Exploitation sexuelle des enfants au Mali – 2e partie

Exploitation sexuelle des enfants au Mali – 2e partie

Les causes de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) sont multiples et sont très souvent multidimensionnelles. Déclarer la pauvreté comme étant un facteur prépondérant à l’ESEC reviendrait à occulter d’autres aspects majeurs des causes des victimes de l’ESEC.

Certes la pauvreté est un des éléments déterminants de l’ESEC et la raison la plus évoquée pour « justifier » ces pratiques : elle est évoquée par plus de 47 % de 1.472 enfants ayant participé à l’étude qualitative et quantitative sur l’ESEC dans les localités de Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti et le district de Bamako réalisé par ECPAT Luxembourg en 2013.

La pauvreté se manifeste sous différentes formes dont la plus visible est l’insuffisance voire l’absence de revenus amenant l’enfant à jouer un rôle économique au sein de la famille et à subvenir à ses propres besoins. Cette pauvreté a pour conséquences l’accroissement des inégalités sociales et géographiques dont les principales manifestations sont l’exode rural et la migration. À cela il convient d’ajouter que la dégradation des conditions de vie des familles, la promiscuité dans certaines zones défavorisées liées à l’urbanisation rapide et anarchique, la situation sécuritaire, la déscolarisation et ou l’analphabétisme sont des facteurs de vulnérabilité qui prédisposent l’enfant aux différentes formes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales.

Un facteur souvent ignoré par les personnes qui constituent l’environnement immédiat de l’enfant est celui du processus de socialisation, qui, s’il est entravé, exposera l’enfant à toutes formes de vulnérabilités comme l’exploitation sexuelle. Les enfants identifiés victimes d’ESEC au cours de ladite étude ont très souvent été déstabilisés au cours de leur processus de socialisation par, notamment, la dislocation de la cellule familiale par suite de divorce ou de décès d’un ou des deux parents, ou à des situations de rupture familiale (familles recomposées). Ces situations entraînent une rupture ou un dysfonctionnement du processus de socialisation de l’enfant et le fragilisent dans la satisfaction de ses besoins primaires et dans la jouissance de ses droits sociaux et économiques et dans son équilibre psychologique.

L’enfant n’a plus de repères ou de système de valeurs du fait du relâchement ou de l’effritement de l’autorité parentale et du pouvoir économique de la famille. En absence d’un cadre protecteur au niveau communautaire, voire national, les conséquences de ces situations sont que l’enfant n’arrive plus à évoluer dans un environnement protecteur et sécurisé. Et finalement, il n’y a plus personne qui se sent responsable de l’enfant – la dimension humaine se dissout et l’enfant se voit confronté à des actes de violence, d’abus et d’exploitation qui lui sont infligés. Les enfants victimes de prostitution justifient leur pratique par un désir d’autonomisation par rapport à la famille. Cette autonomie n’est possible qu’en « allant chercher de l’argent par tous les moyens ». En quête de revenus, les enfants sont alors exposés aux pires formes de travail, travaillant souvent dans de conditions extrêmes (horaires hors normes ; lieux de travail insécurisés ; dangerosité et pénibilité de certains travaux etc.), tolérées ou admises par les adultes dont les parents, qui font que l’enfant est exposé constamment à des violences y compris sexuelles.

Cette destruction humaine de l’enfant, potentialisée par des milliers de vies fragiles, est le prix de l’absence d’acteurs institutionnels efficaces œuvrant pour la protection de l’enfant.

Crédit photo : A. Grojean

Communiqué par ECPAT Luxembourg

Communiqué
Publié le mercredi 21 mars 2018
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