Construction : des innovations et perspectives passées en revue à Esch

Construction : des innovations et perspectives passées en revue à Esch

La commune de Wiltz, le Circular Innovation Hub et In4Green, le réseau des partenaires Infogreen en action, ont accueilli près de 80 personnes pour le deuxième rendez-vous de l’année dédié à l’économie circulaire, avec pour cette rencontre un focus sur l’innovation dans la construction et les nouveaux développements du secteur.

Une fois n’est pas coutume, c’est le Centre national de formation professionnelle continue (CNFPC) d’Esch-sur-Alzette qui a accueilli cet événement organisé par In4Green avec la commune de Wiltz et le Circular Innovation Hub.


« La circularité, c’est un sujet qui nous occupe tous beaucoup, et je pense que le bâtiment est un élément central dans tout cela. »

Vincent Hieff, chargé de direction du CNFPC d’Esch-sur-Alzette

Ariane Bouvy, Vincent Hieff et Frédéric Liégeois.
Ariane Bouvy, Vincent Hieff et Frédéric Liégeois. - © Picto

« Le bâtiment est l’un des secteurs les plus gourmands en ressources et en énergie. Mais il est aussi l’un des plus riches en potentiel d’innovation, de transformation, et de collaboration », a rappelé en introduction Frédéric Liégeois, fondateur de Picto Communication Partner et Infogreen.


« Nous espérons continuer à organiser de tels événements, en tout cas tant que la matière (l’économie circulaire, ndlr) ne sera pas intégrée complètement partout. »

Ariane Bouvy, gestionnaire du Circular Innovation Hub de la commune de Wiltz et modératrice de l’événement

Un panel d’experts s’est exprimé autour de trois axes :

  1. Constat sur la situation du marché luxembourgeois (tendances émergentes, innovation, nouveaux développements du secteur).
  2. Zoom sur les collaborations et partenariats entre les différents acteurs du secteur pour accélérer la transition vers une construction circulaire.
  3. Performance, durabilité et conformité des produits et solutions circulaires innovants.

Patty Koppes, chef de projet en économie circulaire à la commune de Wiltz :

Patty Koppes, chef de projet en économie circulaire à la commune de Wiltz.
Patty Koppes, chef de projet en économie circulaire à la commune de Wiltz. - © Picto

La commune de Wiltz est engagée depuis 2015 dans des projets d’économie circulaire. « Nous essayons de développer de nouvelles compétences et de tester de nouvelles choses », par exemple avec le campus scolaire Geenzepark. « Nous voyons deux tendances qui sont liées. La première, c’est qu’on essaie de travailler avec des ressources locales », notamment du bois de forêts locales, « dans l’idée de valoriser ce que nous avons déjà sur site ». La deuxième tendance, c’est le « réemploi des éléments de construction, une tendance qui commence à émerger tout doucement au Luxembourg ».

Pour répondre à l’intérêt grandissant pour les matériaux de réemploi, la commune de Wiltz travaille avec d’autres pays dans un projet Interreg North-West Europe, qui cherche à valoriser les ressources disponibles sur place, « de voir ou interpréter les bâtiments construits en tant que banques de matériaux et pas en tant que déchets ».

Dans ce contexte, les parties prenantes du projet s’intéressent aux rôles des acteurs publics pour faciliter le réemploi, y compris la mise en place d’une plateforme d’échange d’informations et de connaissances. Ce projet se poursuit jusqu’en 2027.


« Le réemploi, ça touche toute une chaîne de valeurs. Ça ne suffit pas si un seul acteur sur le marché dit qu’il veut faire du réemploi. »

Patty Koppes, chef de projet en économie circulaire à la commune de Wiltz

Pour permettre ces démarches, il faut travailler sur la notion de la qualité des matériaux de réemploi : « Le réflexe au Luxembourg, c’est de dire qu’un matériau de réemploi est un matériau de seconde main, qu’il n’est pas aussi bon qu’un nouveau matériau. »

Pour les aspects pratiques, le projet Interreg prévoit la création d’un petit centre de stockage pour les matériaux déconstruits. Les notions de certification, d’assurance qualité/santé et de compétences seront également étudiées.

