De la nécessité d’une approche systémique dans la construction et l’urbanisme
Comment, lors du développement d’un nouveau quartier, peut-on favoriser le changement comportemental qui nous mène vers un modèle de fonctionnement circulaire à l’échelle urbanistique ? C’est la question à laquelle répondent Dr Paul Schosseler et Dr Jeannot Schroeder, associés chez PositiveImpaKT (+ImpaKT).
Première étape lors de la conception d’un bâtiment, selon Jeannot Schroeder : « identifier les VRAIS besoins ». On ne parle pas ici du nombre de mètres carrés, de pièces ou de places de parking, mais de l’objectif, à l’échelle humaine. En quoi une école, par exemple, peut-elle aider les enfants à mieux apprendre ? Et, de manière générale, comment un bâtiment peut-il contribuer au bien-être de ses occupants ?
La deuxième considération à avoir est celle de l’optimisation de l’occupation des locaux. Pourquoi ne pas rendre la bibliothèque scolaire accessible aux non-étudiants en dehors des heures de cours ? L’impact systémique d’un bâtiment, et par extension d’un quartier ou d’une zone d’activités, sur son environnement est mis en question.
En toute logique, il convient alors d’impliquer les futurs usagers dans le processus de planification pour créer de la plus-value à différents niveaux.
+ImpaKT met en œuvre cette méthodologie sur des projets pilotes menés avec le Fonds Kirchberg ou encore avec le ministère de l’Économie. Elle a notamment été développée sur une zone d’activités économiques à Lentzweiler et est actuellement expérimentée sur une autre zone à Schifflange. « Nous faisons le tour des entreprises intéressées pour réaliser une conception des parcelles et des infrastructures qui réponde à leurs besoins. De nombreux éléments peuvent être développés si les acteurs sont mis autour de la table à un stade précoce : de l’espace peut être gagné en construisant des parkings à étages ou en créant des espaces multifonctionnels, l’utilisation de l’eau de pluie et des énergies renouvelables peut être centralisée, des systèmes de livraison communs ou de partage de machines peuvent être mis en place », explique Paul Schosseler. « Aujourd’hui et d’une manière générale, la densité des activités économiques est relativement faible dans ces zones : 30 % de l’espace sont réellement dédiés aux activités économiques, 40 % aux parkings et le reste aux routes et à des zones vertes découpées qui présentent peu d’intérêt en termes de biodiversité. La circularité passe par une meilleure gestion du terrain. Le plus grand levier est d’augmenter la densification et de passer à 50 % », ajoute Jeannot Schroeder.
Autre levier pour aller vers un modèle circulaire : le partage. Chaque mètre carré a un coût, alors pourquoi construire pour entreposer des objets dont on n’a pas besoin ? En d’autres termes, ne pourrait-on pas réduire la surface des logements en centralisant le stockage de certains appareils, notamment les plus encombrants (échelle, brouette, tondeuse à gazon, etc.) et ceux qu’on utilise peu ? « Le vrai gain consiste à ne pas construire ces mètres carrés inutiles. Mais pour inciter les utilisateurs à changer leurs habitudes, il faut que les biens partagés soient disponibles à des endroits stratégiques et accessibles facilement », indique-t-il. « Pour maintenir à son plus haut niveau la valeur ajoutée introduite lors de la phase de conception et entrer dans les boucles vertueuses de l’économie circulaire, il faut organiser le partage et désigner un coordinateur », complète Paul Schosseler.
Si on parle de circularité, se pose aussi la question de la déconstruction des bâtiments, en amont même de leur construction. « Il est difficile aujourd’hui de démontrer la valeur intrinsèque de la démontabilité car nous ne connaissons pas les prix futurs des matériaux. Avant de penser récupération, il faut donc travailler sur les notions de modularité, de transformation et d’adaptation pour prolonger l’utilisation des bâtiments. Un autre point important est de privilégier les matériaux sains pour l’occupant. On construit des bâtiments pour nous protéger mais, pour qu’ils puissent le faire, encore faut-il qu’ils ne nous rendent pas malades », souligne Jeannot Schroeder.
Mélanie Trélat
Photo : Marie-De-Decker
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