Débat sur la mobilité (2) : raconter une autre histoire
Lors de la « table ronde » organisée par Infogreen, les invités de la rédaction ont exprimé plus d’un point commun. Par exemple, pour vaincre les bouchons de la mobilité, il faut un changement de paradigme qui passe par une évolution des mentalités. Et donc par l’éducation, la formation, l’information, la narration d’un autre modèle.
Antonio De Palma Ferramacho, expert en mobilité au sein de l’ACL, croit dans un changement d’attitude pour contrer les mauvaises habitudes. « Auto-mobile, c’est se mouvoir soi-même. La question que l’on devrait se poser est simple : quel parcours dois-je faire et comment le faire au mieux ? Souvent, nous avons pris de mauvaises habitudes, parfois par facilité, parfois par manque d’alternative, parfois parce qu’on n’a pas pris la peine d’une bonne information, ou tout simplement parce que les habitudes nous ont été transmises ». L’évolution de la mobilité passe par une évolution des mentalités. L’éducation et la formation y ont un rôle à jouer.
« La mobilité doit s’inscrire dans une réflexion globale, qui prend tous les paramètres en compte, sociétaux, économiques, climatiques, notamment dans les aménagements du territoire et les choix posés », poursuit Antonio Da Palma Ferramacho. « Avec l’ACL, nous souhaitons accentuer l’information, et la formation, notamment au niveau des entreprises, qui sont pour beaucoup dans le flux des usagers des moyens de locomotion quels qu’ils soient ».
Apprendre les bonnes pratiques pour inculquer de bonnes habitudes
« Apprendre à rouler à vélo, ce n’est pas évident pour tout le monde », glisse le directeur de l’ACL, Jean-Claude Juchem. « En tout cas, il y a un déficit assez marqué chez les jeunes et c’est pourquoi des initiatives comme bicycool ont toute leur importance. On a constaté, et c’est ce qui nous a aussi confortés dans l’idée de mettre en place la Maison du Cycliste, avec la FSCL et le SCRIPT, que beaucoup d’enfants ne savent pas rouler. Je pense qu’il y a beaucoup de sensibilisation à mener, car si nous voulons inculquer de nouvelles habitudes, il faut apprendre les bonnes pratiques. C’est aussi pour cela que nous insistons sur les formations, sur l’apprentissage du partage de l’espace public dans les cours de conduite, et même sur le rôle de l’école et des parents. »
Au nom de ProVelo, Yves Meyer ne peut qu’être d’accord. « C’est vrai qu’il est utile d’apprendre à rouler, à s’insérer dans le trafic, à respecter tous les modes de déplacement. Nos écoles de vélo fonctionnent bien et démontrent qu’il y a un réel besoin. L’école traditionnelle pourrait aussi apporter des éléments de réponse, et en tout cas l’éducation, même à la maison. Si papa et maman m’ont habitué à être un enfant qu’on emmène en voiture à toutes les activités même proches, je n’aurai pas le réflexe d’un autre mode de déplacement. Il est sans doute nécessaire de remettre le modèle en question. »
De l’importance de la narration
Norry Schneider (CELL) a son approche de la question : « L’imaginaire du marketing et de la publicité donne une vision de la société qui peut être trompeuse. Souvent, les pubs pour les voitures nous font rêver de grands espaces ou de maîtrise de la ville. Alors que, quand on est coincés dans un bouchon, c‘est bien différent… Il y a une force de la narration, on doit pouvoir raconter une autre histoire pour faire changer les mentalités. Surtout au Luxembourg, où la notion de voiture en tant que propriété privée et source de liberté est bien ancrée. »
« Oui le narratif, c’est très important », acquiesce le ministre François Bausch. « Déjà parce que, quand il faut convaincre, on n’argumente pas contre, sous peine d’exclure au lieu de rassembler, mais on argumente en faveur, pour mobiliser le positif. C’est quelque chose que l’on ne peut ignorer quand on a une charge politique à forte valeur ajoutée sociétale. Notre rôle est d’apporter des solutions aux problèmes, sur base des constats objectifs, des données observées et des projections structurelles réalistes. Pour la mobilité, il faut pouvoir démontrer qu’une solution fonctionne. Un exemple : le Luxembourg est devenu champion des investissements sur le rail et en parallèle a proposé des solutions, avec la gratuité des transports publics ; on constate une augmentation de 85% des passagers ! Et dans le succès de la plupart des initiatives, il y a l’impact de la narration. C’est pour cela qu’on fait réaliser des animations 3D qui montrent à quoi cela va ressembler de circuler sur la plus grande passerelle cyclable d’Europe à Esch ou que l’on avait imaginé une rame de tram exposée au Kirchberg pour montrer l’expérience que cela ferait aux usagers. Il faut raconter une histoire et pouvoir ensuite démontrer que ce n’était pas juste une fiction. »
Reportage : Alain Ducat et Sébastien Yernaux
Article tiré du dossier du mois « Mobilis in mobile »