Un bilan alarmant, des écosystèmes à préserver !
Selon le rapport de l’Observatoire de l’environnement naturel, les voyants sont plus rouges que verts pour les habitats et les espèces du pays…
La biodiversité est en danger au Luxembourg
C’est l’Observatoire de l’environnement naturel qui le rappelle et tire le signal d’alarme. La présentation du rapport 2017-2021 de cet observatoire pluraliste a été faite au Musée national d’histoire naturelle Luxembourg, qui en est un des partenaires et membres actifs, en ce compris pour l’action de préservation des habitats et des espèces.
« Plus que jamais les défis concernant la préservation et la restauration de nos écosystèmes et ressources naturelles sont importants », souligne, en préface du rapport, la ministre en charge de l’Environnement, Carole Dieschbourg. « En effet, l’état de conservation de la majorité des habitats et espèces des zones humides et du paysage des milieux ouverts reste préoccupant et les tendances observées ne peuvent être renversées qu’avec la coopération étroite de tous les secteurs. Forte du constat que les dernières années ont été marquées par une mise en œuvre accrue de mesures de restauration sur le terrain, je suis confiante que le Luxembourg fera une contribution significative à la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes, de 2021 à 2030 », poursuit-elle.
Espèces menacées, habitats en péril
Il y a cependant du chemin à remonter, malgré les ambitions élevées du gouvernement et les efforts déployés par un grand nombre d’acteurs, administrations, ONG ou associations.
Conformément à ses missions officielles, l’Observatoire de l’environnement naturel (on y retrouve statutairement des représentants du ministère, de l’Administration de la nature et des forêts, de l’Administration de la gestion de l’eau, du Musée national d’histoire naturelle, de l’Université du Luxembourg, d’ONG pour la protection de la nature, des syndicats régionaux de conservation de la nature et d’experts scientifiques) tente de faire une évaluation de l’état actuel de conservation de la nature et de dresser le bilan de la mise en œuvre du 2e plan national concernant la nature (2017-2021), mais aussi de formuler des recommandations pour la révision de ce plan et de proposer des pistes concrètes permettant de « mieux intégrer l’esprit et les principes de la conservation de la nature au niveau de la transposition nationale de la politique agricole commune, notamment à travers le plan stratégique national ».
Et le bilan est sans appel. Il est « alarmant » selon le rapport.
La situation des habitats et des espèces animales et végétales n’a cessé de se détériorer depuis 2013. 80% des espèces ont atteint un niveau de conservation précaire.
Des espèces s’éteignent, certaines ont disparu, d’autres sont en péril. Comme la perdrix grise, dont on recensait 10 000 couples auparavant sur le territoire, et dont il resterait 6 exemplaires…
Sur les 56 espèces animales visées par la directive Habitats régulièrement présentes au Luxembourg, 82% se trouvent dans un état de conservation non favorable.
Et la grande majorité des habitats naturels luxembourgeois sont aujourd’hui jugés en mauvais état ou dans un état « défavorable ».
D’autres pratiques
Au fil des 228 pages du rapport fouillé, les exemples pullulent. Et les responsables de l’Observatoire pointent incohérences et responsabilités. Notamment l’agriculture intensive qui s’est accrue ces dernières décennies, et qui selon l’analyse, « est plus cause du déclin de la biodiversité que l’urbanisation ».
Pour Jacques Pir, biologiste représentant le Mouvement écologique et membre du comité d’experts de l’observatoire, « l’activité agricole est le seul secteur à avoir augmenté ses émissions de CO2 de 10% depuis 2008, à surfaces égales ». Sont notamment mis en cause les engrais, l’apport en azote important lié à l’imposant cheptel du pays, la mécanisation toujours plus imposante…
L’enchaînement des fauchages n’est pas neutre… 5 à 6 par an, pour faire de l’ensilage et nourrir les bêtes, hors pâturages. Les coupes sont drastiques : sans floraison, plus d’insectes, envol des oiseaux des champs, perturbations pour les espèces en sous-sol…
Secrétaire de l’Observatoire, scientifique spécialiste de la biodiversité attachée au ministère de l’Environnement, Nora Elvinger voit clairement la production intensive menacer l’équilibre : « Le bas de la pyramide de la chaîne alimentaire est en train de s’écrouler ».
Les recommandations réclament des mesures de protection et de conservation, de toute urgence. Il faudrait effectivement atteindre 30% de prairies et 3% de terres arables gérées de manière extensive, pour permettre à la flore de se développer et aux oiseaux de nidifier.
Les experts soulignent que ces objectifs pourraient entrer dans le budget de la PAC – 570 millions d’euros sur la dernière période avec le cofinancement national, portés à 588 millions pour la prochaine, qui entrera en vigueur en 2023. « Les mesures mises en œuvre n’étaient pas ciblées jusqu’ici, ou peu efficaces, car appliquées à des surfaces réduites. Les budgets disponibles devraient être alloués à des initiatives qui ont fait leurs preuves en matière de biodiversité et non répartis selon le principe de l’arrosoir comme c’est le cas actuellement », relève l’observatoire.
Le rapport complet est disponible en ligne sur environnement.public.lu ou ici (PDF)
Alain Ducat
Photos : MNHN, ME, SIP
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