Quel impact du Luxembourg dans la COP26 ?
Avec un peu de recul, le gouvernement luxembourgeois estime avoir eu un « rôle fédérateur » et juge « mémorable » le bilan des négociations mondiales pour arriver au protocole de Glasgow. Observation des tendances.
Pour Carole Dieschbourg, la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, concernée au premier chef, la 26e Conférence mondiale sur le climat s’est clôturée par un « accord international mémorable ». Dans un communiqué-bilan, le ministère évoque un protocole « marquant plus d’ambition dans le combat de limiter le réchauffement global, plus de vitesse dans la transition énergétique et plus de solidarité avec les pays les plus touchés par le changement climatique ». Et de noter que le paquet de décisions a été voté malgré les freins tirés, et notamment les demandes apportées dans la dernière ligne droite avant l’accord (qui est tombé avec 24 heures de retard) par l’Inde et de la Chine, essentiellement par rapport aux énergies fossiles.
Source de soulagement, le monde continue à viser l’augmentation maximale de 1,5°C de la température globale. Ce sont en tout cas les engagements actés, sur base des preuves scientifiques de la communauté internationale. « La décision finale stipule que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 45% au cours de la décennie », souligne la ministre.
On retrouve la ligne de l’Accord de Paris, finalisé 6 ans après, un accord ayant enfin été dégagé sur ses règles d’application (fonctionnement des marchés de carbone, mise à jour tous les 5 ans des « contributions déterminées au niveau national » de toutes les parties, règles de transparence...).
Le Luxembourg au charbon, la finance en action
Carole Dieschbourg, au nom du gouvernement, se félicite que « pour la première fois dans l’histoire des conférences des parties sous la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la décision finale contient un accord accepté par tous les États sur l’accélération de la transition énergétique mondiale par le biais de l’abandon du charbon et de la réduction des subventions aux énergies fossiles. »
« Le Luxembourg a eu un rôle fédérateur , souligne le gouvernement. Ainsi, en cours de négociation, la présidence britannique at demandé l’appui du Luxembourg en tant que « facilitateur diplomatique ». Le Grand-Duché a semble-t-il une bonne réputation, de pays donateur, engagé et s’appuyant sur une délégation de négociateurs expérimentés en matière de politique climatique et environnementale. « Dans l’accord final, le domaine des pertes et dommages a connu d’importants avancements, notamment en ce qui concerne le financement de l’assistance technique aux états insulaires et autres pays vulnérables, afin de se protéger contre les immenses dégâts qu’ils risquent de subir, et subissent déjà, à cause du réchauffement climatique », révèle carole Dieschbourg.
Précisément, un élément central du protocole de Glasgow est la solidarité avec les états vulnérables, les plus exposés aux impacts du changement climatique. « L’aide à l’adaptation aux conséquences inévitables du changement climatique doit être doublée d’ici 2025 », essentiellement parce que les grands donateurs n’ont pas tenu le cap des 100 milliards de dollars à engager dans le combat, qui est aussi question de financement stratégique.
« Le Luxembourg apportera 220 millions d’euros au financement climatique international »
Plus de 100 millions d’euros devraient aller au volet « adaptation au changement climatique dans les pays les plus vulnérables », ce qui, selon le communiqué officiel, représente « le montant le plus élevé par habitant de tous les pays » signataires.
Le méthane, le nucléaire et la déforestation
En marge de l’accord principal, le Luxembourg a d’autres déclarations et initiatives, comme la déclaration sur l’accélération de la transition vers 100% de voitures et de camions à zéro émissions. Avec une centaine de pays, le Grand-Duché a rejoint le « Global Methane Pledge », l’initiative visant à réduire les émissions de méthane, un gaz à effet de serre un peu oublié derrière les rideaux de CO2, d’au moins 30% d’ici 2030.
Riverain préoccupé de longue date par Cattenom bien que toujours très dépendant de ses voisins (surtout allemand) pour son approvisionnement, le Luxembourg a également publié une déclaration, avec l’Allemagne, le Danemark, le Portugal et l’Autriche, s’inscrivant contre le « faux étiquetage » du nucléaire.
« L’énergie nucléaire n’est pas une solution dans la lutte contre la crise climatique et ne doit pas être incluse dans la taxonomie de l’Union européenne comme étant durable »
Autre avancée de la COP26, la déclaration de lutte contre la déforestation. Avec 141 pays, le Luxembourg s’est engagé à arrêter la déforestation mondiale d’ici 2025 et à inverser la tendance, pour favoriser « des mesures d’adaptation et des objectifs de séquestration de CO2 par les forêts de la planète ».
Action citoyenne locale
Enfin, on peut ajouter, sans recherche d’exhaustivité sur le rôle du Luxembourg à la COP26 (le ministre des Finances Pierre Gramegna a notamment servi la cause de la finance verte, et François Bausch a été invité à présenter l’exemple du transport gratuit Made in Luxembourg), que le Premier ministre Xavier Bettel a aussi poussé le curseur de l’engagement.
Il a notamment pris la parole à Glasgow, pour les séances inaugurales au World’s Leader Summit. « Mon pays, le Luxembourg, continuera à relever le défi avec détermination. Nous avons rehaussé de 55% notre objectif de réduction de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 ans pour atteindre la neutralité climatique au plus tard en 2050. Ces objectifs sont désormais ancrés dans la loi climat, des objectifs sectoriels, annuels, également contraignants, viendront compléter ce dispositif », a-t-il rappelé.
Il a aussi activé le levier citoyen. « On observe partout dans le monde une sensibilisation croissante au défi du changement climatique, une mobilisation citoyenne et énormément de jeunes qui s’intéressent aussi à ce que va être leur monde demain. Et ils veulent faire partie de cette dynamique et aussi de cette transformation ».
« À nous, décideurs politiques, de ne pas être plus frileux que nos populations, prêtes souvent à aller plus loin que nous »
Comme un écho à quelques phrases de son discours sur l’état de la Nation... Il y évoquait entre autres la mise en place d’un « bureau citoyen », constitué d’une centaine de personnes appelées à s’exprimer sur les priorités de la politique climatique luxembourgeoise, avec l’appui d’experts. Selon les dernières déclarations du Premier ministre, ce « bureau citoyen » verra le jour au plus tard début 2022 et ses conclusions et recommandations, un peu à l’image du système des pétitions citoyennes, devront être débattues à la Chambre.
Les engagements sont là, ils sont exprimés. Comme ceux des « grands du monde » signés à Glasgow, et au cours des 25 années précédentes, ils demandent à être suivis d’effet et des faits.
Alain Ducat
Photos : MECDD / SIP / COP26