Pourquoi le Luxembourg achète équitable ?
Quasiment la totalité des résidents luxembourgeois (96%) ont déjà entendu parler du commerce équitable, contre 89% il y a cinq ans. 7 répondants sur 10 affirment très bien savoir ce qu’est le commerce équitable.
Présentation des résultats du sondage Ilres
Près de 74% déclarent consommer ou acheter des produits avec le label Fairtrade. La majorité des résidents pense que tous les acteurs nationaux – l’État en tête – devraient utiliser des produits Fairtrade à titre de bon exemple. De plus, 8 résidents sur 10 jugent que les autorités publiques devraient encourager les artisans luxembourgeois à utiliser des matières premières Fairtrade. Si une de leurs marques préférées était impliquée dans un scandale de conditions de travail inhumaines, 56 % des répondants changeraient de marque. Ces informations ressortent d’une étude menée par l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg auprès de plus de 1 000 résidents luxembourgeois, en collaboration avec l’institut Ilres.
Une notoriété en hausse
Le chocolat au top de la notoriété, mais pas encore dans le top des achats
Le travail de sensibilisation continuel auprès du grand public et l’éducation à la citoyenneté auprès des générations futures menés par l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg, ainsi que le développement de l’offre de produits certifiés Fairtrade mené par les partenaires commerciaux, influencent positivement la notoriété du commerce équitable au Luxembourg. En effet, 96% des résidents de 16 ans et plus ont déjà entendu parler du commerce équitable, contre 89 % il y a cinq ans. 94 % des répondants confirment avoir déjà vu le label Fairtrade, principalement sur le chocolat (67%), sur le café (55%) ou les bananes (54%). Étonnamment, le chocolat arrive en tête du classement de la notoriété alors que celui-ci peine à trouver une place sur les étagères des points de vente et également dans le cœur des consommateurs luxembourgeois, avec une part de marché atteignant seulement 4,5 %. Le café, premier produit équitable introduit sur le marché luxembourgeois en 1992, se trouve en seconde position de la notoriété des répondants. Quant à la banane, malgré sa troisième place en termes de notoriété, elle reste le produit alimentaire Fairtrade le plus consommé. Nous voyons donc ici que le travail de sensibilisation porte ses fruits, mais que le chemin à parcourir afin que le consommateur devienne un consomm’acteur reste long. De plus, ceci appelle aussi les fabricants de chocolat d’ici et d’ailleurs en Europe, ainsi que les chaînes de distributions nationales, à offrir davantage de produits chocolatés certifiés et ainsi garantir une chaîne d’approvisionnement rémunératrice pour les petits producteurs de cacao et sans exploitation d’enfants.
Économique, social, écologique : les 3 piliers du commerce équitable
7 répondants sur 10 affirment très bien savoir ce qu’est le commerce équitable, notamment les plus jeunes (77% parmi les 16-24 ans) et aussi les plus âgés (76% parmi les 65 ans et plus). Parmi les critères auxquels répondent les produits issus du commerce équitable, les résidents choisissent à plus de 75 %, le critère du prix/salaire minimum garanti pour les producteurs et travailleurs. Ce pilier économique et fondamental du commerce équitable vise à permettre aux petits producteurs et productrices de couvrir leurs coûts de production et les besoins de leur famille. Il agit comme un filet de sécurité quand les cours chutent, ce qui leur confère stabilité et sécurité.
Les autres critères cités sont le respect des droits humains (73%), l’interdiction de l’exploitation des enfants (71%) et le respect des normes de travail de l’Organisation International du Travail (62%). Ici, nous constatons donc bien l’importance que les répondants donnent également au pilier social du commerce équitable.
Enfin, les critères écologiques sur lesquels reposent aussi les standards du commerce équitable, sont moins connus du grand public. Les répondants ont cité le respect des critères environnementaux (46%), l’interdiction d’une sélection de substances chimiques toxiques (31%) et l’interdiction d’utiliser des OGM (27%) comme critères auxquels les produits du commerce équitable doivent répondre. 1 résident sur 2 voit le commerce équitable comme outil pour lutter contre le changement climatique. Dans la nouvelle stratégie du mouvement Fairtrade (2021-2025), nous mettrons davantage l’accent sur le changement climatique. Fairtrade aidera les petits producteurs et les travailleurs à renforcer leur résilience face au changement climatique en tant que partie intégrante de l’offre du commerce équitable.