Patrick de Cartier project engineer chez SECO Luxembourg :

Patrick de Cartier, project engineer chez SECO Luxembourg
Patrick de Cartier, project engineer chez SECO Luxembourg - © Picto

« Si je devais donner un état des lieux actuel, je dirais que le Luxembourg a un retard à rattraper. Si on regarde à 300-400 kilomètres d’ici, ça bouge beaucoup plus. Et pourtant le Luxembourg a des intérêts et des avantages intrinsèques à son statut assez particulier au niveau immobilier. » En raison de la forte pression immobilière, on déconstruit plus vite au Luxembourg, ce qui crée d’importantes banques de matériaux, mais qui n’ont pas été construits en vue d’être démontés. « C’est tout un challenge, mais c’est une banque de matériaux qui est aujourd’hui plus qualitative que dans d’autres pays. Et pourtant, on n’en fait pas grand-chose. »

Le pays aurait aussi tout à gagner à se pencher davantage sur l’éco-conception – faire aussi bien avec moins de matière. Il cite l’exemple de la Belgique où certains permis d’urbanisme imposent de prouver la nécessité de déconstruire-reconstruire, de prouver qu’il n’est pas possible d’adapter l’existant.


« Il faut apprendre, par les projets, à faire mieux avec moins, apprendre à se poser les bonnes questions. »

Patrick de Cartier, project engineer chez SECO Luxembourg

Il faut également monter en compétence sur la démontabilité. Exemple avec l’ancien garage Renault de Gasperich, dont la charpente a été entièrement rachetée par un acteur de l’immobilier social en Belgique et dont le parking modulaire sera prochainement réemployé à Dudelange par le Fonds du Logement. Concernant la charpente, « c’est un bâtiment traditionnel, donc il n’a pas été monté, conçu pour être démonté et réutilisé derrière. Les poutres ont été décollées, reconditionnées – rabotage, retrait des clous. Cela rend les choses assez compliquées si on veut garder le matériau le plus noble possible. » La démarche a été bien plus aisée pour la partie métallique du parking, conçue pour être démontée.

En matière de certification et de conformité, « il y a un pragmatisme qui doit naître. On est sur du produit qui n’a pas de nom, pas de fiche technique, mais, par exemple, une pierre qui est dehors depuis 20 ans, dans un climat similaire, on n’a pas besoin de lui faire passer des tests. Vouloir rattacher toujours le réemploi à du neuf, c’est une mauvaise approche. Si on a la compétence technique pour répondre en termes de risque – et non pas de conformité – sur le matériau réemployé, on change le paradigme et ça permet de réemployer. »

Alexis Sikora, directeur de l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment (IFSB) :

Alexis Sikora, directeur de l'IFSB.
Alexis Sikora, directeur de l’IFSB. - © Picto

« Il y a 15 ans, quand on démarrait avec la partie intégration des matériaux biosourcés, c’était une sorte de tabou. Les entreprises du bâtiment nous disaient : “Nous, on fait du béton, on a toujours fait du béton, alors pourquoi l’IFSB veut intégrer le bois et la fibre de bois dans ses formations ?” Nous, on savait que c’était le futur. » Et cela se confirme aujourd’hui.


