« Il est indispensable de mettre en valeur les atouts des régions rurales »
Interview de Lex Delles, ministre du Tourisme
La Stratégie du Tourisme Luxembourg a été présentée en mai 2022 et reprend trois objectifs majeurs : améliorer la qualité de vie, passionner les visiteurs et renforcer l’économie. Le tout sur fond d’une neutralité climatique à atteindre d’ici 2050. Comment concilier les deux, alors que la voiture et l’avion comptent parmi les principaux moyens de transports des visiteurs ? Comment accueillir au mieux les personnes à mobilité réduite, les seniors et familles ? Réponses dans cette interview de Lex Delles, ministre du Tourisme.
Est-on actuellement en mesure de calculer l’impact du tourisme sur l’environnement ? Et comment pourrions-nous le minimiser ?
La stratégie touristique de la Direction générale du tourisme accorde une importance majeure à l’adoption d’une approche plus durable, qui englobe la réduction de l’empreinte carbone dans le secteur du tourisme. Une estimation précise de l’empreinte carbone du tourisme au Luxembourg n’est pas encore disponible, mais un suivi à long terme est prévu dans le cadre de la stratégie pour mesurer et évaluer les progrès réalisés.
Des enquêtes régulières, qui analysent le comportement des touristes, seront menées afin d’avoir un meilleur aperçu de l’empreinte carbone du tourisme au Luxembourg.
Toutefois, la quantité d’émissions de gaz à effet de serre produites par l’écosystème touristique par million d’euros de valeur ajoutée brute dans le secteur du tourisme est un indicateur évalué au niveau européen. Au Luxembourg, cet indicateur s’élevait à 71,66 kg par rapport à la moyenne européenne de 372,15 kg en 2019. Les valeurs sont fournies par Eurostat et ne sont pas encore disponibles pour les années suivantes.
Il est en outre important de souligner que selon une enquête de l’agence de promotion touristique nationale Luxembourg for Tourism (LFT), 60% des résidents du Luxembourg préfèrent un tourisme plus écologique et responsable, ce qui renforce davantage l’initiative de réduction de l’empreinte carbone dans le secteur touristique.
Et plus particulièrement l’impact de la mobilité liée au tourisme ?
Selon une enquête de LFT, le moyen de transport principal utilisé pour se rendre au Luxembourg est la voiture, représentant 58% des déplacements des visiteurs passant la nuit au Luxembourg et représentant 72% des déplacements des visiteurs à la journée. 18% des visiteurs passant la nuit utilisent le train pour se rendre au Luxembourg (20% des visiteurs à la journée). Environ 12% des visiteurs passant la nuit utilisent l’avion pour leurs déplacements (1% des visiteurs à la journée).
Comme pour l’ensemble du secteur touristique, des estimations de l’empreinte carbone de la mobilité liée au tourisme sont prévues à l’avenir. Cela sera possible grâce à des enquêtes régulières menées auprès des visiteurs pour évaluer leur comportement en termes de transport pour se rendre au Luxembourg ainsi que leurs déplacements pendant leur séjour. Ces enquêtes fourniront des données essentielles pour mieux comprendre et quantifier l’empreinte carbone spécifique à la mobilité touristique.
Comment pousser les visiteurs à choisir davantage les transports en commun pour leurs déplacements ? Est-il à ce jour aisé de visiter les lieux touristiques éloignés de la capitale, sans voiture ?
Comme décrit précédemment, le moyen de transport principal utilisé pour se rendre au Luxembourg est la voiture, devant le train et l’avion. Afin d’encourager les visiteurs sur place à choisir davantage les transports publics et de faciliter la planification des activités souhaitées, l’application « Visit Luxembourg » affiche l’itinéraire de transport en commun adéquat pour de nombreuses attractions touristiques.
Il convient de souligner également que deux tiers des visiteurs sont satisfaits de l’offre de transports publics (source : « Luxembourg for Tourism »/LFT).
L’accessibilité des transports publics est d’ailleurs soulignée à plusieurs reprises comme une expérience de voyage positive. En effet, depuis 2020, tous les modes de transport public, donc les autobus, trains et le tram sont gratuits dans l’entièreté du territoire luxembourgeois. Bien que les centres urbains et les agglomérations au sud et au nord du pays soient les mieux desservis, les régions plus rurales bénéficient également d’un service garanti, en semaine comme pendant le weekend. Ce réseau permet donc aux visiteurs et aux résidents d’accéder à n’importe quelle destination confortablement et gratuitement.
