2030.lu planche sur la société du futur
Près de 100 personnes ont assisté au premier atelier thématique de l’initiative « 2030.lu –Ambition pour le futur » consacré aux enjeux et aux défis à résoudre dans les domaines de l’éducation, l’innovation, l’entrepreneuriat, la solidarité et le vivre ensemble.
L’atelier thématique a été ouvert par Marc Wagener, coordinateur général de l’initiative « 2030.lu-Ambition pour le futur », qui, dans son mot d’introduction, a brièvement exposé les enjeux des thèmes abordés et a rappelé que l’objectif du débat thématique était de trouver des pistes de solutions. Il a encouragé le public à partager « à chaud » leurs réflexions et idées portant sur l’avenir du Luxembourg et a ensuite passé la parole aux cinq orateurs de la matinée.
Flexibiliser l’enseignement des langues pour combattre les échecs scolaires
Le premier orateur, le professeur Claude P. Muller du CRP Santé, a profité de son intervention pour relever les inconvenances linguistiques dans le système éducatif national. Le Luxembourg ayant implémenté pas mal de réformes, on constate une diminution du pourcentage d’échec au cours des dernières années. En dépit de cette évolution positive, M. Muller a souligné que 60% des notes insuffisantes provenaient d’une mauvaise maîtrise de la langue française. Selon lui, l’origine du problème était à chercher dans le fait que le français, qui est actuellement la langue véhiculaire la plus importante dans le régime secondaire luxembourgeois, était enseigné comme une langue maternelle. De l’avis du professeur il faudrait opter pour une approche plus pragmatique afin de diminuer les échecs inutiles. Il a également relevé que le faible niveau d’expression et de compréhension de la langue française constituait un sérieux handicap pour les enseignants des branches secondaires (chimie, physique, biologie…) à enseigner leurs matières respectives. Aussi, M. Muller a estimé qu’il fallait établir le programme de français en étroite concertation avec les professeurs des matières secondaires, ceci afin de gagner en efficience. Un sondage réalisé par l’Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés (ASTI ) a, en effet, révélé que la majorité des élèves ne se sentent pas à l’aise lorsqu’ils doivent exprimer leurs idées en français.
Pour toutes ces raisons, M. Muller a préconisé les solutions suivantes : approfondir l’intégration dans l’école fondamentale par la mise en place d’un laboratoire linguistique en français pour les élèves germanophones (et vice-versa pour les élèves francophones) ; introduire les cours d’anglais dès la classe de 7e, vu que l’anglais est la première langue utilisée dans les secteurs des technologies de l’information, des affaires et des sciences ; séparer clairement les cours de langues et les cours de littérature en classes secondaires, et enfin offrir des modules linguistiques adaptés aux niveaux des élèves. S’exprimant en sa qualité de scientifique, le professeur Muller a également tenu à souligner son inquiétude par rapport à « l’analphabétisme » régnant dans le domaine des sciences, et a plaidé pour une sensibilisation précoce aux sciences naturelles, par exemple par le biais de cours d’introduction dans les sciences dès les classes de 7e. D’autant que l’augmentation des heures de cours de sciences ne se passerait pas nécessairement au détriment des langues. Comme l’exemple de la Flandre le démontrait, il serait tout à fait possible de combiner multilinguisme et un niveau poussé dans les sciences.
Promouvoir davantage encore l’entrepreneuriat dans les écoles
Thibaut Britz, jeune entrepreneur, a partagé son expérience en tant que jeune chef d’entreprise et a estimé que le système éducatif luxembourgeois l’avait bien préparé aux études supérieures, en lui permettant notamment d’acquérir de très bonnes bases, aussi bien dans les sciences que dans les langues enseignées. Il a, par contre, regretté qu’il n’était pas suffisamment informé des possibilités et des débouchées offerts par ses études. Après ses premières expériences en tant que salarié, il a vite réalisé qu’il voulait se lancer comme entrepreneur pour pouvoir réaliser ses propres idées et visions.