Confiance et qualité : toujours au RDV
La confiance envers les produits du commerce équitable et envers les critères requis reste stable, avec 73% des consommateurs de produits Fairtrade qui leurs accordent une grande confiance.
En ce qui concerne la qualité des produits du commerce équitable, elle est bonne, voire très bonne ou excellente, notamment pour les 3 produits qui ont la plus grande notoriété à savoir le chocolat, le café et la banane. La qualité de la banane est même jugée comme excellente ou très bonne par 74% des personnes interrogées.
En quête d’un système économique plus humain
Le juste prix aux producteurs est le combat fondamental du label Fairtrade depuis bientôt 30 ans, et c’est la première motivation des résidents luxembourgeois pour consommer équitable. Effectivement, les répondants se montrent soucieux du sort des producteurs du Sud puisque 57 % d’entre eux estiment que la raison principale d’acheter des produits avec le label Fairtrade est d’offrir un prix juste et des conditions équitables aux producteurs. Chez les plus de 55 ans, cette raison est encore plus forte avec 73% des résidents qui placent ce critère comme première raison d’achat.
La motivation de lutter concrètement lors de son acte d’achat contre les violations des droits humains dans les chaînes d’approvisionnement (47 %), la volonté de venir directement en aide aux petits producteurs (41 %) et l’envie de soutenir un modèle économique fondé sur des échanges équitables (32%) sont les autres raisons principales qui font consommer des produits avec le label Fairtrade. Les préoccupations économiques et sociales sont donc en tête des motivations des répondants. La pression montante de la part de la société civile en faveur d’une législation contraignante au Luxembourg et en Europe sur le devoir de vigilance des entreprises transnationales corroborent cette volonté des répondants d’avoir des chaînes d’approvisionnement équitables et socialement humaines.
Les raisons pour lesquelles les personnes interrogées ne choisissent pas des produits Fairtrade sont notamment l’habitude de consommer ses marques préférées (35%), en particulier pour la tranche d’âge 55 ans et plus (+45%). Les autres raisons indiquées sont des prix trop élevés (25%) et la méconnaissance des lieux où en acheter (19%), ce qui interpelle, car aujourd’hui, plus de 2 700 produits certifiés Fairtrade se trouvent dans plus de 300 points de vente au Luxembourg, de la petite épicerie locale au grand supermarché, en passant par les lieux de vente pionniers, à savoir les Boutiques du Monde. Il faut également noter que 21 % affirment ne pas savoir pourquoi ils n’achètent pas de produits Fairtrade. Associés à ceux qui ne connaissent pas les lieux de vente, ce sont près de 40% qui n’achètent actuellement pas « équitable », mais qui sont un potentiel important à gagner pour devenir des consomm’acteurs.
Consommateurs, commerces, acteurs de la grande distribution : vous avez un rôle à jouer !
La responsabilité de favoriser le développement du commerce équitable au Luxembourg semble devoir être un effort partagé, même si le consommateur particulier (62%), suivi des commerces – de la petite épicerie à la grande distribution – (61 %), et des consommateurs professionnels – entreprises qui achètent des produits en grande quantité – (54%) sont les 3 acteurs en tête de classement. Il est donc dans le propre intérêt des points de vente d’investir concrètement dans une stratégie durable et ainsi de proposer davantage de produits certifiés Fairtrade et d’éliminer progressivement des rayons les marques qui ne respectent pas les droits humains et environnementaux. Les répondants citent seulement à 46% la responsabilité des fabricants et des grandes marques, ce qui interpelle si l’on considère que ces deux acteurs ont un pouvoir d’action important pour donner du sens à leurs produits. Néanmoins si une de leurs marques préférées était impliquée dans un scandale de conditions de travail inhumaines, 56 % des répondants changeraient de marque et s’orienteraient vers des produits certifiés Fairtrade (+45%). D’autres (39%) rechercheront davantage d’informations à ce sujet et informeront leurs proches pour les sensibiliser (35%). Pour Geneviève Krol, directrice de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg « les fabricants et les grandes marques sont effectivement responsables de leurs produits et devraient garantir le respect des droits humains et environnementaux sur toute la chaine d’approvisionnement, tout comme la transparence et la qualité afin de ne pas laisser la possibilité aux consommateurs non avertis de consommer des produits dans lesquels se trouvent des ingrédients malsains comme l’exploitation des enfants et des femmes, des conditions de travail inhumaines, des salaires de misère ou encore l’utilisation massive de pesticides ».