Le label Bed+Bike a quant à lui vocation à inciter les voyages à vélo, ou en tout cas à les faciliter…
Ce label a été introduit au Grand-Duché en 2011, en étroite collaboration entre la Direction générale du tourisme et ProVelo.lu. Les établissements qui portent le label font des efforts particuliers dans l’accueil des cyclotouristes, notamment en adaptant leurs services et leurs infrastructures à leurs besoins spécifiques.
Le label Bed+Bike exige, entre autres, que les établissements mettent à disposition des visiteurs un local sécurisé pour leurs vélos et des outils pour effectuer de petites réparations sur les vélos, que des informations touristiques spécifiques pour le cyclotourisme soient disponibles sur place et qu’un petit-déjeuner équilibré soit proposé. Ces critères garantissent aux cyclotouristes un accueil, des infrastructures et des renseignements adaptés à leurs besoins.
Parmi les grandes tendances reprises dans votre stratégie se trouve la néo-écologie. Concrètement, comment appliquez-vous les concepts de néo-écologie ?
La néo-écologie sera selon toute probabilité un des principaux moteurs de transformation pour les prochaines décennies. Notre stratégie de développement touristique est clairement marquée par la vision d’une économie touristique durable, abordée dans ses quatre dimensions qui s’imbriquent : la durabilité sociale, l’économie, l’écologie et la culture.
Un développement plus durable est un fil conducteur à travers tous nos projets futurs.
La stratégie de la Direction générale du tourisme vise par exemple l’élaboration d’une offre de tourisme actif respectueuse de l’environnement, qui permet de découvrir le patrimoine naturel et culturel, tout en sensibilisant les résidents et les touristes sur des sujets tels que la fragilité des écosystèmes et la gestion des déchets tout en encourageant la mobilité douce et la consommation sur place auprès des producteurs locaux. Des initiatives concrètes sont la campagne « Lëtzebuerg, dat ass Vakanz ! », le Velosummer, ainsi que le service MoveWeCarry.
L’initiative « Green Business Events » quant à elle a pour objectif de promouvoir les business events écoresponsables au Luxembourg ainsi que de sensibiliser et de développer, en collaboration avec les acteurs du secteur, des solutions événementielles durables.
Ainsi, la tendance de la néo-écologie se concrétise dans l’application de notre stratégie à travers diverses initiatives telles que le développement d’un tourisme actif responsable, la mise en place d’offres durables tout au long de la chaîne de services touristiques, la promotion d’expériences authentiques liées aux produits régionaux (p.ex. visite de l’atelier d’un producteur local), l’organisation d’événements responsables, l’accessibilité, etc.
Six segments de groupes cibles ont été définis dans la stratégie. Pouvez-vous préciser les grandes lignes de la stratégie concernant les « nature-loving actives » ? Comment concilier leur expérience et le respect de l’environnement ?
Les « nature-loving actives » souhaitent profiter de leur temps libre pour se ressourcer dans la nature, profiter des paysages, exercer leur sport habituel et ainsi prendre soin de soi et de sa santé. Ils ne recherchent pas forcément le dépaysement, choisissent donc souvent des destinations de proximité qui sont faciles d’accès pour eux (notamment en termes de mobilité, langue, etc.). Ils prennent le temps d’immerger et de trouver leur équilibre avec la nature. De gros efforts de sensibilisation ne sont pas nécessaires pour ce groupe-cible, pourvu qu’une offre écoresponsable leur soit proposée.
L’EcoLabel permet de distinguer les établissements dont les pratiques sont respectueuses de l’environnement. Ils sont actuellement au nombre de 43. Quels sont les principaux critères d’accès au label ? Rend-il éligible à son équivalent européen ?
Un hôtel, un camping, un gite ou une auberge de jeunesse labellisé(e) EcoLabel Luxembourg se distingue par le fait qu’il propose notamment des aliments issus de la région et de l’agriculture biologique, réduit ses déchets, a installé une robinetterie économe en eau et des lampes LED, utilise de l’électricité verte, achète des produits d’entretien et du papier écologiques et sensibilise ses clients et son personnel.
