L’or vert du futur
Distributrice pour le Benelux de TreeSystem, un dispositif d’ancrage préservant l’environnement, GoGreen est une société fondée en 2013 par Ruggero Marcato, Italien et ex-banquier. En 2016, ce dernier s’est tourné vers la production de biocarburant à partir d’une microalgue qui se nourrit de CO2 et de résidus organiques pour donner naissance à « Teregroup à Luxembourg », et les perspectives semblent exceptionnelles.
Quels sont les produits commercialisés par GoGreen ?
J’ai créé GoGreen le 13 octobre 2013, après une carrière en banque. Je suis de nature curieuse et il me semblait avoir fait le tour de ce que mes fonctions en banque pouvaient m’apporter. Le besoin de laisser à mon fils un monde meilleur, d’adopter un style de vie engagé ont motivé mon choix de créer GoGreen. TreeSystem est un système d’origine italienne, breveté en 2009 au niveau international, conçu pour enraciner tout objet au moyen d’un ou plusieurs inserts plantés à l’oblique et se faisant face. Le système permet également de fixer des panneaux photovoltaïques, des panneaux de signalisation, des clôtures, des aires de jeux, etc. Le tout s’installe en quelques minutes. Il est inutile de couler du béton et il n’y a pas non plus d’excavation de terre. Plus de 90 % de la production de TreeSystem sert à fixer des modules photovoltaïques au sol. TreeSystem constitue un avantage lorsque le terrain est en pente, car il est facile d’ajuster les inserts par rapport aux dénivelés. En cas de démontage des panneaux, le terrain retrouve son aspect initial en enlevant les ancrages. GoGreen a actuellement plusieurs projets en cours qui portent sur des installations photovoltaïques.
Comment en êtes-vous venu à créer « Teregroup à Luxembourg » ?
Malgré l’efficacité prouvée de TreeSystem, le concept n’a pas eu le succès escompté, et il semblerait que le béton ait encore de beaux jours devant lui. J’ai été amené à créer Teregroup à Luxembourg un peu par hasard… Alors que je passais quelques jours de vacances en Italie après l’adoption de mon jeune chien, Ayco, un ami m’a présenté une personne qui m’a parlé de Teregroup S.r.l. Modena en Italie, une société spécialisée dans la production de compléments alimentaires et d’anti-inflammatoires pharmaceutiques. Cette personne cherchait un investisseur pour construire une serre de culture d’algues en Roumanie.
La maison mère de Teregroup, basée en Italie, a fait la découverte, presque fortuitement aussi d’ailleurs, d’une algue d’eau douce, monocellulaire, capable de convertir de l’engrais organique… en biocarburant. Très schématiquement : les déchets organiques sont convertis, par fermentation, en biométhane. Une fois le gaz naturel récupéré, il reste un engrais organique appelé digestat et une quantité non négligeable de dioxyde de carbone (CO2). L’algue monocellulaire se nourrit de ce digestat et de CO2 pour les convertir en biocarburant. Intrigué, j’ai effectué des recherches et ai contacté le directeur de Teregroup en Italie. Le concept innovant m’a tout de suite semblé très prometteur et j’ai décidé de créer Teregroup à Luxembourg le 29 janvier 2016.
Comment allez-vous développer le projet ?
L’objectif est de démontrer le potentiel de la combinaison de la culture d’algues avec une installation de biométhanisation et de vendre des installations clés en main pour la culture intensive d’algues, principalement l’Algamoil, l’algue brevetée par Teregroup S.r.l. Modena. Teregroup à Luxembourg a l’exclusivité pour le Benelux et l’Allemagne. D’autres alternatives en matière de culture d’algues sont envisagées, comme les algues nutraceutiques (produisant les oméga-3 ou encore la spiruline, commercialisée comme complément alimentaire en raison de sa richesse en minéraux et en vitamines), les algues « pharmaceutiques » (comme l’astaxanthine, un anti-inflammatoire) ou la production de bioplastique à partir de résidus secs. Ce qui est nouveau dans ce projet, c’est la réalisation d’un site de culture d’algues attenant à une usine. Le premier prototype s’implantera sur un site au Grand-Duché. Teregroup à Luxembourg entend mettre à profit les synergies entre la biométhanisation et la culture d’algues, en valorisant le CO2 , le digestat et les résidus secs. Le CO2 peut être stocké, mais nous irons le chercher sur place ! C’est une première mondiale ! Le site aura une superficie de deux hectares, dont un hectare pour la serre et les « bioréacteurs » et un hectare pour les bâtiments administratifs, les locaux techniques et les voies d’accès.