Répondant à l’interrogation pourquoi pas plus de jeunes choisissaient la voie de l’indépendance, M. Britz a désigné la peur du changement et le récent environnement économique difficile, qui s’est notamment manifesté par le déclin de l’industrie, comme principaux responsables de ce désistement de jeunes pour la voie de l’entrepreneuriat. Il a plaidé pour que le changement soit davantage perçu comme une opportunité, plutôt qu’un risque. Un autre obstacle à la création d’entreprise était certainement la peur d’une stigmatisation en cas d’échec. Or, l’échec constitue une étape tout à fait normale dans la création d’entreprises et permet aux porteurs de projet de gagner en expérience. M. Britz a par ailleurs estimé que la fonction publique avec ses salaires élevés exerçait un très grand attrait auprès des jeunes qui sont amenés à faire un choix professionnel.
Comme pistes de solutions, M. Britz a cité l’amélioration du cadre juridique entourant la création d’entreprise au Luxembourg, la suppression de barrières administratives, la mise à disposition de bourses et de soutiens financiers aux jeunes entrepreneurs - à l’image des bourses proposées par le CEDIES – ou encore un accompagnement et conseil plus soutenus dans les démarches administratives. Tout ceci pour permettre aux entrepreneurs de se concentrer sur l’essentiel, à savoir le développement de leurs activités. Dans un dernier point, M. Britz a souligné l’importance de promouvoir davantage l’entrepreneuriat dans les écoles. Le but n’étant pas d’enseigner aux élèves comment créer une entreprise, mais plutôt de leur faire comprendre qu’il existe une alternative à l’emploi salarié dans le secteur privé ou dans la fonction publique.
Créer un cluster pour les acteurs de l’intégration
Marc Muller, président de « 4motion », a consacré son discours à l’inclusion et à l’égalité des chances. Le consultant et théologien de formation s’est penché sur les questions liées aux relations interculturelles, et à l’inclusion des jeunes dans la société. Il a constaté que malgré les efforts récents les inégalités semblaient persister, aussi bien au niveau de l’égalité entre femmes et hommes qu’au niveau de l’intégration des étrangers, où la discrimination continuait à persister. Il a cité l’exemple de la ville de Toronto, qui faisait d’énormes efforts pour donner aux étrangers le sentiment d’être la bienvenue. Selon le théologien, le Luxembourg ferait bien de s’inspirer de cet exemple et de se doter d’une politique d’inclusion plutôt que d’instruments d’exclusion. Il a proposé la création d’un cluster pour regrouper tous les acteurs et initiatives oeuvrant en faveur de la promotion de l’intégration et de la diversité au sein de la société luxembourgeoise. Le Grand-Duché ne pouvait de toute façon pas faire fi des réalités démographiques et avait, au contraire, tout intérêt à saisir les opportunités s’offrant à lui grâce à la diversité de sa population.
Une année sabbatique pour les enseignants
Robert Urbé, président de Caritas Luxembourg, a lancé son discours avec humour en citant un extrait du récent discours sur l’état de la nation du Premier Ministre pour illustrer la complexité et les spécificités du modèle luxembourgeois. M. Urbé a plaidé pour une école ouverte qui ne soit pas, comme c’était encore trop le cas, un vase clos. Il a regretté que les élèves ne voyaient et n’entraient en contact qu’avec des fonctionnaires publics et a, par conséquent, plaidé pour une intégration plus poussée de stages dans le parcours scolaire afin d’offrir aux élèves des opportunités de se frotter au monde économique réel. Dans le même esprit, M. Urbé a proposé d’accorder aux enseignants tous les dix ans une année sabbatique qu’ils pourraient passer à l’étranger pour se ressourcer et stimuler leur créativité. Un tel programme d’échanges et de diversification des parcours des étudiants et des enseignants ne coûterait pas forcément plus cher que les récentes réformes menées dans le système d’éducation nationale, où l’on a constaté une véritable explosion des coûts sans amélioration notable des résultats. M. Urbé a aussi défendu l’avis selon lequel les jeunes devraient se focaliser davantage sur l’apprentissage d’une langue pour parler celle-ci correctement, plutôt que d’acquérir des compétences insuffisantes en plusieurs langues. En matière de logement, M. Urbé a plaidé pour une politique de développement des logements sociaux et d’encouragement ds allocations de loyer. Sur un tout autre registre, Robert Urbé a finalement proposé la fiscalisation de la sécurité sociale, à l’image du modèle adopté par les pays scandinaves.
