en novembre 2023 ce qui se traduit par une hausse des frais de personnel de près de 75 %. Les frais - de personnel, mais aussi de fonctionnement et d’investissement - ne sont pas couverts par les recettes. « Le chiffre d’affaires prévisionnel de 2023 en hausse (534.000 euros) n’éponge pas le déficit des activités qui lui a augmenté depuis 2019 de 1.500.000 euros. […] BENU a accumulé une dette de 945.870 euros. Concrètement, selon les estimations réalisées par BENU, les besoins de subventionnement sont, a minima, de 1,3 million d’euros pour redresser les comptes et de 2 millions d’euros à verser annuellement (hors investissements) pour réaliser les activités courantes avec l’équipe actuelle de 42 personnes », indique le Ministère. Le communiqué précise également que « Les bilans financiers transmis aux autorités de la Ville d’Esch-sur-Alzette ne laissaient nullement présager de telles augmentations financières d’une année à l’autre ».
Partant du principe « qu’une nouvelle subvention publique ne permettrait ni de résoudre les problèmes de gestion de trésorerie de BENU Village Esch asbl, ni de réduire la dépendance par rapport aux subventions publiques de l’ASBL, à moyen, voire long terme », il a été décidé de mettre un terme à la convention actuelle, dès le 31 décembre 2023.
La porte n’est pas fermée
Les autorités publiques affirment néanmoins leur volonté de maintenir le dialogue avec BENU et de contribuer à toute opportunité éventuelle de restructuration viable de son activité.
Le nom de BENU est en partie inspiré de celui de l’oiseau Bénou dans la mythologie égyptienne, l’ancêtre du phénix grec, qui renaît cycliquement de ses cendres. Espérons que ce nom sera de bon augure…
Mélanie Trélat
Photos : ©Fanny Krackenberger / ©BENU