L’État a aussi sa part de responsabilité
Néanmoins, même si cela reste un effort partagé, la majorité des résidents pense que tous les acteurs nationaux, l’État en tête (74%), devrait utiliser en règle générale des produits Fairtrade à titre de bon exemple. 71% sont d’avis que les cantines scolaires et les structures d’accueil pour enfants et jeunes sont également des lieux où la consommation de produits Fairtrade doit devenir la norme pour les produits disponibles en Fairtrade. La sensibilisation des générations futures est un pilier important pour la construction d’une économie de demain fondée sur la justice sociale et la justice environnementale. Les communes sont également citées par 70% comme acteur devant consommer en règle générale des produits Fairtrade. Ceci confirme que les 35 communes déjà certifiées Fairtrade Gemeng ont pris la bonne décision et peut-être que cela encouragera d’autres communes à s’engager sur le chemin de l’équitable.
Enfin, 8 résidents sur 10 jugent que les autorités publiques devraient encourager les artisans luxembourgeois, tels que torréfacteurs, chocolatiers, boulangers, pâtissiers et fabricants de produits laitiers à utiliser des matières premières Fairtrade. À noter, que sur les 2 700 produits Fairtrade disponibles sur le marché luxembourgeois, seulement 336, soit environ 12%, sont fabriqués par des partenaires luxembourgeois. Pour Jean-Louis Zeien, président de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg, « la réponse des résidents montre clairement que les citoyens revendiquent une concrétisation plus grande via une politique cohérente d’achats publics et une incitation des fabricants luxembourgeois à utiliser des matières premières équitables. Par conséquent, il ne faut pas se limiter au soutien de campagnes de sensibilisation grand public, mais s’impliquer davantage au niveau des acteurs économiques ». Le gouvernement dispose de leviers nécessaires pour stimuler davantage cette alimentation équitable « made in Luxembourg ». Par exemple, en choisissant des produits équitables dans leurs achats publics, en soutenant financièrement l’engagement solidaire des artisans luxembourgeois ou en proposant une réduction de la TVA sur les produits répondants à des critères éthiques.
Vers une relance post-COVID équitable
Le “monde d’après” Covid-19 ne sera pas tout à fait le même pour la consommation et cette crise doit être une occasion de se réinventer et de repenser certaines de nos habitudes. La crise a parfaitement illustré la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement et a stimulé une prise de conscience sur l’origine des produits et sur le rôle prépondérant des producteurs et travailleurs d’ici et d’ailleurs pour notre système alimentaire. Espérons que cette prise de conscience et ces bonnes intentions continuent après la crise et que les consommateurs privilégieront davantage une consommation responsable tous les jours et continueront leur quête d’un système économique plus humain. Cet effort est maintenant plus que jamais, déterminant pour des millions de producteurs et travailleurs dans les pays du Sud qui ont directement souffert des conséquences pandémie Covid-19. Ils mettent aujourd’hui tout en œuvre pour pouvoir continuer à travailler et à assurer l’approvisionnement de certains de nos produits favoris – comme notre petit café du matin, notre banane du goûter ou notre pause chocolat. Au niveau de la responsabilité de l’État, l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg appelle également les décideurs politiques d’envisager lors de l’établissement des plans de relance à assurer que l’économie se « reconstruise » de manière durable et équitable. Il sera primordial de remettre l’humain au centre de nos relations commerciales et par extension, de l’économie tout entière.
Plus d’information : https://www.fairtrade.lu/bienvenue.html