« L'hydrogène aura son rôle à jouer »

« L’hydrogène aura son rôle à jouer »

Pour 2050, l’Union européenne vise le « zéro émission nette ». Dans le secteur particulièrement polluant des transports, les chercheurs mettent les bouchées doubles pour développer de nouveaux carburants plus respectueux de l’environnement. Parmi eux, l’hydrogène.

Quand on parle de transition écologique dans la mobilité, le sujet de l’hydrogène est devenu incontournable. L’Europe, tout comme le Luxembourg, mise beaucoup sur ce carburant qui « aura un gros impact sur la décarbonation de la mobilité », selon le Dr. Bianca Rita Pistillo, Lead Business Development Officer, Responsable collaboration industrielle pour l’énergie et le cleantech, au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Particulièrement de la mobilité lourde ou intensive (avion, train, bateau et camion), pour plusieurs raisons : l’hydrogène a une haute densité énergétique - trois fois supérieure à celle du diesel ou de l’essence, son utilisation nécessite des équipements plus légers que ces des véhicules électriques et il permet un ravitaillement plus rapide, de 3 à 5 minutes.

Le Dr Pistillo tient cependant à nuancer son discours : « Les technologies liées à la production, la distribution et le stockage d’hydrogène sont pour l’instant toujours en phase d’expérimentation. Elles n’ont pas encore atteint leur maturité et même si prometteuse, beaucoup de recherche reste encore à faire. »

Toute une palette d’hydrogènes

Pour commencer, il n’y a pas un hydrogène, mais des « types d’hydrogènes », selon la méthode de production. L’hydrogène « gris » est fabriqué à partir d’hydrocarbures et rejette du CO2 lors de sa production (10 tonnes de CO2 libérées pour 1 tonnes d’H2 produit). C’est celui qui représente plus de 95% de la production d’hydrogène en Europe. L’hydrogène bleu suit le même processus, mais avec une captation du CO2 émis. L’hydrogène sera « vert » s’il est produit par électrolyse de l’eau grâce à de l’électricité d’origine renouvelable, donc neutre en carbone.

Le camion à pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène de Cargolux et Arthur Welter.
Le camion à pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène de Cargolux et Arthur Welter. - © Cargolux

« Il faudra passer par plusieurs étapes, de moins en moins polluantes », estime Bianca Rita Pistillo, qui cite encore un autre type d’hydrogène, dit « turquoise », qui utilise à la fois l’électricité et le méthane pour sa production. En parlant de la comparaison avec les véhicules électriques, elle précise « qu’il ne faut pas chercher LA solution, mais en combiner plusieurs. »

La question du prix se pose également : « Il faut six kilos pour faire un plein, et on est actuellement à 10-15 euros le kilo à la pompe. Pour 2025, les prévisions envisagent une baisse jusqu’à 5 euros le kilo. » Comment atteindra-t-on ce prix ? « Grace à l’optimisation des technologies, au développement des infrastructures et du marché en général. »

Des difficultés à surmonter

Une des difficultés techniques à résoudre concerne le stockage. Stocker de l’hydrogène sous forme liquide nécessite une température très basse, et sous forme gazeuse une pression très haute, sachant qu’il y aura des pertes énergétiques à chaque changement d’état.

« Il y a beaucoup de pistes à explorer. Pour les stations-services, est-ce que ça vaut la peine d’avoir du stock sur place ? Ou serait-il préférable de produire de l’hydrogène directement sur le site ? Peut-être grâce à de l’énergie renouvelable générée sur ce même lieu avec des panneaux solaires ? »

Au LIST, les chercheurs travaillent sur différents aspects liés à l’hydrogène : production, détection, développement de nouveaux matériaux allégés pour le stockage et le transport. La résistance et la durée de vie des membranes des piles à combustible, dont sont équipés les véhicules à l’hydrogène, aussi bien que le développement de nouveaux catalyseurs, font également l’objet d’études.

Les décideurs convaincus, le grand public à convaincre

La Dr Pistillo rappelle qu’il n’y a pas que des aspects scientifiques à prendre en compte. Elle considère notamment que « la législation mérite des clarifications et une harmonisation au niveau des différents pays européens. »

« Au-delà de son efficacité, je pense qu’il y a une certaine crainte de l’hydrogène au sein du grand public », ajoute Bianca Rita Pistillo. Elle raconte qu’en 1937, un ballon dirigeable Zeppelin nommé « Hindenburg » a explosé lors de son atterrissage à New York après avoir traversé le Pacifique. « Il a été surnommé le Titanic de l’air. Même si c’est une histoire ancienne, je pense que ça a instauré une peur de l’hydrogène chez les gens. Il faudra un jour faire tomber cette barrière. »

Mais au Luxembourg, la volonté des décideurs est clairement de développer cette nouvelle source d’énergie. Projet de loi pour l’établissement d’un réseau de transport d’hydrogène, première station publique mise en service ou encore vallée de l’hydrogène à Bascharage : le Grand-Duché compte sur l’hydrogène pour décarboner son industrie et ses transports. « Le pays a un rôle de leader et de facilitateur dans ce domaine, parce qu’il comprend bien les enjeux liés à l’hydrogène, parce qu’il est situé géographiquement au cœur de l’Europe et parce qu’il est très concerné par les transports. Mais aussi car il dispose des moyens financiers pour investir. »

Si elle insiste sur le fait que la recherche en matière d’hydrogène doit encore avancer, et « avancer vite », Bianca Rita Pistillo est convaincue qu’il fera partie des solutions qui mèneront à un monde moins pollué. « Est-ce que l’hydrogène est plus vert que l’essence ? Oui. Je ne sais pas si on arrivera un jour au ‘net zéro’, mais même si on n’atteint que la moitié de nos objectifs, on aura quand même réussi à diminuer la pollution. »

Par Léna Fernandes

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Publié le lundi 16 septembre 2024
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