Carton rouge pour le Fonds de pension luxembourgeois
Votum Klima demande l’arrêt immédiat des investissements dans le charbon et le nucléaire
À l’occasion de l’ouverture de la COP22 à Marrakech, la plateforme Votum Klima exige l’arrêt des investissements du Fonds de pension luxembourgeois (Fonds de Compensation - FDC) dans les énergies fossiles et nucléaire.
Déjà en février 2015, à l’occasion du Global Divestment Day, Votum Klima avait attiré l’attention sur le fait que le fonds de pension luxembourgeois investissait des sommes importantes dans les énergies fossiles et le nucléaire. Ceci alors que les investissements notamment dans le charbon sont en contradiction flagrante avec les engagements du Luxembourg dans le cadre de l’accord de Paris, et que les investissements dans le nucléaire sont en contradiction avec la politique nationale dirigée justement contre cette forme d’énergie.
Pour Votum Klima, il est évident que le Fonds de pension luxembourgeois a besoin de règles claires et strictes : tout investissement se doit d’être crédible politiquement, juridiquement et moralement ! Le gouvernement, notamment le ministre de la Sécurité sociale Romain Schneider, est dans l’obligation d’assurer la mise en œuvre de ces règles !
Si l’accord de Paris conclu il y a moins d’un an est encore à prendre au sérieux, il implique en fait l’arrêt à court terme des énergies fossiles, charbon en tête. Et pourtant, les responsables politiques et ceux du Fonds de pension – dans le conseil d’administration duquel siègent non seulement des représentants du gouvernement mais également ceux des organisations patronales et syndicales – n’ont entrepris à ce jour aucune démarche afin d’arrêter les investissements nocifs pour le climat. Ceci malgré un accord général à ce sujet au sein de la commission compétente de la Chambre des Députés. Une analyse indépendante de l’exposition du Fonds de pension par rapport au carbone ? Une discussion sur les structures de gouvernance et une politique d’investissements durables ? Rien à signaler, passez votre chemin !
Pour l‘analyse des investissements dans le secteur du charbon, plusieurs critères ont été appliqués (1). Le rapport, établi par l’organisation urgewald pour Votum Klima (2), conclut qu’en 2015, le Fonds de pension détenait des actions et obligations de 103 entreprises fortement impliquées dans le secteur charbon avec une valeur totale de 159 millions d’euros. Ceci équivaut à 1,11 % du portefeuille intégral du Fonds de pension en 2015.
« Le Luxembourg a ratifié l’accord de Paris le 11 octobre 2016. Si notre pays veut rester crédible, il faut qu’il suive l’exemple de nombreux autres fonds et qu’il « désinvestisse » des entreprises du secteur du charbon », déclare Martina Holbach de Greenpeace Luxembourg. « Des millions du Fonds de pension sont investis dans le secteur charbon, dévastateur pour le climat, et bon nombre de ces investissements sont synonymes de dégradations écologiques supplémentaires ainsi que de violations des droits de l’homme ! ».
Votum Klima est d’avis que les investissements dans le secteur du charbon ne sont en outre pas compatibles avec la volonté du gouvernement de positionner la place financière luxembourgeoise dans le secteur du financement climatique.
« À la suite de la COP21, le gouvernement avait souligné l’importance du financement climatique pour la place luxembourgeoise. Luxembourg est supposé se développer en centre international pour ce type de financements », explique Martina Holbach. « On est proche du cynisme, si d’un côté le financement climatique doit devenir une branche prometteuse de la place financière alors que d’un autre côté, le changement climatique est alimenté par des investissements dans les énergies fossiles et notamment le charbon. »
Le mouvement du désinvestissement prend de l’ampleur depuis quelques années. Il s’agit de retirer l’argent au secteur des énergies fossiles. 2015 a été une année importante à cet effet, à la suite de la décision de la Norvège d‘arrêter les investissements dans le secteur du charbon par le Fonds norvégien GPFG. Des grands groupes d’assurances comme Allianz et AXA ainsi que de nombreuses institutions, municipalités et villes à travers le monde entier ont également fait le même pas et envoyé ainsi un signal clair aux marchés financiers et aux firmes concernées. « L’exemple de la Norvège montre que les États peuvent contribuer à la protection du climat à travers leurs choix financiers. Avec une décision en faveur du désinvestissement, le Luxembourg enverrait un signal très fort envers les investisseurs à travers le monde », ajoute l’auteur du rapport Christina Beberdick de l’organisation urgewald.