Pouvez-vous nous fournir quelques explications sur ce procédé révolutionnaire ?
Le principe est simple. Une serre abritera 2.500 bioréacteurs alignés et disposés en réseau. Il s’agit de tubes de 4,50 mètres de haute et d’une largeur de 60 centimètres. À l’intérieur, nous avons environ 3 millions de litres d’eau et des microalgues. Pendant la journée, les algues stimulées par la lumière - c’est le principe de la photosynthèse - se nourrissent du CO2 collecté par les cheminées de la centrale de biométhanisation. Le soir, les bioréacteurs sont vidés. L’eau est filtrée, purifiée et réinjectée dans les réacteurs et les algues sont mises de côté. Cette opération s’effectue la nuit et le système est de nouveau opérationnel le lendemain.
Un litre d’eau produit en moyenne 7 grammes d’algues, et 10.000 tonnes de CO2 par an seront ainsi valorisées. Une autre propriété de cette algue est qu’elle ne s’accroche pas aux parois des tubes, ce qui facilite sa récupération ! Les algues sont mises ensuite pendant quatre jours dans des fermenteurs pour grossir. Elles n’ont plus besoin de lumière. Au bout de quatre jours, vous obtenez de l’huile végétale. Les déchets bio-organiques suffisent pour les nourrir et plus de 400 types conviennent, comme les résidus de la vinification, des brasseries, des laiteries, etc. ! Le traitement des « boues » (déjections humaines, ndlr) est également à l’étude.
En quoi ce nouveau procédé est-il prometteur ?
Depuis la signature par 175 pays de l’accord de la COP21 à Paris en avril dernier, les entreprises sont soumises à une amende élevée pour chaque tonne de CO2 émise. En revanche, si les tonnes de dioxyde de carbone sont récupérées, les entreprises obtiennent un « certificat vert » coté en bourse. Actuellement, 6 % du carburant doit être d’origine organique. En 2020, ce taux passera à 10 %. Une serre d’algues d’un hectare garantit la production de 3.500 tonnes par an d’huile végétale pure. En comparaison, un hectare de colza n’en produit que 2,5 tonnes… sous réserve de conditions météorologiques favorables. 7 % des terres cultivables peuvent être destinées à la production de cette huile, selon la Commission européenne. Or, nous sommes déjà à 6,5 % et le carburant devra à l’avenir être de plus en plus vert. L’huile végétale raffinée sert à fabriquer des carburants propres, avec 20 % d’émissions de CO2 en moins. Le biocarburant est plus léger. Il est riche en oxygène, le moteur tourne mieux et la quantité d’additifs est réduite ! Boeing a déjà volé avec du carburant totalement vert.
Quelles opportunités voyez-vous pour le Luxembourg ?
Les débouchés sont très intéressants pour le Grand-Duché. Une serre d’algues sur un hectare garantit la production de 3.500 tonnes et l’investissement pour la construction d’une installation revient à environ 10 millions d’euros, la vente aux raffineries de l’huile étant garantie à 950 euros par tonne… dont 600 euros sont des subventions européennes. Il faut agir maintenant ! Le Luxembourg paie trop d’amendes pour les émissions de CO2, or il est possible de valoriser ces émissions en allant les capturer chez les grands producteurs et en cultivant des algues ! Un laboratoire ambulant expliquant la technologie, entièrement vitré, avec un toit équipé de panneaux photovoltaïques qui seront probablement produits par Soluxtec, une société luxembourgeoise, est également en projet. Le camion devrait pouvoir sillonner les routes dès l’été 2017. Il roulera au biométhane et le CO2 sera capturé, si bien qu’il ne rejettera aucune émission. Aujourd’hui, ces projets avancent bien. Nous préparons nos dossiers pour les autorisations auprès du ministère de l’Économie, du ministère de Développement durable et des Infrastructures et de l’ITM. Nous avons rencontré Camille Gira, secrétaire d’État au ministère du Développement durable et des Infrastructures, et le LIST se montre également très intéressé.
Avez-vous rencontré des difficultés ?
Il y a encore trop de scepticisme face aux innovations écologiques ! Les vieilles méthodes polluantes ne font plus recette et sont en même temps inefficaces.
Qu’est-ce qui vous motive dans la vie ?
Je crois que j’ai fait la démonstration qu’un choix de réorientation de carrière est possible, tant que vous avez la soif d’apprendre. L’envie de contribuer à des lendemains moins pollués a également été un de mes objectifs majeurs.
Texte : Marie-Hélène Trouillez
Photo : Laurent Antonelli / Agence Blitz
Source : MERKUR – Novembre-décembre 2016