Des pistes pour une mobilité innovante
Parallèlement aux travaux de recherche académique qui sont menés en son sein, le CRP Henri Tudor explore des sujets transversaux qui impliquent et impactent plusieurs secteurs économiques, afin de rendre plus tangibles ses activités. La mobilité, en tant que défi sociétal et économique majeur au Luxembourg, en est un.
Interview du Dr Djamel Khadraoui, Manager du programme Mobility.
Dr Khadraoui, revenons sur la naissance du programme Mobility, sur sa raison d’être et sur ses caractéristiques…
Dès 2005, le CRP Henri Tudor a développé des activités liées au transport et, plus particulièrement, aux systèmes de transport intelligents. Ces derniers visent à améliorer la gestion du trafic, l’utilisation des différents modes de transport ou la sécurité. Les systèmes de gestion des feux tricolores, de télépéage ou d’affichage électronique qui nous informent d’éventuels travaux, accidents ou du temps de parcours sur les autoroutes et nous permettent de connaître le temps d’attente avant l’arrivée du prochain bus en sont quelques exemples.
Ce faisant, nous avons acquis une certaine expérience pour déployer toute une panoplie de projets qui couvrent les différentes dimensions de la mobilité et sont regroupés au sein du programme Mobility.
Notre rôle, qui est aussi notre valeur ajoutée en tant que centre de recherche public, est de travailler sur les technologies de l’information et de la communication qui sont au coeur de toutes nos innovations.
Quelles sont les thématiques déclinées dans ce programme ?
Elles sont au nombre de trois : l’électromobilité car la problématique de la mobilité et la dimension environnementale sont étroitement liées, les systèmes de transport intelligents (ou ITS) et, enfin, la mobilité pour les personnes âgées ou à mobilité réduite car la technologie peut aider les personnes qui ont besoin de solutions spécifiques.
Vous conduisez plusieurs projets dans chacun de ces domaines. Quels sont ceux qui ont un impact direct pour les gens qui vivent et/ou qui travaillent au Grand-Duché en matière d’électromobilité ?
Nordstad-eMovin et ZAC-eMovin sont deux projets d’expérimentation qui ont été initiés sous l’impulsion de la plateforme elektromobilitéit.lu avec le soutien de l’Union européenne à travers un financement par le biais du FEDER. Leurs objectifs sont d’évaluer la technologie et de tester son déploiement optimal dans deux configurations différentes : une région qui réunit cinq communes avec des comportements d’usagers citoyens, dans le cadre de Nordstad-eMovin, et trois zones d’activités économiques en périphérie de la capitale (ndlr : Kirchberg / CRP Tudor, Cloche d’Or / Post et Strassen / Enovos) avec des comportements d’usagers professionnels, dans le cadre de ZAC-eMovin.
Dans le cas de ZAC-eMovin, la question est de savoir si le véhicule électrique peut apporter un bénéfice aux entreprises et à leurs employés et induire une évolution dans leurs habitudes. Notre objectif n’est pas de remplacer chaque véhicule thermique par un véhicule électrique, mais de réduire, d’une part, le nombre de voitures sur les routes et, d’autre part, les problèmes de stationnement, en maximisant l’utilisation des véhicules. Au sein du CRP Henri Tudor, nous avons fait l’acquisition d’un véhicule électrique et installé une borne de rechargement et nous avons créé une communauté qui adhère à un service de covoiturage, ainsi qu’une zone de parking réservée aux employés qui adoptent le car-sharing. Ce service, qui a été inauguré il y a quelques mois à peine en décembre 2013, remporte déjà une forte adhésion de la part du personnel du centre.
Nordstad-eMovin est un service de partage de vélos et de voitures électriques. Sept voitures sont aujourd’hui en circulation. Nous analysons les données pour déterminer comment rendre ce service durable et soutenable du point de vue économique, l’objectif étant d’aller jusqu’à trente ou quarante véhicules.
Concernant les systèmes de transport intelligents, quels sont les projets qui trouvent une application concrète et visible au Luxembourg ?
MOEBIUS (Mobilities, Environment, Behaviours, Integrated in Urban Simulation) est un projet national issu d’une collaboration entre le CRP Henri Tudor et le CEPS/INSTEAD qui consiste à créer un environnement informatique de simulation et d’étude pour évaluer les politiques actuelles de mobilité et réaliser une projection sur l’avenir en évaluant l’impact des déploiements planifiés (nouvelles routes, nouvelle ligne de bus, nouveaux quartiers, nouvelles zones d’activités, etc.) et de l’évolution démographique. MOEBIUS est un outil décisionnel pour les pouvoirs publics. Pour ce faire, nous avons lancé une enquête auprès des résidents et des frontaliers sur leurs comportements de mobilité et avons élaboré, à partir de ces données, une carte de simulation où nous avons positionné et fait se déplacer des agents informatiques intelligents. Cette carte nous donne une vue réelle de la situation actuelle et peut être adaptée en fonction de scénarios de déplacement prévisibles.
ELEC’TRA est un projet Interreg IV-A qui regroupe le Conseil Général de la Moselle en France, la Technische Universität Kaiserslautern, l’Institut für ZukunftsEnergieSysteme et le ministère du Développement durable et des Infrastructures luxembourgeois, le Verkéiersverbond et le CRP Henri Tudor. Le concept est de déterminer quelles sont les zones candidates au transfert (celles où des parkings de covoiturage s’improvisent déjà par exemple) le long des corridors de mobilité électrique, la façon dont elles peuvent être intégrées dans les systèmes de mobilité existants et de réfléchir à la façon de configurer ces futurs ‘eHubs’, en y développant des services de mobilité électrique ou autre comme la mise à disposition de bornes de rechargement ou de véhicules électriques en car-sharing, la présence d’un kiosque, d’une boulangerie ou d’un service de ramassage de vêtements pour le nettoyage à sec...
Mélanie Trélat / Photo ©Marlene Soares