Les critères de l’EcoLabel Luxembourg sont consultables sur le site www.ecolabel.lu. Il y a des critères obligatoires et facultatifs regroupés en cinq thématiques : gestion environnementale, énergie, eau, déchets et achats. Les critères de l’EcoLabel Luxembourg sont développés en collaboration avec le Comité de coordination de l’EcoLabel et sont révisés régulièrement.
L’EcoLabel Luxembourg et l’Ecolabel européen sont cependant deux labels avec des critères et procédures différentes. Au Luxembourg, une démarche conjointe a été entreprise par la Direction générale du tourisme et le Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable. Sur la plateforme commune (www.ecolabel.lu), les établissements peuvent s’informer sur les deux labels, les critères et procédures d’octroi afin de faire un choix éclairé sur le label qui leur correspond le mieux. En outre, l’Oekozenter Pafendall accompagne gratuitement les établissements candidats aux deux labels tout au long de la démarche de labellisation.
Quelles démarches sont prévues pour faire monter ce chiffre et, idéalement, inclure l’ensemble des établissements touristiques luxembourgeois ?
L’EcoLabel Luxembourg est une démarche volontaire que peuvent entreprendre les établissements d’hébergements qui souhaitent améliorer et faire reconnaître leur gestion environnementale. L’EcoLabel Luxembourg a fait peau neuve en 2021 avec un nouveau visuel, une communication revue et divers supports de communication et de promotion destinés à renforcer la visibilité du label. La sensibilisation des établissements labellisés, l’intégration du tourisme durable dans la stratégie nationale et la collaboration accrue avec les offices de tourisme nationaux et régionaux sont d’autres éléments qui permettent de garantir le succès de l’EcoLabel Luxembourg.
La capitale est la principale « attraction touristique » du pays, mais les zones rurales ont également leur potentiel. Comment comptez-vous le valoriser ?
Il est indispensable de mettre en valeur les atouts des régions rurales luxembourgeoises, car elles sont un point fort de notre offre touristique. Un milieu naturel intact, des paysages variés et un patrimoine culturel important caractérisent ces régions attrayantes. Du fait de ce grand potentiel, le développement de l’hébergement touristique constitue une priorité politique. Une multitude de projets en cours ou planifiés visent ainsi à améliorer continuellement l’offre touristique en milieu rural.
Ainsi, dans la région Sud du pays, le « Minett Trail » avec ses 90km met en valeur le patrimoine naturel et historique des « terres rouges ». Les « Kabaisercher », onze différents gîtes reflétant l’identité de la région et installés le long du tracé, offrent aux randonneurs des hébergements insolites servant de relais entre les étapes. Ces « Kabaisercher » se situent p.ex. dans une ancienne école primaire, sur un réservoir d’eau, ou encore dans un compartiment de train.
À l’Est du pays, la Moselle se distingue par ses paysages marqués par la viticulture, mais aussi par son histoire et son héritage culturel. Cette histoire est illustrée dans le « Wäinhaus » à Ehnen qui rouvrira ses portes au cours de l’année 2025 pour accueillir le futur centre de découverte du vin. Par ailleurs, des événements comme le « Wine Lights Enjoy », le « Wine Taste Enjoy » et le « Wine Cheese Enjoy » viennent compléter le vécu du touriste. En 2023, le « Wine Culture Enjoy » mettra en valeur les atouts culturels dans la région, et s’ajoutera à cette liste d’évènements où tout tourne autour du vin.
Dans la région Éislek, la ville de Vianden projette de rénover d’ici 2024 la piscine en plein air afin d’élargir l’offre aquatique de la région. Un deuxième projet prévoit la construction d’un pont suspendu permettant aux piétons et randonneurs la traversée du lac de la Haute-Sûre au niveau du « Burfelt ».
Au Guttland, à Haut-Martelange à l’Ouest du pays, le Musée de l’Ardoise permet la découverte de l’industrie ardoisière du 20e siècle. Depuis octobre 2022, les visiteurs peuvent explorer le site et s’aventurer dans les galeries souterraines du musée pour découvrir l’industrie ardoisière luxembourgeoise vieille de plus de 200 ans.
Dans la Région Mullerthal – Petite Suisse Luxembourgeoise, une des nouvelles attractions à côté du Mullerthal Trail, est la zone de baignade du lac d’Echternach.
