La mobilité partagée se fait une place en entreprise
La mobilité partagée a réussi à s’installer durablement au sein des entreprises luxembourgeoises, pour qui les enjeux d’attractivité et de RSE pèsent lourd dans la balance. Un recours de plus en plus courant au carsharing qui reflète aussi un changement global des mentalités.
Au Luxembourg comme ailleurs, les entreprises participent à la mise en circulation de bon nombre de véhicules avec les voitures de fonction qu’elles fournissent à leurs collaborateurs. Pourtant, comme l’explique Sébastien Berthelot, CEO et co-fondateur de l’opérateur de mobilité multimodale partagée Moovee, « en moyenne, une voiture n’est utilisée que 10 % du temps et pour le reste, elle est stationnée. » Ce qui n’a « pas vraiment d’efficacité écologique ».
En 2017, il a voulu rationaliser ce constat grâce à la mutualisation des véhicules, tout en proposant des alternatives à la motorisation thermique et à la voiture en général. Une solution bénéfique pour les entreprises, leurs employés et l’environnement.
« Une voiture en partage peut remplacer 10 à 12 véhicules individuels, ce qui réduit forcément le nombre de voitures nécessaires », et donc les coûts. Mais ce n’est pas tout, parce que « dans l’immense majorité des cas, on peut avoir un usage mixte des véhicules. Ils sont proposés gratuitement pour les besoins professionnels, mais les employés peuvent les réserver pour leur usage privé. Ils payent pour ce service, ce qui génère des revenus pour l’employeur, qui couvrent entre 50 % et 70 % du prix du véhicule » estime Sébastien Berthelot.
Une mobilité différente pour des mentalités différentes
Mais c’est aussi une évolution des mentalités qui a permis de convaincre de plus en plus d’entreprises. D’abord côté employés. « Les jeunes sont habitués à la démarche de partage, ils sont par exemple plus habitués à la collocation. C’est une évolution sociétale sur le partage d’un espace », constate le CEO de Moovee.
Loin de vouloir à tout prix être propriétaires d’une voiture et donc d’en assumer les frais, les membres de la jeune génération préfèrent payer uniquement pour l’usage qu’ils en ont réellement. « On passe alors d’une position de ownership à celle de usership ».
« Pour une entreprise, proposer un service de mobilité partagée est un atout en terme de recrutement. L’aspect responsable de ce service séduit aussi une partie de la population qui est sensible à cette thématique. »
Sébastien Berthelot, Moovee
Les employeurs, eux, doivent désormais convaincre les candidats de rejoindre leur entreprise, car avoir un nom ne suffit plus. « Le prisme a changé, il y a un vrai sujet d’attractivité du Luxembourg et de rétention des talents. Il faut davantage choyer ses collaborateurs, et imaginer comment améliorer leur mobilité en fait partie. » Sébastien Berthelot cite comme exemple les Big Four, où la densité de population jeune est très importante et chez qui on trouve beaucoup de véhicules en partage.
Durabilité et RSE au cœur du projet
Le choix de la mobilité partagée s’inscrit dans la stratégie globale de responsabilité sociétale (RSE) d’une entreprise, qui vise, entre autres, à réduire les impacts environnementaux de ses activités. Une opportunité pour convertir les usagers à la motorisation électrique. « Beaucoup de gens ont pu découvrir le monde de l’électrique sans avoir à acheter un véhicule personnel, avec Moovee. Ils se sont rendu compte que c’est plus silencieux, facile à conduire et finalement très simple à recharger. »
Si l’autonomie limitée et la rareté des infrastructures de recharge étaient des obstacles parfois infranchissables pour les entreprises il y a une dizaine d’années, ce n’est plus le cas en 2024. « Aujourd’hui, l’offre de voiture électrique a changé. Les entreprises peuvent en mettre à disposition de leurs collaborateurs qui doivent aller jusqu’à Bruxelles, Paris ou Strasbourg. Pour aller plus loin dans leur stratégie RSE, certaines font le choix d’installer des bornes de recharge sur leur parking » déclare Sébastien Berthelot.
La démarche peut même être encore plus durable, en intégrant des vélos et des trottinettes, plus adaptés aux trajets courts, dans la flotte d’une société. Une alternative qui fonctionne très bien dans les quartiers qui disposent d’infrastructures adaptées. « Le Kirchberg est un des meilleurs sites pour ça, parce qu’il y a une superbe piste cyclable qui amène jusqu’au centre-ville. »
Un marché qui prend de la vitesse
Moovee étant active au Luxembourg, mais aussi en France et en Belgique, son CEO fait la comparaison de l’état d’avancement de la mobilité partagée dans ces trois pays voisins. Pour lui, la question est également liée à la fiscalité.
« En Belgique, la fiscalité était en faveur des voitures de société, il y en avait bien plus qu’au Luxembourg. Mais les règles sont en train de changer et les entreprises envisagent d’autres solutions, dont le carsharing. » En France, la fiscalité était « déjà beaucoup plus orientée vers le partage » et culturellement, « l’état d’esprit était déjà là, parce que la mobilité en B2C y est bien plus développée. » Avec une fiscalité « relativement incitative » au Luxembourg, Sébastien Berthelot constate que les choses se sont fortement accélérées ces deux dernières années et que « des initiatives se mettent en place pour favoriser la mobilité partagée. »
Pour résumer, il considère qu’il y a trois acteurs majeurs dans le développement du carsharing : « l’employé lui-même qui peut changer ses habitudes, l’employeur qui change sa manière d’aborder la mobilité de ses salariés, et pour finir les gouvernements ainsi que les institutions locales et publiques qui mettent progressivement en place des incitatives. »
Par Léna Fernandes
Article tiré du dossier du mois « En pistes »