MASIPAG : victoire historique pour l’agriculture écologique aux Philippines
Depuis de nombreuses années, plusieurs communautés de la Lëtzebuerg Climate Alliance soutiennent MASIPAG, un réseau d’agriculteurs, d’ONG et de scientifiques et partenaires de l’ASTM aux Philippines, qui prône une agriculture biologique basée sur les savoirs traditionnels des agriculteurs et le renforcement des organisations paysannes.
Ce soutien aux populations vulnérables du Sud, durement touchées par le changement climatique, s’inscrit dans le cadre de l’engagement volontaire des communautés en rejoignant l’Alliance Climat. Grâce au partenariat de l’Alliance climatique avec des organisations partenaires du Sud, les communautés membres reconnaissent l’importance des efforts mondiaux pour protéger le climat.
Ce n’est que récemment, après des années de campagne, que MASIPAG a obtenu un grand succès : le réseau a remporté le procès contre le riz doré et l’aubergine bt (Bacillus thuringiensis) aux Philippines. La décision exige que l’Institut philippin de recherche sur le riz et l’Université de Los Baños cessent toute distribution commerciale et toute activité liée au riz doré.
La plainte a été déposée par plusieurs organisations et individus philippins, notamment l’Association des agriculteurs de Masipag et Greenpeace Asie du Sud-Est. Ils ont invoqué un droit inscrit dans la constitution philippine, connu sous le nom de « Writ of Kalikasan ». Kalikasan est le mot philippin pour la nature. Ce droit permet aux individus et aux organisations de faire appel à la Cour suprême s’ils estiment qu’une décision d’une autorité publique ou d’un individu viole ou menace le droit constitutionnel à un environnement équilibré et sain.
Masipag a parlé d’une victoire historique. Selon eux, la décision « envoie un signal clair aux entreprises et aux décideurs politiques : l’avenir de l’agriculture réside dans l’autonomisation des agriculteurs et dans l’application de principes agroécologiques axés sur la durabilité environnementale, la biodiversité et le bien-être des communautés agricoles ».
La valorisation des variétés de riz indigènes comme alternative aux variétés hybrides et OGM est un élément central du travail du MASIPAG. Ses membres gèrent un stock important de variétés de riz locales et ont développé par croisement de nouvelles variétés bien adaptées aux conditions locales de changement climatique, notamment les sécheresses ou les inondations. D’autres domaines clés comprennent la formation des agriculteurs à l’agriculture biologique, la facilitation de l’échange de semences et d’informations entre agriculteurs et la promotion de l’agroécologie. De plus, Masipag contribue également aux mesures de protection du climat en évitant l’utilisation d’engrais artificiels : un hectare de rizière traitée avec des engrais artificiels produit plus de 800 kg d’équivalent dioxyde de carbone.
Bien que les Philippines soient l’un des pays les plus riches en biodiversité, la moitié de la population souffre d’une pauvreté extrême et la sécurité alimentaire reste un défi majeur. Les importations de riz, l’aliment de base des Philippins, se sont élevées à 1,7 million de tonnes en 2015. Près de 14 millions de personnes souffrent de faim et de malnutrition, et deux enfants de moins de dix ans sur dix souffrent d’insuffisance pondérale.
La « solution » du gouvernement au problème de la sécurité alimentaire consiste à recourir à la biotechnologie moderne et à des systèmes agricoles à forte intensité chimique. Suite à cette politique, la situation s’est considérablement détériorée. En effet, une étude menée par MASIPAG sur l’impact socio-économique de l’utilisation des cultures génétiquement modifiées montre que les agriculteurs sont encore plus pauvres en raison des prix de production élevés et que les performances des cultures ne sont pas à la hauteur de l’investissement. La même étude montre que les agriculteurs pulvérisent quatre litres de glyphosate par hectare deux fois par saison, ce qui équivaut à 5,3 millions de litres de glyphosate par saison, provoquant une grave érosion et une perte de fertilité des sols. Ceci, associé au système de monoculture en vigueur, contribue à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, au changement climatique et à la détérioration des conditions de vie et de la santé des agriculteurs.
En outre, les petits agriculteurs sont confrontés à des problèmes majeurs tels que le manque d’accès à la terre et l’appropriation de leurs terres par de grands propriétaires fonciers et de grandes entreprises nationales et transnationales pour la culture d’exportation, l’exploitation minière et la production d’agrocarburants. Tous ces facteurs font qu’il devient de plus en plus difficile pour les agriculteurs de vivre de l’agriculture.