De déchet à cornière : un projet pilote 100% circulaire

De déchet à cornière : un projet pilote 100% circulaire

Des coopératives bananières du Pérou transforment des sacs en plastique en cornières d’angle pour le maintien des caisses de bananes sur les palettes. Un projet-pilote prometteur, initié par Fairtrade Lëtzebuerg et soutenu par Cactus.

Le centre commercial La Belle Etoile à Bertrange est actuellement le lieu de festivités grand public organisées par l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg à l’occasion de son 30e anniversaire. Outre des activités destinées aux enfants (chocolat, pâtisserie, couture…), une exposition temporaire est installée dans la galerie principale. Celle-ci présente le nouveau projet de recyclage « Second Life - Objectif zéro plastique ». Lors d’une conférence de presse, Fairtrade Lëtzebuerg et Cactus ont expliqué les détails de ce projet commun.

À commencer par l’exposition, qui vise à sensibiliser les clients traversant la galerie commerciale au commerce équitable et au recyclage des déchets plastiques. « Des actions comme celle-ci ont un but pédagogique. C’est important de faire comprendre aux gens les raisons pour lesquelles le commerce équitable est nécessaire et on attire plus facilement leur attention avec une telle exposition », explique Laurent Schonckert, administrateur-directeur de Cactus Luxembourg.

Et de poursuivre : « La première collaboration entre Cactus et Fairtrade remonte à 1999, avec l’introduction des bananes bio issues du commerce équitable. C’était un défi de proposer ces bananes un peu plus chères que les bananes traditionnelles, mais cela a été très rapidement un succès. Aujourd’hui, plus de 50% des bananes que nous proposons sont Fairtrade. »

Si ce chiffre vaut pour les magasins Cactus, la moyenne nationale toutes enseignes comprises se situe plutôt aux alentours des 30%. Jean-Louis Zeien, président de Fairtrade Lëtzebuerg, espère que ce taux atteindra les 50% à moyen terme : « pour cela, il faut que tous les acteurs de l’économie luxembourgeoise, comme Cactus, s’intéressent à leurs chaînes d’approvisionnement de A à Z ».

« Aujourd’hui, on va un peu plus loin, avec un projet innovant qui ne se préoccupe pas uniquement de l’économie, mais de l’économie circulaire. »

Revalorisation locale

Le projet pilote implique deux coopératives de bananes faisant partie de la société ECOBAN SRL - créée en 2021 pour assurer la gestion du projet - et situées dans le Piura, au nord du Pérou. Dans ce pays d’Amérique du sud, 20 millions de sacs en plastique sont utilisés chaque année rien que pour le secteur bananier, produisant 400 tonnes de déchets, dont seuls 40% sont recyclés de manière durable.

« Ces sacs sont nécessaires pour protéger des insectes, des maladies, des intempéries, des impuretés, etc. S’ils sont incontournables, il faut par contre arrêter de les jeter en fin d’usage - ce qui est quand même, malheureusement, une réalité dans beaucoup de pays du Sud », détaille Jean-Louis Zeien. « Il n’y a, à ce jour, pas de solution alternative au plastique. Nous nous sommes donc dits que nous allions créer une valeur ajoutée avec ces déchets en les transformant en matière première. »

Depuis février, les sacs en plastique utilisés par les deux coopératives sont 100% recyclés en cornières d’angles, utilisées pour maintenir les boîtes de bananes sur les palettes. En pratique, les sacs sont broyés pour obtenir des granulés qui sont ensuite assemblés pour former les cornières. Pour ce faire, un granulateur et une machine à extruder ont été importés des Pays-Bas. Deux lignes de production ont été installées et une dizaine de personnes ont trouvé un emploi dans cette usine flambant neuve.

Le succès est tel que deux nouvelles lignes seront installées dans les prochains mois, avec de nouveaux emplois à la clé. Un point non négligeable dans une région où les perspectives de carrière sont restreintes. Très fier du projet, Jean-Louis Zeien est également optimiste pour la suite : « À terme, je suis persuadé que l’usine pourra assurer une production allant au-delà des besoins des coopératives concernées, et donc de vendre les cornières d’angle, et ce à un prix tout à fait compétitif, ce qui est un impératif pour que le projet soit viable. »

Oublier la notion de déchet

(S’)investir dans ce type de projets semble tout naturel pour M. Schonckert : « En tant que distributeur, nous avons un rôle à jouer pour éviter les déchets. Nous avons déjà mis diverses choses en place contre le gaspillage des ressources. C’est aussi dans l’air du temps de participer à des projets d’économie circulaire ».

Sans dévoiler le montant dédié à ce projet, l’administrateur parle d’un « montant important » et se dit prêt à soutenir l’agrandissement de la jeune usine. Des acteurs de développement néerlandais et les coopératives locales - via la prime Fairtrade et d’un commun accord - ont complété l’apport financier pour ces lignes de production.

« Ces coopératives péruviennes sont réellement sensibles aux problématiques liées aux déchets et ont d’elles-mêmes mis en place un second projet circulaire, en récupérant les branches des bananiers pour les broyer et en faire de l’engrais », témoigne encore le président de l’ONG. « Nous devons absolument tous modifier notre façon d’envisager le déchet, en commençant par l’éviter. Et si ce n’est pas possible, il faut le recycler pour en faire une nouvelle matière première. »

Se préoccuper des producteurs

Rappelons que le label Fairtrade repose sur trois piliers : économie, social, écologie. Garantir un prix minimum qui couvre les coûts d’une production durable, garantir une vie digne pour les producteurs, investir dans des projets sociaux, améliorer les conditions de travail, interdire toute forme de discrimination, de travail illégal, promouvoir l’agriculture biologique, bannir les pesticides, cultiver en respectant l’environnement… La liste des champs d’action de l’ONG est large. Et à une époque où les crises se succèdent, son implication est primordiale.

« Nous sommes dans un monde globalisé dans lequel nous ne pouvons plus fermer les yeux. Que ce soit en tant que consommateurs ou en tant qu’acteurs économiques, nous devons nous interroger sur ce qui se passe dans les chaînes d’approvisionnement. Avec le Covid, avec la guerre en Ukraine, on parle beaucoup des soucis d’approvisionnement, mais n’oublions pas que le vrai prix est payé par ceux qui sont au début de cette chaîne. Par exemple, le travail d’enfant qui diminuait depuis deux décennies, est de nouveau à la hausse depuis la crise sanitaire », conclut Jean-Louis Zeien.

Marie-Astrid Heyde

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Publié le mercredi 14 septembre 2022
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