Une gestion en mouvement pour l’eau au Grand-Duché
Au Luxembourg, la gestion de l’eau est un défi crucial. Entre vulnérabilité des ressources, changements climatiques et pollutions émergentes, le pays mise sur une approche proactive et collaborative. Marc Hans et Tom Schaul, experts en la matière, expliquent comment préserver cette ressource vitale pour aujourd’hui et demain.
Pourquoi la gestion de l’eau est-elle particulièrement complexe au Luxembourg ?
Marc Hans (directeur de l’Administration de la Gestion de l’Eau) : « La situation du Luxembourg est particulière. Nous sommes à la croisée des bassins du Rhin et de la Meuse, avec des cours d’eau de faible volume et des nappes phréatiques inégalement réparties. Nos ressources en eau sont donc vulnérables, ce qui exige une gestion rigoureuse et des efforts constants pour leur préservation. »
Quels sont les axes prioritaires de cette gestion ?
Tom Schaul (responsable du groupe « Eau » au ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité) : « La gestion durable repose sur trois piliers : sécuriser l’approvisionnement en eau potable, protéger les citoyens contre les effets du changement climatique – comme les inondations ou les sécheresses – et préserver la biodiversité dans et autour des cours d’eau. Une bonne qualité de vie pour l’homme passe aussi par une nature en équilibre, avec des cours d’eau sains et riches en vie. »
Le Luxembourg est-il confronté à la problématique des PFAS, comme en Belgique ?
TS : « Nous mesurons des traces de PFAS dans nos eaux, et notamment du TFA. La problématique est différente par rapport à la Belgique, où la proximité de sites industriels joue un rôle clé en ce qui concerne le type et l’envergure des PFAS présents dans les eaux potables. Nous avons une approche proactive, avec des campagnes d’analyses systématiques et une transparence totale sur les résultats. Dès qu’un risque est identifié, des mesures sont prises pour informer et protéger la population. »
Comment abordez-vous la lutte contre ces polluants ?
MH : « Un groupe interministériel a été mis en place pour développer une stratégie nationale. Cela inclut la recherche des sources, l’identification des zones touchées et la mise en œuvre de mesures préventives. Mais nous savons que les PFAS sont présents partout : ils voyagent par l’eau, l’air et même les vêtements. Cela rend la coopération internationale indispensable pour une gestion efficace. »
Quels sont les défis techniques associés à leur analyse ?
MH : « Identifier et mesurer les PFAS nécessite des méthodes d’analyse complexes et coûteuses. Nous investissons dans des équipements modernes pour garantir des résultats fiables, ce qui est indispensable pour répondre aux normes internationales et anticiper de futures réglementations. »
Lutte contre les inondations et renaturation des cours d’eau
Les inondations de 2021 ont marqué les esprits. Que fait-on pour prévenir de tels événements ?
TS : « Depuis 2007, une directive européenne encadre la gestion des risques d’inondation. Nous cartographions les zones inondables et travaillons avec les communes pour identifier les points critiques et proposer des solutions. Cela inclut des études spécifiques et des aides financières pour les habitants, comme l’installation de barrières anti crues. »
La renaturation est souvent citée comme une solution. Pouvez-vous nous en dire plus ?
TS : « Prenez la vallée de la Pétrusse : autrefois canalisée pour évacuer rapidement les eaux usées, elle est aujourd’hui un espace naturel. Cette renaturation a permis de réduire les risques d’inondation tout en recréant un habitat pour la faune et la flore. Les citoyens peuvent observer des poissons et profiter d’un environnement agréable. »
MH : « Ces projets sont essentiels, mais complexes. La pénurie de terrains au Luxembourg limite leur réalisation, d’où l’importance d’une sensibilisation constante auprès des communes et des citoyens. »
Quels autres bénéfices apporte la renaturation ?
TS : « Elle améliore aussi la qualité de l’eau. Par exemple, en réintroduisant des plantes le long des rives, on réduit la température des cours d’eau, ce qui favorise l’oxygénation. Cela crée un environnement propice à la biodiversité aquatique et contribue à la régulation naturelle des écosystèmes. »
Comment travaillez-vous avec les pays voisins sur les questions liées à l’eau ?
MH : « L’eau ne connaît pas de frontières. Nous collaborons avec des organismes internationaux notamment pour la mise en œuvre de la directive européenne cadre relative à l’eau. Ceci au niveau de l’Union Européenne et au niveau régional avec des partenaires dans les bassins du Rhin et de la Meuse. Ces échanges nous permettent de standardiser nos méthodes, de partager des données et de répondre collectivement aux défis, comme la pollution ou les crues. »
Quels outils utilisez-vous pour prévoir les crues ?
TS : « Nous utilisons le modèle informatique LARSIM, en collaboration avec la Rhénanie-Palatinat. Il nous aide à simuler les niveaux d’eau et à anticiper les inondations. Cela nous permet de mieux nous préparer et de minimiser les impacts sur les populations. Entre gestion proactive, innovations technologiques et sensibilisation, le Luxembourg fait face aux défis liés à la gestion de l’eau avec détermination. En s’appuyant sur la transparence, la coopération internationale et des projets locaux inspirants, le pays trace la voie d’une gestion durable, à la fois pour ses citoyens et son environnement. »
Propos recueillis par Sébastien Yernaux
Portraits : Fanny Krackenberger
Photos : LCC
Article tiré du dossier thématique « Eau-delà »