« Les produits sont existants et on a la chance au Luxembourg d’avoir une main-d’œuvre assez qualifiée et capable de relever les défis actuels en termes d’économie circulaire. »

Alexis Sikora, directeur de l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment

Les projets pilotes sont nombreux, mais les systèmes standardisés peinent à arriver. Parmi les leviers, les formations permettent de monter en compétences. L’IFSB en propose pour toutes les phases de construction et de vie d’un bâtiment (conception, chantier, exploitation, déconstruction). « Je pense qu’il faut être positif. Les moyens sont là, les volontés sont là. Nous allons ensemble faire évoluer les compétences pour atteindre les objectifs qui ne sont plus des options, mais des obligations. »

Pour avancer, tous les acteurs doivent travailler ensemble : CNFPC, Circular Innovation Hub, Chambre des métiers, IFSB, centres de compétences, etc., dans une approche structurée et complémentaire. « On voit vraiment qu’il y a un écosystème en termes de formation qui favorise les partenariats. » Les institutions – ministères, ADEM – doivent continuer à travailler avec les organismes de formation, pour former les demandeurs d’emploi et pour anticiper les futurs besoins.

L’IFSB a mis en œuvre cette approche circulaire dans la construction de son nouveau hall, en intégrant un maximum de matériaux de réemploi. « On a été assez surpris de voir plusieurs acteurs locaux, nationaux, d’accord de travailler avec des poutres métalliques de l’ancien bâtiment de la Sécurité sociale, de les traiter, les requalifier, d’adapter les plans, etc. » L’entreprise SECO Luxembourg a accompagné le projet en apportant ses compétences spécifiques de certificateur pour valider les choix. « Les assurances n’étaient pas si fermées que ça, donc aujourd’hui c’est possible en se basant sur les avis des bons acteurs et en étant bien accompagnés sur ce type de projets. »

Marc Neu, gérant de Naturbaustoff et représentant du CNFPC :

Marc Neu, gérant de Naturbaustoff et représentant du CNFPC.
Marc Neu, gérant de Naturbaustoff et représentant du CNFPC. - © Picto

« Si on me demande un constat, je pense qu’on a prouvé et qu’on prouve encore aujourd’hui qu’on est capables de construire des maisons très peu énergivores, mais je pense qu’il y a deux éléments qui ont manqué : les aspects sanitaires et écologiques. »

Les mousses en PU, qui sont d’excellents isolants, sont catastrophiques sur le plan sanitaire. Or, on passe plus de 80 % de notre temps à l’intérieur des bâtiments. « J’espère que la certification Lenoz 2.0 prendra davantage ces aspects en compte. »


« On est capables de réduire fortement la technicité des bâtiments et d’utiliser beaucoup plus de matériaux simples, ancestraux. Les peuples indigènes empruntaient à la nature les matériaux dont ils avaient besoin. Ça paraît très philosophique, mais c’est une vision qu’on a complètement perdue, qui n’a pas de place dans les débats. On règle tout par la technique. Il faudrait faire un pas en arrière et réfléchir à nos façons de construire. »

Marc Neu, gérant de Naturbaustoff et représentant du CNFPC

Il faut aussi avoir une vue honnête sur la circularité : « j’ai du mal à accepter qu’on dise d’un béton qu’il est zéro carbone, juste parce qu’on y intègre un pourcentage de copeaux de bois. Il faut lancer un débat là-dessus, car on ne peut pas laisser croire que c’est un effort qui est suffisant. »

Le CNFPC propose des formations pour une construction plus écologique, plus saine et démontable, grâce, entre autres, à l’argile et à la paille. « Les expertises sont là, on a tout ici. Il faut juste un peu de lien entre tout ça. »

Stéphane Hardy, project manager chez Hydro :

Stéphane Hardy, project manager chez Hydro.
Stéphane Hardy, project manager chez Hydro. - © Picto

« L’utilisation de l’aluminium recyclé permet de réduire drastiquement son empreinte carbone. » Pour produire un aluminium recyclé, il existe deux types de scrap : le pré-consommé, qui est une chute de production, et le post-consommé qui a déjà eu au moins une première vie – c’est un châssis récupéré sur un chantier de rénovation. « Il existe également deux méthodes reconnues pour calculer l’empreinte carbone de l’aluminium. La méthode Cut-Off repose sur le produit, une chute de production qui n’a pas de poids carbone. Cela peut pousser à des dérives, à pousser la production de chutes pour pouvoir présenter des solutions qui vont se dire bas carbone. Ce n’est pas le cas dans la seconde méthode, Avoided Burden, qui suit le chemin de la matière. Le groupe Hydro est totalement contre la méthodologie Cut-Off, notamment parce qu’elle n’optimise pas les processus de production, et parce qu’elle ne favorise pas la récupération d’aluminium sur les chantiers de rénovation ou de démantèlement. »