Supprimer les déficits démocratiques
Dernière oratrice à prendre la parole, Mme Rachel Gaessler, fondatrice du programme « Business Mentoring » et frontalière d’origine française, a partagé ses points de vue sur le sujet de l’intégration et de l’éducation au Luxembourg. Elle a commencé son discours en rappelant qu’au Luxembourg seulement un habitant sur deux, un salarié sur trois et un créateur d’entreprise sur quatre était encore de nationalité luxembourgeoise. Dans l’éducation, plus que 40% des élèves suivant le programme national sont non-luxembourgeois, et en première année de l’enseignement primaire, à peu près 60% des élèves parlent une autre langue maternelle que le luxembourgeois. Mme Gaessler a souligné que dans les entreprises installées au Luxembourg, la première langue parlée était le français, suivie de près par l’anglais, puis l’allemand et en dernière place le luxembourgeois. Ces chiffres illustreraient bien le défi auquel le Luxembourg est confronté en termes d’intégration et de cohésion sociale. Et bien que les résidents étrangers joueraient à tous les niveaux un rôle primordial, ils ne seraient par suffisamment représentés au niveau politique.
Au vu de la réalité sociodémographique du Grand-Duché, Mme Rachel Gaessler a proposé les pistes de réflexions suivantes : faire de la langue luxembourgeoise un pont et non un obstacle dans l’intégration des étrangers, assouplir l’accès à la nationalité luxembourgeoise, intéresser les étrangers à la vie politiques et leur donner la possibilité d’y participer en leur facilitant l’accès au droit de vote. Elle a en outre souhaité que le gouvernement consulte davantage les frontaliers sur des thèmes qui les concernent directement (p.ex transport publics). Une telle démarche consultative permettrait en effet d’éviter un décalage entre les mesures prises au niveau national et les réalités économique et démographique du Luxembourg. Un rôle primordial en matière d’intégration revenait également à l’éducation qui constituait un facteur d’intégration éminemment important. En s’assurant de donner les mêmes chances à tous les élèves, le Luxembourg cimenterait la cohésion sociale. Or, cette ambition ne serait réalisable qu’en privilégiant un assouplissement du système éducatif pour permettre aux élèves de choisir leur filière linguistique.
Après les interventions des orateurs, deux vidéos best practice ont été projetées. La première a porté sur la réforme du système éducatif d’Ontario au Canada qui s’est soldée par une amélioration spectaculaire des résultats et performances des étudiants. La deuxième vidéo s’est intéressée à la question de l’origine des bonnes idées et aux moyens de promouvoir la créativité et l’innovation. Dans la deuxième partie de la matinée, le public a été invité à partager pendant plus d’une heure ses idées et pistes de réflexions sur les différents sujets abordés. Il a finalement appartenu à Charles Margue, directeur TNS Ilres, et Yannick Oswald de tirer un premier bilan de la matinée animée par Gabriel Boisanté. Les très nombreuses interventions du public et idées exprimées souvent avec beaucoup d’engagement et de verve ont été enregistrées et seront publiées, tout comme les exposés des orateurs, dans les prochains jours sur le portail 2030.lu.
Communiqué par 2030.lu