« Nos ressources sont de valeur. Maintenons-les ! »
Nouvelles dispositions du paquet de lois « déchets et ressources » dès le 1er janvier 2023
Le 1er janvier 2023, de nouvelles dispositions du paquet de lois « déchets et ressources », publié en juin 2022, entrent en vigueur. Principaux secteurs concernés : grande distribution, Horesca et événementiel. Dans cette interview, Joëlle Welfring, ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, rappelle les nouvelles prérogatives et recadre ces dispositions dans le contexte national et européen.
Madame Welfring, depuis la publication du paquet de lois déchets-ressources du 9 juin 2022, et en vue des premières échéances qui arrivent avec la nouvelle année, comment le ministère a-t-il préparé l’application des nouvelles dispositions ?
« Après mon entrée en fonction et afin de faire le point sur la mise en œuvre de la Loi déchets-ressources, j’ai tenu, avec mon cabinet, plusieurs réunions de concertation avec les représentants des secteurs économiques concernés. Plus spécifiquement, nous nous sommes échangés avec la Confédération luxembourgeoise du commerce, la Fédération des artisans et les organismes agréés comme Valorlux, Ecotrel ou Ecobatterien sur les dispositions qui entrent en vigueur au 1er janvier 2023. D’autres échanges avec des acteurs clés sont prévu pour début 2023.
Mes services ont ensuite travaillé sur les sujets spécifiques qui ont été identifiés lors de ces réunions. Nous avons, par exemple, organisé des workshops sur les infrastructures à prévoir dans les supermarchés ou encore élaboré une guidance pour la mise en œuvre pour le secteur de la restauration. »
Le secteur de la distribution alimentaire a émis quelques réserves par rapport aux nouvelles infrastructures de collecte à mettre en œuvre dans les supermarchés ?
« En effet, il y a une forte crainte de la part des supermarchés du pays concernant la complexité de mise en œuvre des nouvelles dispositions. En pratique, les supermarchés de 400 m2 ou plus prévoient l’installation d’un point de collecte d’emballages à la sortie des caisses, ceci à partir du 1er janvier 2023. Dès janvier 2024, les points de vente alimentaire de plus de 1.500 m2 devront disposer d’infrastructures de recyclage.
Il y a une forte crainte de la part des supermarchés du pays concernant la complexité de mise en œuvre des nouvelles dispositions
Nous avons discuté avec les acteurs concernés, plus particulièrement la FLAD (Fédération luxembourgeoise de l’alimentation et de la distribution) et nous sommes parvenus à trouver une approche partagée qui se concrétisera à travers un projet à réaliser en 2023. Ce projet permettra de nous guider vers la date de mise en œuvre et d’affiner les aspects organisationnels et financiers des infrastructures visées. »
Les emballages en plastique des fruits et légumes en petite quantité sont-ils sur le point de disparaître ?
« Pour certains types de produits, oui ! La disposition concernant les emballages à usage unique des fruits et légumes sera mise en œuvre à partir du 1er juillet 2023. Bon nombre de ces produits sont importés et nous devons donc tenir compte des chaines logistiques dans les pays d’origine. Il s’agit d’un sujet qui requiert notre attention afin de nous assurer que la mise en œuvre sera réussie. »
L’Horesca va également devoir s’adapter et réduire les emballages jetables dès le 1er janvier. Quelles sont les principales règles les concernant ?
« La loi du 9 juin 2022 modifiant la loi du 21 mars 2012 relative aux déchets prévoit que les aliments doivent être servis dans des récipients réutilisables dès janvier 2023. Pour assurer la bonne compréhension de ces dispositions, nous nous sommes concertés avec Valorlux, la CLC, l’Horesca et la Confédération Liewensmëttelhandwierk de la Fédération des artisans. Nous avons su nous mettre d’accord sur un guide de mise en œuvre qui a été publié sur le site internet du ministère, pour clarifier ce qui est visé par cette disposition. L’Horesca a relié cette information à ses membres.
Les aliments doivent être servis dans des récipients réutilisables dès janvier 2023
Pour la restauration sur place, sont concernés dans un premier temps les emballages utilisés pour la consommation au sein du lieu de restauration, y compris en terrasse. Le verre, par exemple, doit être réutilisable, mais l’emballage d’origine de la boisson n’est pas concerné. Rappelons que la mise sur le marché de certains objets à usage unique en plastique visé par la directive 2019/904, est interdite depuis juillet 2021. Des alternatives aux produits à usage unique en plastique peuvent être trouvées sur le site emwelt.lu en suivant la rubrique : Alternatives aux objets à usage unique.
Ce qu’on remarque avec la restauration, c’est que, dans l’ensemble, la vaisselle réutilisable est déjà pratique courante. À l’exception des établissements de type fast food, qui vont devoir s’investir davantage. A noter que les dispositions nationales sont similaires à celles qui sont d’application en France.