Dans les projets, encore novateurs, intégrant des aspects de circularité, l’accompagnement des maîtres d’ouvrage et pour la maîtrise d’œuvre est important, et le plus tôt possible dans le projet. « Lors de cet accompagnement, les fils rouges sont à mon avis sobriété, rationalisation et think out of the box. » Le groupe Hydro a pu participer à un tel projet avec Delizotti à Bettembourg, « qui est très novateur au niveau de la réduction de son impact, tant au niveau de la construction du projet, des matériaux qui ont été mis en œuvre, qu’au niveau de sa phase d’utilisation, de sa phase d’occupation ». Hydro est intervenu dès la conception et jusqu’à la réalisation in situ.


« Le fait d’avoir été en contact avec les autres corps de métier a permis d’apporter toute une série de simplifications pour tous. »

Stéphane Hardy, project manager chez Hydro

Neobuild organise une conférence le 5 juin pour présenter ce projet.

Frédéric Liégeois, Mamedy Diawara, Ariane Bouvy, Patty Koppes, Patrick De Cartier, Alexis Sikora, Marc Neu et Stéphane Hardy.
Frédéric Liégeois, Mamedy Diawara, Ariane Bouvy, Patty Koppes, Patrick De Cartier, Alexis Sikora, Marc Neu et Stéphane Hardy. - © Picto

La difficulté dans cette fabrication circulaire, c’est de conserver un produit conforme aux exigences actuelles, tout en le rendant plus circulaire, moins impactant et en maîtrisant les coûts, « car un produit plus cher ne va pas trouver preneur. » Selon Stéphane Hardy, deux notions sont clés dans ce processus : traçabilité et transparence.

L’événement s’est clôturé avec la présentation de la start-up Second Life, par son co-fondateur Mamedy Diawara, qui fera l’objet d’un second article dans les prochaines semaines.

Les organisateurs remercient les sponsors : ista, Wicona, SECO, Boma, IFSB, SuperDrecksKëscht et Viessmann.

Marie-Astrid Heyde
Photos : Picto


3e RENDEZ-VOUS CIRCULAIRE : Les inscriptions sont déjà ouvertes

10 ans d’économie circulaire à Wiltz !

Pour marquer cet anniversaire, nous vous invitons à deux jours d’événements inédits au Château de Wiltz, mêlant échanges, découvertes et moments festifs pour petits et grands.

Pour le troisième rendez-vous circulaire, le 13 juin 2025 au Château de Wiltz, aura lieu la journée de l’économie circulaire pour fêter les 10 ans de la commune en tant que Hotspot de l’économie circulaire. Ce rendez-vous annuel est dédié aux professionnels, décideurs et citoyens engagés et proposera des conférences autour des projets pilotes et initiatives en économie circulaire, avec des experts et acteurs clés du secteur.

Inscriptions : https://wiltz.typeform.com/JEC2025
Plus d’informations : Cliquez ici

Pour l’occasion, nous vous invitons à un deuxième jour d’événement* inédit au Château de Wiltz, le 14 juin 2025 : 10 Mol am Krees, une journée fun pour petits et grands. C’est une journée immersive et ludique pour explorer l’économie circulaire en application ! Des ateliers interactifs, animations, visites de projets et bien plus encore seront à découvrir pour les citoyens, les familles et toute personne intéressée.

*Cet événement est gratuit et sans inscription.

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Publié le lundi 28 avril 2025
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