Dans le secteur du nucléaire, le Fonds de pension poursuit également une politique en contradiction totale non seulement avec la volonté des gouvernements actuel et précédent mais également en opposition avec la volonté des citoyens/citoyennes et de la société civile. Fin 2015, le Fonds de pension tenait des investissements à hauteur d’au moins 75.488.151,00.- EUR dans des entreprises liées directement à l’énergie nucléaire. Parmi eux les groupes EDF et Engie-Electrabel, qui en raison de la proximité de leurs centrales nucléaires vétustes représentent un danger vital pour le Luxembourg. (4).
« Cela fait l’effet d’une véritable gifle, quand on considère qu’au plan national, il y a un fort consensus sociétal contre le nucléaire et pour l‘arrêt immédiat de Cattenom et Tihange », remarque Paul Polfer du Mouvement Écologique. « Et il s’agit en outre d’un acte de sabotage, quand on sait que les exploitants des deux centrales veulent en rallonger le temps de vie et que pour ça, ils ont besoin de millions d‘investissements. L’argent nécessaire viendra-t-il aussi du Luxembourg ? À travers le Fonds de pension ? »
« La politique nationale ne peut plus tolérer cette faute. Elle doit montrer un carton rouge à la politique d’investissement actuelle du Fonds de pension et amener un changement de stratégie », ajoute Paul Polfer. « Le Fonds de pension a besoin de règles claires et strictes en ce qui concerne ses investissements. Ceux-ci ne doivent pas seulement générer du rendement, il faut aussi qu’ils soient étiques et crédibles d’un point de vue politique. Un premier pas doit être la vente immédiate des actions et obligations provenant du secteur nucléaire ! »
Votum Klima va continuer l’analyse de la politique d’investissement du Fonds de pension en 2017. À côté des investissements dans les secteurs charbon et nucléaire, un aspect important sera les violations des droits de l’homme dans le secteur des mines et des plantations.
Notes :
(1) Pour l’analyse du Fonds de pension par l’organisation allemande urgewald e.V., les trois critères suivants ont été appliqués :
- 30 % ou plus du chiffre d’affaires ou de la production de courant électrique d’une entreprise proviennent du charbon. Le fonds norvégien GPFG a retenu ce critère lors de sa décision de désinvestissement.
- Une entreprise produit plus de 20 millions de tonnes de charbon par an.
- Les entreprises qui sont en train de planifier ou construire des nouvelles mines ou centrales à charbon.
(2) Finanzierung des Klimawandels – Die Investitionen des luxemburgischen Pensionsfonds in den Kohle-Sektor, urgewald e.V. und Votum Klima, November 2016
(3) En mai 2015, le gouvernement norvégien a décidé que le fonds GPFG désinvestira du secteur du charbon. Il a été annoncé que les investissements dans les firmes dont le chiffre d’affaires ou la production d’électricité proviennent à plus de 30 % du charbon sont à ignorer dorénavant. Ce critère est appliqué depuis le 1er janvier 2016.
(4) EDF, propriétaire e.a. des centrales de Cattenom et Fessenheim, est soutenu à hauteur de 36,8 millions € par le Fonds de pension luxembourgeois. Le groupe franco-belge EngieElectrabel, exploitant e.a. de la centrale belge de Tihange – contre laquelle des municipalités allemandes, néerlandaises et luxembourgeoises ont déposé un recours en raison des fissures dans la cuve du réacteur 2 - a obtenu du Fonds de pension au moins 8,6 millions €. De la maison-mère GDF-Suez, le Fonds de pension détient en plus des obligations d’une valeur de 330.000.- €.
Communiqué par la plateforme Votum Klima
La plateforme Votum Klima créée en 2009, est soutenue par 26 ONG luxembourgeoises : Aide à l’Enfance de l’Inde, Aktioun Öffentlechen Transport, Association de Soutien aux Travailleurs lmmigrés (ASTI), Action Solidarité Tiers Monde (ASTM), ATTAC Luxembourg, Bio-Lëtzebuerg, Bridderlech Deelen, Caritas Luxembourg, Centre for Ecological Learning Luxembourg (CELL), Cercle de Coopération, Conférence Générale de la Jeunesse Luxembourgeoise (CGJL), Église Catholique à Luxembourg, etika, Eurosolar Lëtzebuerg, Fairtrade Lëtzebuerg, Frères des Hommes, Greenpeace Luxembourg, Handicap lnternational, Kommission Justitia et Pax, Lëtzebuerger Velos-lnitiativ, Mouvement Écologique, natur&ëmwelt, SOS Faim Luxembourg, UNICEF, Vegan Society Luxembourg.