Conférence « Le train de l'économie circulaire est en marche »

Conférence « Le train de l’économie circulaire est en marche »

À l’occasion de la publication de son Actualité & tendances n°22 "Le train de l’économie circulaire est en marche", la Chambre de Commerce a convié des experts aux profils aussi riches que variés ainsi qu’un public éclectique, à échanger leurs points de vue sur la façon de faire du Luxembourg une économie résiliente et compétitive via la mise en place de pratiques circulaires.

Le mot de bienvenue de Marc Wagener, Chief Economist de la Chambre de Commerce, a été l’occasion de rappeler que la santé économique luxembourgeoise, bien qu’actuellement au beau fixe, devrait être consolidée sur le long terme. La croissance économique grand-ducale est en effet aujourd’hui largement extensive, c’est-à-dire que l’augmentation du PIB requiert un recours accru à l’utilisation de ressources telles que le travail ou les matières premières. Le think tank américain Global Footprint Network estime d’ailleurs que si la population mondiale s’alignait sur le mode de vie luxembourgeois, il ne faudrait pas moins de huit planètes pour subvenir à ses besoins. Le modèle de croissance grand-ducal commence ainsi à atteindre ses limites et mène dans son sillage des défis significatifs pour les infrastructures, le logement, la mobilité et la cohésion sociale ; il doit ainsi être repensé pour être plus efficace.

La conférence s’est ensuite poursuivie par la présentation des faits saillants de l’Actualité & tendances Le train de l’économie circulaire est en marche par la rédactrice du document, Hoai Thu Nguyen Doan, économiste au sein des Affaires Économiques. Selon cette dernière, des phénomènes majeurs tels que les précédentes Révolutions industrielles, l’explosion démographique ou encore la diffusion des valeurs consuméristes au niveau mondial ont changé la donne. Dans ce nouveau contexte caractérisé par un goulet d’étranglement causé par une demande exponentielle de ressources que l’offre ne peut plus satisfaire - le tryptique extraire, consommer, jeter propre à l’économie linéaire, s’il a autrefois apporté de nombreuses années de prospérité à nos économies, se heurte à des écueils (épuisement des ressources naturelles, production exponentielle de déchets, empreinte écologique significative) et peine désormais à faire recette. C’est ainsi que l’OCDE prévoit que la croissance économique des pays du G20 plafonnera aux environs de 3% dans les années à venir. L’économiste a recommandé de dépoussiérer les concepts pratiqués lors de l’ère de préindustrielle, où les matières premières étaient plus difficilement accessibles, et qui consistaient à maintenir les matières premières le plus longtemps possible dans le circuit économique. Grâce au soutien de technologies auparavant inédites telles que le Big Data ou l’intelligence artificielle, le principe directeur de l’économie circulaire, mieux utiliser et réutiliser les ressources, pourrait ainsi être la clé pour un avenir plus résilient.

L’économie circulaire n’est pas seulement une réponse à des préoccupations strictement environnementales, a soutenu l’économiste. Elle s’inscrit dans une logique de développement durable et recherche donc un équilibre à la fois écologique, économique et social. Ainsi, au niveau macroéconomique, l’économie circulaire aurait le potentiel de dynamiser l’économie nationale tandis qu’au niveau microéconomique, elle serait source de nombreuses opportunités pour les entreprises. C’est d’ailleurs pour ces raisons que les grandes puissances économiques au niveau mondial ont d’ores et déjà mis en place des mesures pour déployer l’économie circulaire. L’Union européenne, par exemple, a constitué des budgets d’envergure à ces fins (ex : 80 milliards d’euros pour le programme Horizon 2020, 3,4 milliards d’euros pour le programme COSME, etc.) et déployé un plan d’action pour accélérer sa transition vers l’économie circulaire, stimuler sa compétitivité au niveau mondial et promouvoir une croissance économique durable et génératrice d’emplois. Au niveau du Luxembourg, les initiatives relatives à l’économie circulaire sont nombreuses et mises en œuvre par le gouvernement, les entreprises, les associations et la société civile : il existe une réelle bonne volonté nationale d’aller vers une économie plus résiliente, ce pourquoi l’Accord de coalition pour la période 2018-2023 compte près de 30 points relatifs à l’économie circulaire sur des domaines aussi divers et variés que l’agriculture, la fiscalité, le logement ou les travaux publics, pour ne citer que quelques exemples.

Nancy Thomas, la directrice d’IMS Luxembourg, invitée à co-modérer le panel de discussion avec Hoai Thu Nguyen Doan, a ensuite convié à l’exercice du débat, Christian Tock (Directeur des technologies durables du Ministère de l’Économie), Pierre Koppes (Echevin de Wiltz, la Circular Economy Hotspot nationale), Marion Charlier (Ingénieure de recherche chez Arcelor Mittal), Gérard Zoller (Directeur général chez Peintures Robin), Sébastien Zinck (Ingénieur de recherche au Luxembourg Institute of Science and Technology, le LIST) et Denis Fellens (Professeur coordinateur d’Interlycées).

