La face cachée des énergies vertes

La face cachée des énergies vertes

Si les énergies fossiles n’ont plus vraiment la cote, force est de constater qu’elles ont largement participé à augmenter la croissance économique et à élever le niveau de vie[1]. Toutefois, le dérèglement climatique ainsi que les limites des techniques conventionnelles de production, déjà atteintes depuis 2006 selon l’Agence internationale de l’énergie[2], incitent les pays à se détourner de plus en plus des matières premières carbonées.

Face à un tel constat, les investissements dans les énergies vertes sont devenus plus que jamais à la mode et ne cessent de croître. Entre les critères de l’ONU et les multitudes d’indicateurs de performance ESG, il semble que le souhait définitif de tourner le dos aux énergies sales soit acté. Si le tableau dépeint ne peut être que louable, du moins à première vue, d’autres pourraient penser à un véritable greenwashing qui en est fait. Croire que les énergies vertes ou renouvelables sont non polluantes revient en effet à croire en l’histoire de « la sardine qui a bouché le port de Marseille ».

Panneaux solaires, batteries, écrans, moteurs électriques… Tous ces objets 2.0 indispensables pour la transition énergétique nécessitent des métaux rares. Pourquoi rares ? Car même si les quantités sont relativement présentes dans la croûte terrestre, elles ne sont pas assez disponibles compte tenu de leurs propriétés magnétique, électrique, optique et catalytique. Elles sont ainsi particulièrement recherchées par les industriels provenant de divers secteurs d’activité. Mais au-delà du poids géostratégique énorme que confèrent ces métaux stratégiques à la Chine qui répond actuellement à environ 90% de la demande mondiale (à titre de comparaison les pays membres de l’OPEP contrôlent « uniquement » entre 35 et 40% de la production mondiale de pétrole), l’extraction de ces métaux est une source énorme de pollution[3].

Si le pétrole de schiste a pu faire l’objet de critiques en raison des produits chimiques injectés pour causer la fracture hydraulique et faire remonter pétrole et gaz, l’extraction des métaux rares n’est pas véritablement plus respectueuse de l’environnement. Si ce n’est que cette fois-ci, la pollution est entièrement délocalisée et loin des pays occidentaux : acides sulfuriques et chlorhydriques dans les cours d’eau, produits chimiques dans les sous-sols, rejets toxiques des usines lors du raffinage, pluies acides, empoisonnement de la population, récoltes non comestibles, eau rendue non potable, dégradation de la biodiversité, hausse des cancers, accidents vasculaires et malformations…

Bref, nous sommes loin de l’image idyllique de la voiture électrique près des Fjords (et du livre de Jeremy Rifkin[4] qui fait d’ailleurs impasse totale sur ces problématiques ) !

Enfin, gardons à l’esprit les questions d’ordre de souveraineté et de sécurité nationale ! Car si la Chine a accepté de payer un lourd tribut pour assurer la quasi-totalité de la fourniture de la demande mondiale en terre rare, l’Empire du Milieu pourrait bel et bien jouer cette carte à la table des négociations[5] ou même favoriser ses entreprises avec un accès plus favorable aux matières premières critiques. Les dépenses en recherche et développement pour trouver des alternatives à certains de ces métaux et rendre les processus d’extraction et de traitement moins nocifs, le resserrement des liens diplomatiques avec les autres pays producteurs (tout en exigeant des normes plus respectueuses des travailleurs et de l’environnement) et le space mining pourraient être des moyens de s’affranchir des griffes chinoises et continuer d’affirmer une politique indépendante !


[1] Voir : Ytzhak, L.B. (2015) : La croissance, une affaire d’énergie, CNRS

[2] Voir : IEA (2010) : World Energy Outlook

[3] Voir : Pitron, G. (2018) : La Guerre des Métaux Rares, Les Liens Qui Libèrent

[4] Voir : Rifkin, J. (2011) : The Third Industrial Revolution, Palgrave Macmillan

[5]L’embargo sur les métaux rares imposé au Japon à la suite de l’arrestation du capitaine chinois Zhan Qixiong qui pêchait dans une zone de la Mer de Chine revendiquée par les deux pays en 2010 et la visite médiatisée du président chinois Xi Jinping dans une usine d’aimants permanents du Jiangxi quelques jours après que de nouvelles sanctions commerciales aient été décidées par les États-Unis en mai 2019 en sont des piqûres de rappel.

Article écrit par Thomas Valici de la Fondation Idea Luxembourg

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Publié le lundi 25 janvier 2021
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