Nos discussions avec l’Horesca sont d’ailleurs allées au-delà du cadre légal. En effet, durant la période Covid, l’Horesca a lancé le label Hausgemaach qui promeut les produits locaux et de saison, les ingrédients naturels, une communication transparente avec les clients, mais également la lutte contre les emballages à usage unique et le gaspillage alimentaire. Nous y avons trouvé une piste commune et l’occasion de travailler ensemble en organisant, avec le soutien de la SuperDrecksKëscht, une formation spécifique afin de sensibiliser sur les emballages à usage unique dans la restauration ainsi que sur les autres critères de ce label.
Nous nous retrouvons dans une logique de transition vers une économie circulaire
Nous nous retrouvons dans une logique de transition vers une économie circulaire. La Motion 2951, adoptée par la Chambre des député en 2019, soutient l’idée de se diriger vers une prolongation de la durée d’utilisation des ressources employées. L’approche européenne, notamment dans les récentes propositions de la Commission, cherche également à couvrir tout le cycle de vie d’une ressource ou d’un objet, dès son design qui doit encourager le réemploi et le maintien de la valeur du produit aussi longtemps que possible. »
Ces dispositions s’appliquent-elles aussi au secteur événementiel ?
« Concernant les événements, le texte prévoit d’autres dispositions et nous avons publié récemment un guide qui permettra de guider les organisateurs dans leurs démarches à partir du 1er janvier 2023. À partir de cette date, certains produits à usage unique en plastique ne pourront plus être utilisés dans le contexte d’un événement public. Cette disposition s’étendra à l’ensemble des produits à usage unique, quelle que soit leur composition, dès 2025. Nous entrons ici dans une première phase de mise en œuvre pour réduire les consommations de courte durée d’objets à usage unique utilisés lors d’événements et de favoriser les articles réutilisables.
À partir du 1er janvier 2023, certains produits à usage unique en plastique ne pourront plus être utilisés dans le contexte d’un événement public
Nous avions déjà, en collaboration avec l’Oekozenter Pafendall et l’action SuperDrecksKëscht, lancé en septembre 2019 le projet Green Events pour orienter vers l’organisation d’événements plus durables. Cette approche volontaire va bien au-delà de la législation actuelle, mais agit en catalyseur grâce à une subvention à hauteur de 2.500 euros par événement.
Nous poursuivons les discussions avec les acteurs concernés sur tout le territoire, dans le but de les soutenir dans la mise en œuvre des nouvelles lois. Nous avons en outre annoncé début décembre un régime de soutien pour les autorités communales pour la mise en place d’équipements de lavage, à destination de leurs propres événements mais aussi des événements organisés par des associations. Cette aide étatique concerne plus spécifiquement les remorques lave-vaisselle et les lave-vaisselle industriels. On retrouve ici cette notion de circularité à travers le maintien de la ressource - le gobelet réutilisable par exemple - grâce à son nettoyage. Une solution qui peut d’ailleurs favoriser la création de nouveaux emplois locaux.
Je pense qu’il est également bon de noter que, en dépit de l’investissement financier nécessaire pour la vaisselle réutilisable, plusieurs études indiquent que le réemploi est plus rentable au-delà d’un certain nombre de cycles que l’achat de contenants à usage unique ».
La gestion des déchets d’emballage a également eu droit à son lot de changements, tant pour les entreprises que pour les particuliers…
« En effet. Valorlux a récemment communiqué sur la simplification du tri des déchets d’emballage. L’élargissement de l’usage des sacs bleus était un projet de longue date entre les autorités et l’organisme agréé Valorlux. Le défi était de s’assurer que le taux de recyclage et son efficacité restent garantis. Un projet pilote a été mené à long terme pour avoir un retour global et affiner l’approche.
Aujourd’hui, nous envoyons 85 % des déchets dans les filières de recyclage. À l’avenir, ce taux sera vraisemblablement revu à la baisse en raison de la directive qui choisit un nouveau mode de calcul, non plus basé sur la quantité de déchets déposés dans une unité de recyclage, mais sur la quantité de matière revalorisée qui sortira de cette unité de recyclage. Il faudra bien entendu de très bons processus permettant de limiter les pertes.
Il y a donc actuellement encore 15 % des déchets des sacs bleus qui sont valorisés énergétiquement, par incinération. Il faudra fournir des efforts pour valoriser tout le cycle de vie des emballages. Cela commence par une conception qui garantit un meilleur recyclage et cela passe aussi par de nouvelles filières de recyclage qui devront voir le jour, non pas uniquement à l’échelle luxembourgeoise mais bien à l’échelle européenne, ce que prévoit la Commission européenne.
Il faudra fournir des efforts pour valoriser tout le cycle de vie des emballages
On peut constater une réelle prise de conscience au niveau européen qui se concrétise dans le« Pacte vert pour l’Europe : En finir avec les déchets d’emballages, encourager la réutilisation et le recyclage » du 30 novembre 2022, qui fera passer les demandes d’efforts en matière de recyclage de déchets d’emballage du statut de directive européenne à celui d’un règlement européen, d’application directe pour tous les états membres. Les retours d’expérience de la mise œuvre du cadre législatif national ainsi que les échanges avec les secteurs concernés seront certainement utiles pour guider les discussions communautaires auxquelles nous serons bientôt confrontés. »
Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde
Photo principale : Infogreen.lu