Inondations et réchauffement : un lien scientifique clair
39 chercheurs européens tirent des conclusions claires de leurs observations et calculs de probabilité. Les pluies extrêmes qui ont semé la désolation en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg en juillet représentent un évènement dont le risque météorologique a augmenté et augmentera encore avec la hausse des températures globales.
Le changement climatique a-t-il augmenté la probabilité des phénomènes météorologiques violents tels que les fortes pluies des 14 et 15 juillet derniers, ayant causé la perte de quelque 250 vies humaines et des centaines de millions d’euros de dégâts, en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg notamment ? Une équipe internationale de chercheurs tranche sans ambiguïté : oui. Et le risque que ces événements extrêmes surviennent augmente aussi : le réchauffement global de la température moyenne actuel de +1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle augmente cette probabilité de 1,2 jusqu’à 9.
On sait qu’une atmosphère plus chaude peut contenir plus de vapeur d’eau qui vient gonfler les nuages, augmentant le risque de pluies intenses. Mi-juillet, les trombes d’eau qui se sont abattues sur l’Allemagne, l’Est de la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg ont été un exemple spectaculaire et désolant. Mais relier le phénomène extrême ponctuel au réchauffement climatique global est plus complexe.
Tendances nettes
Une équipe de 39 experts du World Weather Attribution (WWA - qui avait déjà calculé que le dôme de chaleur qui a plombé le Canada et l’Ouest américain fin juin dernier aurait été « presque impossible » sans les effets du changement climatique), issus de divers instituts de recherche, a mené une étude dont les résultats ont été dévoilés récemment.
Les observations ont porté, pour ne pas se limiter aux « petites » régions touchées par les précipitations les plus violentes, sur une zone allant des Alpes du Nord jusqu’à l’Est de la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-bas.
Les auteurs se sont appuyés sur les relevés météorologiques, notamment les quantités de pluie journalière, observés depuis 80 ans. Et ils ont fait tourner différents modèles pour estimer comment le réchauffement a affecté le volume de précipitations sur une durée d’un ou deux jours. Ils ont clairement noté une tendance à un renforcement de la pluviométrie, en parallèle de la hausse des épisodes caniculaires et de la hausse progressive des températures moyennes, même s’il demeure une grande variabilité d’une année à l’autre.
En juillet, on a largement battu les records de précipitations historiquement enregistrés dans les zones touchées.
Chaque degré supplémentaire...
Les chercheurs ont aussi évalué la probabilité que de tels épisodes extrêmes surviennent en Europe occidentale. Le modèle mathématique donne une « chance » sur 400, chaque année, qu’une telle catastrophe se reproduise.
Et ces événements météorologiques extrêmes deviendront encore plus courants si le réchauffement se poursuit, souligne l’étude. Avec le réchauffement déjà enregistré, lié en grande partie aux émissions de gaz à effet de serre, le risque a augmenté de 20 à 900% de probabilité d’apparition des pluies torrentielles comme cet été.
L’humidité de l’atmosphère augmente d’environ 7% pour chaque degré supplémentaire.
Début août, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et l’ONU avaient, dans leur rapport, pointé un réchauffement de la planète encore plus rapide et plus fort que redouté : le seuil de + 1,5 °C – à ne pas dépasser selon l’accord de Paris – pourrait ainsi être atteint autour de 2030, soit 10 ans plus tôt qu’estimé. Les effets dévastateurs – sécheresses, incendies ou inondations – se font déjà bien sentir dans le monde...
Alain Ducat
Photo © SIP / Jean-Christophe Verhaegen