Inauguration de la House of Sustainability (1/2)
S.A.R. le Grand-Duc héritier résume ainsi le projet : « investir dans la durabilité, c’est investir dans l’avenir de notre économie et de nos entreprises. » La House of Sustainability est désormais prête à guider et accompagner les acteurs économiques vers un développement durable.
Un auditorium bondé
La présence de son Altesse Royale exprime assurément l’importance de l’événement. Le nombre de participants tout autant.
La salle de la Chambre du Commerce est pleine à craquer. Elle résonne pourtant du silence d’un auditoire captivé par la nécessaire transition de l’économie luxembourgeoise vers la durabilité.
Le tissu économique luxembourgeois est représenté par un parterre varié de ses quelque 350 acteurs issus d’institutions diverses et d’entreprises de tous les secteurs.
Le mot de bienvenue du Président de la Chambre de Commerce
Dans son discours inaugural, Fernand Ernster, Président de la Chambre de Commerce, rappelle l’impérativité à placer le développement durable au cœur de notre société et de notre économie.
Il insiste sur le rôle central des entreprises en tant que sources de solutions, et comment la Chambre de Commerce, fort de son nouvel outil, va leur apporter un soutien précieux.
Ainsi, la House of Sustainability sera une plateforme pour partager des expériences, échanger des « best practices » et travailler en collaboration vers un avenir durable.
La keynote de Christian Berg
Moment central de cette inauguration, le keynote speech du Dr Christian Berg, membre du club de Rome et ex. Chief of Sustainability chez SAP, société de logiciels pour entreprise.
Son intitulé :« Can sustainability drive innovation and improvement ? », autrement dit, « La durabilité peut-elle favoriser l’innovation et le progrès ? »
Voici résumée son intervention, pas à pas, comme si vous y étiez.
Anticiper les conséquences
Après un résumé de l’anthropocène, Christian Berg n’est pas tendre avec sa génération, car, il en est convaincu, une action anticipée sur les causes aurait permis d’éviter certaines crises contemporaines.
« The later we start, the harder we fall » : plus tard, nous commençons, plus dure sera la chute.
S’entraîner
Christian Berg compare le développement durable au sport. Il ose la métaphore et nous parle de l’entraînement nécessaire avant une compétition. On ne peut rester sur son canapé à boire du vin si on veut réussir nos objectifs de compétition. Il en va de même pour la durabilité. Elle requiert de l’entraînement.
Crise migratoire
Les réfugiés climatiques sont de plus en plus nombreux et la pression migratoire pourrait se révéler à terme, déstabilisatrice. Dans les prochaines années, 2 à 6 millions de personnes pourraient être déplacées.
Country overshoot day
Le jour du dépassement calculé par pays est le jour où l’humanité aurait consommé toutes les ressources mondiales renouvelables si elle consommait comme le pays en question.
NDLR : d’après l’ONG Global Footprint Network, le jour du dépassement au Luxembourg a eu lieu dès le 14 février.
Alors que certains rêvent de coloniser Mars, il nous faudrait 12 planètes terre pour subvenir à nos besoins actuels.
Levier de croissance
Le Dr. Christian Berg cite Milton Friedman (économiste américain, ndlr) « The business of business is business ». Il y oppose les mots du BCG, Boston Consulting Group (cabinet international de conseil ; ndlr) : « The Business of Business Is No Longer Just Business ». Il ajoute que le BCG ne représente pas le courant de pensée le moins libéral…
Il mentionne Larry Fink, président général de Black Rock, pas vraiment l’entreprise la plus orientée vers la philanthropie : « le développement durable est la plus grande opportunité d’investissement de sa génération ».
Durabilité signifie désormais croissance.
La pression de toutes parts
La pression de la transition vient de différents horizons : la société civile, le changement des mentalités comme le mouvement international « Fridays for Future », la réglementation, les possibilités de croissance.
Innover dans la durabilité
« Necessity is the mother of invention ». Être au pied de mur permet de déployer une ingéniosité et une innovation rares.
Christian Berg critique affectueusement son pays, « en Allemagne, nous avons de bonnes idées, mais nous ne parvenons pas à les commercialiser ». Il s’est appuyé sur l’exemple du MP3, inventé en Allemagne mais commercialisé à l’étranger.
Pour lui, il faudra pouvoir commercialiser les innovations de la durabilité. Mais il réaffirme l’importance de la mise en place de projets pilotes.
La viande
Il s’intéresse alors au cas de Ruegenwalder Muehle, une célèbre entreprise de charcuterie allemande. Il explique que son chiffre d’affaires a fait un bond quand elle s’est mise à proposer aux consommateurs des produits de substitution végétariens. Il corrobore avec le succès grandissant de Beyond Meat.
