Le crime environnemental et l’écocide seront désormais punis
La justice environnementale a un nouvel allié : le droit européen. Les marées noires, les pollutions toxiques, l’épandage massif de pesticides ou encore les feux de forêt pourront être sanctionnés comme des crimes à part entière.
Cela semblait paraître comme une formalité. Le Parlement et le Conseil européen avaient trouvé en 2023 un accord pour inscrire le crime environnemental dans le droit européen.
Le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen avaient validé le texte adopté en trilogue en novembre 2023.
S’il s’agissait donc plus d’une fin de procédure, le récent revirement sur la Loi de restauration de la nature, au moment de son vote au Conseil, a démontré qu’il ne fallait jurer de rien sur les grandes avancées du Pacte vert pour l’Europe.
Cette fois, le Conseil européen a formellement adopté « une directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Cette législation améliorera les enquêtes et les poursuites en matière de criminalité environnementale. La directive établit, à l’échelle de l’UE, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions. »
La quatrième activité criminelle au monde
C’est Interpol, accompagné par le Programme des Nations unies pour l’environnement qui l’affirme dans un de ses rapports (1) : « la criminalité environnementale représente la quatrième activité criminelle au monde après le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains et la contrefaçon ; elle est en hausse de 5% à 7% par an ».
L’agence européenne pour la coopération en matière de justice (Eurojust) précise dans un rapport de 2021 (2) que le gain annuel de ces activités délictueuses est estimé à 258 milliards de dollars. Le crime organisé a décelé dans le crime environnemental, des « profits élevés » mêlés à de faibles « risques de détection ».
Dans les grandes lignes lucratives, on retrouve traditionnellement le trafic de déchets et d’espèces sauvages, la contrebande de bois, de substances dangereuses, les utilisations de substances nocives à la couche d’ozone, etc.
Une reconnaissance acquise de haute lutte
Le texte est un long cheminement qui vient réviser une directive sur la protection de l’environnement datant de 2008. En octobre 2020, la députée Marie Toussaint (Verts/France) fonde l’Alliance internationale de parlementaires afin de faire reconnaître l’écocide et de l’inscrire dans le droit pénal. Un long combat qui ressemble à une victoire du droit, même s’il est bon d’attendre les premières poursuites et les premières sanctions pour déterminer l’efficacité concrète de la directive.
Les États membres disposent d’un délai de deux ans pour adapter leurs règles nationales à la directive.
Au Luxembourg, l’accord de coalition 2018 indiquait déjà que « la reconnaissance de l’écocide en droit pénal international serait soutenue » (page 178). Sous ses précédentes mandatures, le Grand-Duché a contribué à faire de ce projet une réalité.
Qu’est-ce qu’un crime d’écocide ?
Le terme « écocide » signifie littéralement « tuer sa maison ».
« Parmi les nouvelles infractions figurent le trafic de bois, le recyclage illégal de composants polluants des navires et les infractions graves à la législation sur les produits chimiques. »
Le Parlement a défini le crime d’écocide comme « des actes ou une omission illicite ou délibérée commis en connaissance de la forte probabilité que ces actes ou cette omission causent à l’environnement des dommages graves et étendus ou durables ».
Le Conseil lors de cet entérinement ajoute : « la nouvelle législation introduit également une clause relative aux infractions qualifiées qui s’applique lorsqu’une infraction visée dans la directive est commise intentionnellement et entraîne la destruction de l’environnement ou des dommages irréversibles ou durables à celui-ci ».
Vous saviez que vos actions détruisaient l’environnement, vous êtes désormais coupables.
Pour le moment, la directive ne s’applique qu’aux infractions commises au sein de l’UE. Cependant, les États membres peuvent choisir d’étendre leur compétence aux infractions commises en dehors de leur territoire. Une jurisprudence pourrait donc bientôt venir percuter le droit international.
Des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et de fortes amendes
C’est une base sur laquelle s’appuieront les États membres. Ils peuvent décider de se montrer plus sévères. Les infractions intentionnelles à l’origine du décès d’une personne seront passibles d’une peine d’emprisonnement d’au moins dix ans.
Les autres infractions entraîneront une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. La peine d’emprisonnement maximale pour les infractions qualifiées sera d’au moins huit ans.
Pour les entreprises, les amendes s’élèveront, pour les infractions les plus graves, soit au moins à 5 % du chiffre d’affaires mondial total, soit à 40 millions d’euros. Pour toutes les autres infractions, l’amende maximale sera soit d’au moins 3 % du chiffre d’affaires, soit de 24 millions d’euros.
Les personnes physiques et les entreprises seront sanctionnées par des mesures supplémentaires telles que l’obligation de rétablir l’environnement ou d’indemniser les dommages, leur exclusion de l’accès au financement public ou le retrait de leurs permis ou autorisations.
Un premier pavé jeté dans la noire mare de la délinquance environnementale.
Par Sébastien MICHEL
(2) Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale. (2021). Rapport sur le traitement par Eurojust des dossiers sur la criminalité environnementale. La justice pénale par-delà les frontières.