Nonobstant, les réseaux de sentiers de randonnée du Grand-Duché de Luxembourg, comptent parmi les plus beaux d’Europe, et font du milieu rural au Luxembourg une destination idéale pour ceux qui recherchent à combiner activités sportives et nature. Le Mullerthal Trail de 112 kilomètres et l’Escapardenne Eislek Trail, 106 kilomètres transfrontaliers, se sont vus attribuer le label de qualité « Leading Quality Trails - Best of Europe », et sont à relever parmi cette offre exceptionnelle.
À cela s’ajoute le projet des « Glamping Cabins ». Il s’agit d’un type d’hébergement insolite de haute qualité qui est destiné à une implantation dans des lieux touristiques existants. Ce projet vise à créer une offre touristique novatrice afin de soutenir les acteurs touristiques dans leurs projets de développement de l’offre d’hébergement. Afin de stimuler la création de ce nouveau type de logement touristique, la Direction générale du tourisme et l’Ordre des architectes et ingénieurs-conseils (OAI) ont organisé un concours d’architecte. Le projet « Glamping Tuurm/Tiermche » du bureau Saharchitects a été déclaré vainqueur par un jury interdisciplinaire. Ce projet est inspiré par l’architecture médiévale et fait référence aux châteaux qui jalonnent le Grand-Duché de Luxembourg.
Il est à noter que la Direction générale du tourisme est actuellement en train de faire élaborer les plans de construction détaillés du projet « Glamping Tuurm/Tiermchen ». Conformément au concept du « Tourisme pour tous » ces plans de construction prévoient également une version accessible de la cabane. Celle-ci permet notamment d’accueillir des personnes en fauteuil roulant. En vue de l’obtention de ces plans de construction détaillés, tout investisseur intéressé est invité à contacter la Direction générale du tourisme. La finalisation des plans est prévue pour début automne.
Je suis confiant quant aux succès du projet car les premiers intéressés ont déjà contacté le ministère.
Voyager en tant que PMR et senior est souvent un challenge. Il en va de même pour les familles avec poussettes qui sont limitées dans leurs déplacements. Que mettez-vous en place pour faciliter leur mobilité ?
Le label EureWelcome existe depuis 2005. Ce label, qui est attribué par la Direction générale du tourisme en collaboration avec le Centre national d’information et de rencontre du handicap (Info-Handicap), est décerné aux établissements ou événements touristiques pour reconnaître leurs efforts en matière d’accessibilité et d’hospitalité. Cette approche se base sur le concept du « Design for all », visant à répondre aux besoins de tous les visiteurs, y compris les visiteurs en situation de handicap, les personnes âgées et les familles avec enfants. Les établissements labélisés sont également repris sur le site Internet eurewelcome.lu, sur lequel le détail de l’offre pourra être consulté.
Je me réjouis du fait que presque 200 infrastructures d’hébergements, sites culturels et musées, gares et évènements et autres sites sont déjà labellisés. Toutefois, pour certaines infrastructures il s’avère très difficile, même impossible de faire en sorte que tous les critères du label soient remplis. Le plus important est qu’un grand nombre d’infrastructures du secteur touristique font des efforts pour pouvoir accueillir tout un chacun.
La carte du Géoportail reprend les sentiers accessibles à tous ainsi que les sentiers enfants & familles. La distinction entre les deux n’est toutefois pas clairement légendée…
Geoportail est un outil mis à disposition par l’Administration du Cadastre et de la Topographie qui a pour vocation première de gérer des données géolocalisées de toutes sortes, mais pas nécessairement pour le grand-public. Cependant, une rubrique spécifiquement « touristique » a été mise en place. Elle est la source première pour générer des itinéraires de randonnée et de vélo qui sont affichés par après sur d’autres sites internet ayant une vocation touristique (p. ex. Visitluxembourg.com et les sites internet des cinq régions touristiques Moselle, Eislek, Mullerthal, Guttland et Minett).
Cet outil est-il fiable et complet ?
Les données touristiques de Geoportail sont mises à jour plusieurs fois par jour, et ce pour autant que nous disposons des informations du terrain. Une couche spécifique « déviations » renseigne sur les itinéraires indisponibles temporairement ou fermés. Alimenté par les cinq Offices régionaux de tourisme et la Direction générale du tourisme, Geoportail présente une offre complète et à jour.
Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde
Photo principale : ©ORT Mullerthal
Article tiré du dossier du mois « Feuilles de route »