En matière d'énergie, le Luxembourg a besoin de ses voisins

En matière d’énergie, le Luxembourg a besoin de ses voisins

Le Grand-Duché ne produisant qu’environ 20% de sa consommation d’énergie électrique, il dépend fortement des productions des pays limitrophes. Explications avec Carlo Bartocci, Head of Grid Operations et Peter Hamacher, Head of Strategy, Markets & EU Regulation chez Creos.

Quelle énergie le Luxembourg produit-il, et comment ?

Carlo Bartocci : 20 à 25% de l’énergie électrique consommée au Luxembourg est produite au Luxembourg, par des parcs éoliens et photovoltaïques, un peu de cogénération, quelques stations de biogaz et quelques centrales hydroélectriques de faible taille. Nous n’avons pas de centrale à charbon, ni au gaz et pas de nucléaire.

Concernant l’électricité importée, d’où provient-elle ?

CB : Nous sommes connectés à l’Allemagne via deux doubles lignes de 220 kilovolts (kV) qui sont suffisantes pour couvrir l’ensemble des besoins actuels du Luxembourg. Nous avons également une connexion de 220 kV vers la Belgique, qui couvre actuellement environ un tiers de l’importation totale du Luxembourg. Il n’y a pas d’interconnexion avec la France.

Nous avons un projet de modernisation de nos lignes avec l’Allemagne, dont une ligne de plus grande capacité (380 kV). Cela nous donne une certaine marge de manœuvre pour le futur, notamment pour répondre aux besoins d’électrification de la mobilité et du chauffage.

Le gaz vient donc à quasi 100% des pays frontaliers…

CB : Oui, nous avons deux installations de biogaz qui injectent directement dans le réseau, mais il s’agit de quantités très faibles. Actuellement, tout le gaz naturel provient de Belgique, via deux entrées, l’une dans le nord à Bras et l’autre près de Pétange. Nous travaillons en coopération avec Fluxys, dans le cadre d’une intégration de marché avec cet opérateur belge. En pratique, cela signifie que les prix pour l’industrie au Luxembourg sont les mêmes qu’en Belgique.

Depuis la Belgique, le gaz naturel arrive au Luxembourg via les installations de Pétange (photo) et de Bras
Depuis la Belgique, le gaz naturel arrive au Luxembourg via les installations de Pétange (photo) et de Bras - ©Creos/Olivier Minaire

Il existe toutefois encore une conduite depuis l’Allemagne via Remich qui pourrait fournir près de 50% de la consommation actuelle du Luxembourg, mais il n’y a pas de flux actif car la Belgique propose des tarifs plus avantageux.

L’Europe prévoyant une sortie du gaz à l’horizon 2040/50, sa consommation devrait réduire d’année en année. Nous observons déjà cela actuellement ; avec la crise énergétique, les industries ont fortement réduit leur consommation de gaz, et cela vaut aussi pour les ménages privés. L’hydrogène prendra la relève, puisqu’il est neutre d’un point de vue CO2.

Vous mentionnez un passage du gaz naturel à l’hydrogène. Creos a récemment signé une lettre d’intention avec Fluxys à ce sujet.

Peter Hamacher : Pour l’instant, le Luxembourg a une consommation très faible d’hydrogène, principalement dans le milieu industriel. Il n’y a pas non plus de grandes centrales de production existantes, et uniquement deux petits électrolyseurs de 3 et 5 mégawatts qui sont en projet. À l’avenir, nous dépendrons donc largement de l’importation d’hydrogène, via deux grandes portes d’entrée depuis la France et la Belgique. L’Allemagne ne pourra nous fournir qu’après 2045, quand ses conduites ne seront plus employées pour le méthane et pourront alors être remplacées par des tuyaux d’hydrogène.

En Belgique, nous avons en effet signé une lettre d’intention qui nous connecte au royaume sur le long terme pour la fourniture et la création d’un réseau de distribution d’hydrogène au Luxembourg. Nous sommes au tout début d’un projet qui va s’étendre sur des années, comme tout projet d’infrastructure de cette envergure.

L’hydrogène ne servira pas à des usages domestiques, car nous pensons qu’il n’est pas efficace pour produire une électricité verte au sein des ménages. Il ira directement vers de grands consommateurs industriels de chaleur.

Les pays voisins font-ils des efforts pour produire de l’énergie durable ?

PH : Oui, il y a de grands projets, en particulier au large des côtes belges et néerlandaises. À Thionville, il y a une certaine concentration de production d’hydrogène qui est prévue, mais pas encore active.

CB : En Allemagne comme en Belgique, de plus en plus de centrales à charbon sont remplacées par de grandes centrales de production éolienne et photovoltaïque, ce qui rend le mix énergétique de plus en plus vert. Les consommateurs ont également un rôle à jouer pour renforcer la part d’énergie verte, en optant pour une électricité durable auprès de leurs fournisseurs. À notre niveau, en tant qu’opérateur de réseau, notre rôle est de transporter, pas d’influencer.

PH : En parallèle, il y a des objectifs européens à atteindre, soit une réduction de 55% des émissions de carbone d’ici à 2030 et 42,5% de consommation d’énergie verte de la consommation d’énergie primaire. Au Luxembourg, nous avons encore 80% de consommation de gaz naturel et de pétrole. 80% de ce mix est utilisé pour les transports, donc il y a encore du chemin à parcourir.

Marie-Astrid Heyde
Photos : Creos
Article tiré du dossier du mois « Connectons nos territoires »

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Publié le lundi 24 juin 2024
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