Quand l'architecture contribue à la biodiversité

Quand l’architecture contribue à la biodiversité

Ces dernières années, les critères environnementaux sont devenus prépondérants dans le travail du bureau d’architecture Coeba, qui s’est attelé à la recherche de matériaux durables et locaux.

À l’origine de cette démarche, quelques chiffres alarmants : le Luxembourg consomme 7 fois plus de ressources qu’il en a à sa disposition, 84,5 % des déchets qu’il produit sont issus des bâtiments et, au niveau mondial, 40 % de l’énergie et 50 % des matières premières consommées le sont par le secteur de la construction. « Nous avons un levier énorme pour faire avancer les choses dans le bon sens », en déduit Dave Lefèvre, co-dirigeant de Coeba. https://www.infogreen.lu/le-potenti...

« D’où cette approche qui consiste non pas à essayer de réduire l’empreinte écologique négative des bâtiments que nous concevons, mais à maximiser leur empreinte positive. Nous promouvons toutes les pistes qui s’inscrivent dans la philosophie Cradle to Cradle ». Différents facteurs de durabilité accompagnent les architectes dans le choix des matériaux. Ils prennent en considération l’ensemble de leur cycle de vie, de la production à la décharge.

La paille bio

La paille a retenu leur attention parce qu’elle est une ressource renouvable chaque année, un résidu agricole qui ne doit pas être spécifiquement produit ou transformé, disponible dans la Grande -et très Grande- Région, récupérable lors de la déconstruction d’un bâtiment et réutilisable, soit dans un nouvel immeuble, soit, comme le veut sa fonction première, dans les étables. « La paille représente un potentiel très important, qui n’est pas du tout exploité au Luxembourg à ce jour », souligne Dave Lefèvre. « En tant que matériau naturel, elle peut jouer un rôle dans la préservation de la biodiversité. Mais, étant souvent un produit de monoculture, il faut quand même garder un regard critique sur le sujet. Oui, la paille peut contribuer à la biodiversité, à condition qu’elle provienne d’une agriculture biologique ».

Elle peut avoir une fonction statique. Elle est alors utilisée en ballots, mais les épaisseurs nécessaires (jusqu’à 1 m) induisent des pertes d’un espace qui est de plus en plus précieux. Elle peut également servir d’isolant, comme c’est le cas dans la maison relais pilote de Fischbach, livrée en 2017.

Vidéo https://vimeo.com/389723962

Il s’agit alors d’éléments en bois remplis de paille compressée à une densité de 120 kg/m3, préfabriqués en usine. Le grand avantage du système, outre la vitesse de construction qui se trouve largement augmentée, est son excellente inertie thermique. La paille stocke naturellement la chaleur ou la fraîcheur pour la restituer progressivement vers l’habitat, ce qui permet aux usagers de réaliser de substantielles économies d’énergie. Seul bémol, elle peut être disponible ou non selon les années en fonction des conditions météorologiques.

Le hêtre régional

Une autre option explorée par Coeba est le bois de hêtre régional qui, lui, n’est pas tributaire du climat : « Le hêtre est un arbre propre au Luxembourg, contrairement aux différentes variétés de pins qui ne le sont pas, ou en tous cas pas dans les quantités nécessaires. Nous avons à notre disposition une masse de beaux arbres qui ne sont pas du tout exploités en tant que matériau de construction. Et le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable va dans une direction de plus en plus positive en termes de gestion des forêts locales ». Forêts qui offrent le gîte et le couvert à de nombreux mammifères et insectes, et sont le poumon de notre planète.

Le miscanthus : avenir circulaire

Enfin, Coeba s’intéresse de près au miscanthus qui va plus loin que la paille en termes de biodiversité. « Nous sommes en train de développer un système constructif basé sur ce matériau qui est malaxé et mélangé avec de la chaux pour la stabilité, puis inséré dans une ossature bois », précise Dave Lefèvre. Cette graminée présente de nombreux atouts sur le plan écologique. En tant que plante vivace, il ne doit être entretenu que pendant les 3 années qui suivent sa plantation, puis il repousse automatiquement pendant 25 ans. Lorsque le bâtiment arrive en fin de vie, il peut être réintégré dans le domaine de la construction ou réparti sur des champs pour créer de l’engrais. Il filtre les eaux pluviales, attire les insectes et, la plupart du temps implanté en bordure de forêt, il permet, de par sa hauteur, de créer une zone tampon qui protège les animaux lorsqu’ils sortent du bois pour entrer dans les champs.

« Si nous voulons soutenir la biodiversité au Luxembourg, nous devons promouvoir ces trois matériaux : le miscanthus, le hêtre et la paille, sous réserve. Utiliser la terre crue, plutôt que la mettre en décharge, peut également avoir des répercussions positives, indirectement. Car il faut avoir une réflexion sur toutes les étapes, notamment sur la nocivité du matériau en fin de vie, sur la pollution des eaux potables et des sols qu’il peut engendrer, sur le traitement des déchets spécifiques. L’architecture elle-même peut aussi contribuer à la biodiversité. Nous disposons de nombreuses surfaces en toiture à couvrir de plantations indigènes. On peut même y poser des ruches ! »

Coeba partenaire Infogreeen
Mélanie Trélat

Photos légendes : Dave Lefèvre (Coeba) : « Maximiser l’empreinte positive de nos bâtiments ». (photo Fanny Krackenberger) / Un système constructif basé sur le matériau miscanthus (photo nawaro.ch)
Article tiré du dossier du mois « Nature Humaine »

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Publié le vendredi 21 août 2020
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