La téléphonie
Il poursuit avec Fairphone, la société néerlandaise qui a mis sur le marché un smartphone durable. Une plus longue durée de vie, sans obsolescence programmée et des éléments entièrement démontables et remplaçables par soi-même. Il est facile de dévisser les caméras, les boutons, etc.
Pour lui, c’est un symbole de l’économie circulaire, pilier du développement durable.
Christian Berg s’évertue à démontrer que le marché change de paradigme et que la demande modélise une nouvelle offre.
La mobilité
Son expertise se poursuit avec un panorama des consommations de 3 célèbres Volkswagen à travers le temps.
Ainsi la première mouture de la Coccinelle affichait une consommation de 7,5 litres pour 100 km. La new Beetle, son successeur, 5,3 l/100 km. Aujourd’hui, la Volkswagen ID.3 consomme 15 kWh pour 100 km.
Il met ainsi en exergue le changement des modes de consommation des carburants. Après la révolution industrielle, l’économie a tenté de réduire sa consommation d’énergie fossile. Aujourd’hui, elle tend à l’éradiquer de ses ventes.
Il faut ainsi repenser le concept de production / consommation. Même s’il loue la gratuité des transports publics luxembourgeois, il émet quelques doutes sur la capacité des autres pays à faire de même. Ainsi, il faut développer d’autres usages de mobilité, tels le covoiturage ou l’autopartage.
Pour lui, nous ne pourrons nous passer totalement de l’avion. Nous pouvons en revanche optimiser nos déplacements et les restreindre, mais pas les faire disparaître. C’est pourquoi le kérosène neutre en CO2 doit se substituer au kérosène fossile.
Consommation à la demande, location, économie du partage
Nous voilà pris à témoin. Qui d’entre nous possède une perceuse ? Combien de temps l’utilisons-nous par mois ? 5 min, peut-être. Par an, cela fait peu. Voilà, comment nos ressources restent à la cave. Il faut repenser ce modèle de marché, aller vers des solutions « on demand » (à la demande).
Finance durable : l’Europe mauvais élève
Le Dr Christian Berg s’étonne avec une certaine amertume de constater que seule l’Europe présente une baisse de ses investissements durables rapportés aux investissements globaux. Partout, sur les autres continents, les investissements durables croissent. Pourquoi, pour quelles raisons ? La question reste en suspens.
S’il interpelle d’abord sur les dangers du greenwashing, il met en garde contre ses effets au travers du retentissant scandale qui a touché DWS, la filiale de la Deutsche Bank. Les fausses allégations ESG ou celles de finance durable ont entraîné la chute de son patron Asoka Wöhrmann et son effondrement boursier.
Il veut ainsi démontrer que le greenwashing a peu d’avenir. Ce qui est tout l’inverse des green bonds et de la finance ESG.
Qu’est-ce qu’un green bond ? Traduit littéralement, c’est une obligation verte ou obligation environnementale. C’est un emprunt obligataire, non bancaire, émis sur les marchés financiers. Ils sont utilisés pour financer des projets favorisant la transition écologique. Mais la grande différence par rapport aux obligations classiques tient dans les engagements de l’émetteur sur l’usage des fonds et leur impact sur l’environnement. Une publication chaque année doit rendre compte aux investisseurs de l’avancée de ces projets.
Une durabilité sans faille à toutes les tailles
Il insiste sur le fait que la décarbonation n’est pas une question de taille. Pour preuve : une boulangerie. Une batterie accumulant de l’énergie renouvelable permet au boulanger de mieux gérer sa consommation. Une plus grande flexibilité lui permet de s’adapter aux pics de puissance max.
Les RH, les autres vecteurs du développement durable
On y pense moins mais l’aspect des ressources humaines, des RH, est un autre levier du développement durable, et, surtout, un facteur de prospérité. Améliorer l’index de bien-être au travail de 1% permet d’accroître le chiffre d’affaires de 90 à 110 millions d’euros.
L’emploi inclusif n’est pas en reste. SAP, son ancien employeur, a coordonné un programme d’insertion des autistes. Leur insertion permet de développer des qualités supplémentaires au sein de l’entreprise. La diversité est au cœur de la durabilité.
Retrouvez la suite des interventions du 👉 lancement de la House of Sustainability Luxembourg avec le panel réunissant : Debbie Kirsch, fondatrice de Devï, Laurence Graff, Head of CSR de Sodexo Luxembourg, Jean Clément, CEO de Josy Clément et Sébastien Jungen, directeur général de Bamolux.
Par Sébastien MICHEL
Photos : Chambre de Commerce