Communautés énergétiques : une nouvelle ère

Communautés énergétiques : une nouvelle ère

Les directives européennes sur les énergies renouvelables et le marché de l’électricité ont été transposées en grande partie dans les lois luxembourgeoises en 2023, précisant les contours des communautés énergétiques.

Ces communautés peuvent produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie renouvelable, mais au-delà de cela, elles offrent des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à leurs membres et aux territoires sur lesquels elles se trouvent.

Interview de Paul Zens, président de l’asbl Eurosolar Lëtzebuerg

Comment une communauté énergétique se définit-elle ?

On distingue deux sortes de communautés : communautés énergétiques citoyennes et communautés d’énergie renouvelable. Cette dernière nous intéresse un peu plus, car il s’agit d’une communauté, le plus souvent sous la forme juridique d’une coopérative, dans le cadre de laquelle on partage l’énergie renouvelable produite localement. Elle est gérée par ses membres, ce qui est contraire aux habitudes qui veulent que les conditions de fonctionnement - dont le prix - soient imposées et les décisions prises par des tiers.

Elle existe à différentes échelles. Au niveau européen, le Luxembourg pourrait être une communauté énergétique à part entière vue la taille du pays, mais elle se limiterait à un partage d’énergie : quelqu’un qui a produit trop d’énergie à Clervaux pourrait la partager avec une autre personne localisée à Remich.

Les communautés locales sont beaucoup plus intéressantes, tant du point de vue économique que du point de vue sociétal car elles s’insèrent dans le voisinage, à proximité avec les avantages y relatif. Ainsi, elles profitent d’avantages tarifaires parce qu’elles n’utilisent pas le réseau du distributeur et sont donc dispensées des frais d’entretien et de rénovation des lignes. Ensuite, au-delà de l’approvisionnement énergétique, elles permettent de créer de la cohésion sociale. L’Union européenne s’intéresse, par exemple, à l’impact de ces communautés sur la précarité énergétique. En toute logique, le fait d’être très proche l’un de l’autre permet de se rendre compte que quelqu’un est en difficulté et de l’aider par la communication, l’échange de connaissances et de bonnes pratiques.

Qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans la transposition de ces directives au Luxembourg, selon vous ?

Il y a toujours des choses qu’on peut perfectionner. Par exemple, la limite de taille d’une communauté locale est d’un rayon de 300 mètres, ce qui est inférieur à ce qui a été défini dans d’autres pays. Ce rayon pourrait être élargi.

Ce qui doit être amélioré aussi, c’est la communication à ce sujet. Les citoyens doivent être informés des possibilités qu’ils ont. Par exemple, ils doivent savoir qu’une communauté énergétique ne concerne pas seulement l’électricité mais qu’elle peut aussi concerner le chauffage, que le concept va plus loin que le simple fait de partager de l’énergie pour gagner en indépendance, que cela se fait toujours en partenariat avec des entreprises et la municipalité et qu’il n’est donc pas nécessaire d’être un spécialiste pour se lancer. Et puis, il faut donner une forme juridique à une telle communauté qui, dans la plupart des cas, est une coopérative dans laquelle les membres ont des parts, mais je pense qu’on manque de compréhension sur la manière de l’organiser.

Nous allons travailler sur la communication, car les citoyens, mais aussi les entreprises et les communes, ont encore besoin d’explications. Les municipalités doivent disposer non seulement des connaissances, mais des ressources humaines ou financières pour acquérir les connaissances, et ensuite les transférer à leurs citoyens.

La participation citoyenne implique un changement d’habitudes : jusqu’à présent, on décidait prioritairement à deux - les grandes entreprises monopolistiques et les autorités publiques - et il faut maintenant partager la prise de décision avec un troisième acteur - les citoyens. C’est un ménage à trois un peu particulier, mais qui peut être rentable pour la société. Et le discours participatif est ce qui fait que la démocratie fonctionne.

Il faut ajouter que, si le secteur de la construction et de l’urbanisation est en grande partie à l’origine des problèmes de réchauffement climatique que nous connaissons, il est aussi, de facto, une partie de la solution et un levier d’action majeur. Il ne faut donc pas seulement motiver les citoyens à agir (parfois en les culpabilisant), mais s’adresser aussi aux communes et aux entreprises de construction. C’est un tout comme toujours : c’est avec la participation active des uns avec les autres que nous atteindrons nos objectifs.

Quel est le rôle de chacun dans une communauté énergétique ?

Lorsqu’une commune planifie le plan d’aménagement particulier (PAP) d’un nouveau quartier, elle doit travailler de concert avec les ingénieurs et les architectes pour prévoir un local où la communauté énergétique pourra se réunir, mais aussi un dispositif de stockage commun. Les batteries jouent un rôle primordial dans la transition énergétique - en particulier les grosses batteries communes qui ont plus de flexibilité que les batteries individuelles -, mais il faut privilégier les batteries thermiques à celles au lithium, même si elles ont une densité énergétique moins importante et occupent dès lors un plus grand espace. Je le répète souvent : en tant que maître d’ouvrage, il ne faut pas être trop gourmand ; on construit selon ses besoins et ses objectifs, mais aussi dans un contexte géographique et dans un contexte temporel. Et aujourd’hui, nous traversons une crise climatique, donc il faut revoir nos modes de pensée.

C’est ce qui a été fait à Schwebach (commune de Saeul) où une communauté énergétique a été créée dans un lotissement de 16 maisons : l’infrastructure est financée et exploitée par la communauté et l’approvisionnement est assuré par la production solaire locale, en consommation directe.

Mélanie Trélat
Extrait de Neomag#65

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Publié le jeudi 21 novembre 2024
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