En tant que Directeur des technologies durables du Ministère de l’Économie, Christian Tock a depuis 2014, activement travaillé à la mise en place de l’économie circulaire au Luxembourg. Dans ce cadre, il a pu constater des évolutions encourageantes dans ce domaine. Il existerait aujourd’hui un intérêt plus poussé pour l’économie circulaire, qui en 2013 était plutôt un sujet de niche. Cela s’est d’ailleurs reflété, nota-t-il, par le caractère éclectique du public présent à la conférence mais aussi par le fait que l’économie circulaire est un domaine qui relève aujourd’hui de la responsabilité de plusieurs Ministères à la fois. Monsieur Tock a souligné l’importance d’un changement de système tout en reconnaissant que le défi n’était pas simple : il a ainsi comparé la transition vers l’économie circulaire au remplacement d’un moteur en plein fonctionnement . Selon lui, le Luxembourg, de par sa taille, peut constituer un véritable laboratoire pour développer des principes et technologies circulaires qui pourront par la suite être exportés dans le monde. Ayant une expertise dans le domaine de la finance, le pays pourrait par exemple contribuer à un monde plus durable en développant les outils relatifs à la finance verte.

Pierre Koppes, l’échevin de Wiltz, commune pilote au niveau national pour tester des principes relatifs à l’économie circulaire (Circular Economy Hotspot nationale), a évoqué quelques projets pilotes parmi les vingt qui ont actuellement lieu. Le projet Wunne mat der Wooltz vise par exemple à revaloriser et requalifier l’ensemble des friches industrielles situées à Wiltz via la construction de quartiers appliquant les principes de l’économie circulaire. Il s’agit, entre autres, d’avoir un meilleur emploi de la surface disponible et de mettre en place des pratiques de symbiose industrielle via par exemple la mise en commun des achats énergétiques. En 2018, Wiltz a signé une Charte d’engagement pour l’économie circulaire, dans laquelle la commune s’engage à orienter l’ensemble de ses activités de manière à ce qu’elles impactent positivement la santé des citoyens, de l’environnement et de l’économie locale. Cette charte a notamment pour objectif de poursuivre les efforts vers plus de circularité, même en cas de changement de couleur politique. L’échevin a également souligné l’importance de la sensibilisation des citoyens.

Selon l’ingénieur en sciences des matériaux et en éco-conception au LIST, Sébastien Zinck, le monde de la recherche peut soutenir le déploiement de l’économie circulaire en introduisant de nouveaux matériaux plus durables, en améliorant le système de tri et en réduisant l’empreinte environnementale du processus de production via l’éco-conception. Il existerait déjà des solutions techniques intéressantes du point de vue environnemental, mais ces dernières manquent malheureusement de rentabilité. Il appelle ainsi à la mise en place d’incitations économiques ainsi que de réglementations. Dans ce contexte, Monsieur Zinck a évoqué le taux super réduit de 3% de TVA créé par l’État afin de stimuler la construction de logement et recommande d’étendre son application aux produits circulaires.

L’entreprise Peintures Robin, représentée par Gérard Zoller, son Directeur Général, est une PME luxembourgeoise très engagée en matière de protection de l’environnement. Depuis 2014, cette dernière produit des peintures respectant les principes de l’économie circulaire, sans pour autant que celles-ci soient labélisées. C’est en effet seulement quelques années plus tard, lors d’un groupe de travail relatif à la stratégie Troisième Révolution Industrielle, que Monsieur Zoller découvre la notion théorique d’économie circulaire. Il a évoqué avec humour le développement par son entreprise d’une peinture murale dite zombie qui renaîtrait de ses cendres en étant entièrement biosourcée. Pour que le modèle de l’économie circulaire puisse fonctionner, il est fondamental selon lui, que le changement soit un mouvement de masse qui inclue toute la société, même les citoyens les moins aisés. Pour cela, il faut arriver à un business model attractif et compétitif. Pour permettre à un produit d’être circulaire, il est également nécessaire de développer des banques de données sécurisées pour connaître la constitution exacte des biens afin de pouvoir les réutiliser. Néanmoins, des problèmes de confidentialité et de copyright se posent encore.

Marion Charlier, qui fait partie de l’équipe recherche et développement chez Arcelor Mittal, a indiqué qu’en recyclant 95% des 2,2 millions de tonnes d’acier fabriquées, l’entreprise pour laquelle elle travaille essaie de réduire directement son impact environnemental. Elle est notamment impliquée dans le projet Steligence qui propose une approche de la construction considérant les bâtiments de façon holistique en intégrant aspects économiques, environnementaux et sociaux. Selon l’ingénieure de recherche, une fusion des politiques économiques et sociales serait indispensable pour permettre la mise en place concrète de principes circulaires via par exemple, la reconfiguration flexible des espaces construits ou encore la réinjection de la chaleur produite par les activités sidérurgiques dans le réseau de chauffage urbain.

Dennis Fellens, professeur coordinateur d’Interlycées, association qui organise des matinées d’études sur divers thèmes d’actualité, était présent pour appuyer l’importance de l’éducation dans la transition vers une économie plus résiliente. La sensibilisation est en effet un point clé pour faire changer les habitudes de consommation du citoyen de demain vers un modèle plus durable.

Au final, si les participants de la conférence ont mentionné certains défis relatifs au déploiement de l’économie circulaire, ils ont surtout évoqué beaucoup de solutions prometteuses qui sont en cours de développement ou en cours de tests au sein de projets pilotes au Luxembourg. Le gouvernement, les entreprises, les citoyens, le monde de la recherche et de l’éducation, œuvrent d’ores-et-déjà, chacun de leur côté, à construire un avenir plus durable pour le Grand-Duché. Il faut dès à présent poursuivre mais aussi joindre les efforts de tous et créer des synergies afin de déployer un véritable modèle d’économie linéaire prenant en compte les forces et faiblesses du Luxembourg.

Actualité de notre partenaire La Chambre de Commerce Luxembourg

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Publié le vendredi 12 juillet 2019
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