Ces mégatendances qui « bousculent » les gouvernements
Les grandes forces mondiales qui se dessinent aujourd’hui auront un impact significatif sur le paysage des affaires tant du secteur public que privé d’ici 2030. S’il existe une abondante documentation sur ce que l’on pourrait qualifier de "mégatendances", telles le vieillissement de la population ou la raréfaction des ressources, il n’en reste pas moins que les incidences de ces dernières sur les stratégies et actions gouvernementales méritent également de faire l’objet d’analyses détaillées et ciblées. Telle est la mission que KPMG International a confié au Mowat Centre de l’Ecole de politique publique et de gouvernance de l’Université de Toronto.
Au terme de ses recherches, le Mowat Centre a identifié neuf mégatendances que nos gouvernants doivent impérativement prendre en considération dans leurs politiques sur le long terme s’ils veulent assurer la prospérité économique, la cohésion sociale, la sécurité et la durabilité environnementale. Les résultats de ces recherches ont pour vocation de faire évoluer les stratégies, l’organisation et les compétences des gouvernements, afin qu’ils adoptent les bonnes pratiques nécessaires au maintien de notre modèle économique et social.
Au nombre de neuf, donc, les mégatendances incluent le changement démographique, la montée de l’individualisme, la percée des TIC, l’interdépendance économique, la dette publique, le déplacement du pouvoir économique, le changement climatique, la raréfaction des ressources, et, enfin, l’urbanisation croissante.
Des bouleversements qui amènent des questions
Un des plus grands défis des pays industrialisés réside dans le vieillissement de la population, qui exige un suivi et une remise en cause permanente du système de sécurité social, de sorte que le poids du vieillissement soit mieux réparti sur les différentes générations.
La montée de l’individualisme est un phénomène éminemment plus complexe, qui intègre différentes notions telles que l’accès à l’éducation, à l’information et aux technologies modernes, avec pour corollaire une augmentation des revenus des individus. L’émergence d’une classe moyenne à l’échelle mondiale (27% de la population mondiale en 2009, 60% en 2030) implique pour les gouvernements de satisfaire des besoins toujours plus exigeants. L’interdépendance économique des pays, quant à elle, encore amenée à s’accroître (le stock des investissements directs étrangers a quintuplé entre 1980 et 2011), exige un renforcement des conventions internationales, condition sine qua non à l’obtention d’un bénéfice économique maximal. La dette publique, qui n’a cessé de grossir dans la majeure partie des pays développés depuis le début des années 2000 et plus encore depuis l’avènement de la crise (passant de 46,3% en 2007 à 78,1% en 2013), constitue non seulement un frein pour relever les défis qui les attendent, et ce, à tous les niveaux, social, économique comme environnemental, mais les expose davantage aux risques sur le marché mondial. Le déplacement du pouvoir économique vers les BRIC (la Chine et l’Inde réalisent d’ores et déjà à elles seules 25% du PIB mondial) remet en cause la domination occidentale et l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats, raison pour laquelle il appartient aux gouvernements de créer un nouvel équilibre des forces. Le changement climatique, provoqué par l’accélération des émissions de GES, nécessite une coopération multilatérale immédiate et sans précédent si l’on veut éviter la montée des eaux, la destruction de nombreux écosystèmes, l’aggravation des aléas climatiques et des coûts d’adaptation exorbitants. Intrinsèquement lié à cette problématique, la raréfaction des ressources, qui, combinée en sus à la pression démographique et à la croissance économique, aura pour effet mécanique un doublement du prix des denrées alimentaires entre 2010 et 2030. Pour finir, le phénomène d’urbanisation aura pour effet de créer des pénuries tant au niveau du logement, de l’eau que de l’énergie et de générer des difficultés au niveau des infrastructures urbaines.
Au regard de ces bouleversements, le citoyen est en droit de se poser de nombreuses questions, auxquelles le politique devra pouvoir apporter des réponses : les actifs d’aujourd’hui pourront-ils espérer avoir une retraite ? Comment créer suffisamment d’emplois pour les jeunes générations ? Quel équilibre trouver entre le besoin de réduire les déficits et celui de stimuler la croissance ? Comment nos gouvernements s’adaptent-ils au nouvel ordre mondial ? Les efforts en matière de réduction de GES sont-ils suffisants ? Autant de problématiques qui exigent des remises en question du système et des plans d’actions ciblés.
Nécessité d’une plus grande coopération mondiale
En cela, le rapport de KPMG International émet une série de préconisations : « Les réponses à ces problématiques passent notamment par l’absolue nécessité d’une plus grande coopération au niveau mondial, la promotion du changement des comportements du citoyen et la concentration des efforts des autorités sur des mesures proactives destinées à atténuer les impacts des grandes forces mondiales. Les gouvernements n’auront d’autre choix que de faire preuve de beaucoup plus d’ouverture, d’un esprit de concertation et de nouer des partenariats. Or aujourd’hui, c’est tout le contraire que l’on constate en Europe, où le repli sur soi prévaut », explique Patrick Wies, associé chez KPMG Luxembourg.
Ce qu’il est également essentiel de retenir de cette étude, c’est que ces bouleversements, nonobstant toutes les menaces qu’ils affichent, représentent aussi des opportunités à saisir. En effet, tous les gouvernements pourront tirer profit de l’ « explosion » des informations et données disponibles à travers le monde. Cette croissance en capital de connaissance, couplée à des avancée technologiques notables qui permettent leur dissémination rapide, aura pour conséquence des changements imprévisibles dans des domaines comme la médecine, l’ingénierie, le transport ou encore l’agriculture.
Le vieillissement de la population créera, quant à lui, de nouvelles opportunités d’affaires tout comme le développement galopant des BRIC et l’émergence d’une classe moyenne mondiale. Aussi, les gouvernements doivent être à même de saisir ces opportunités et non se concentrer uniquement sur la tâche ardue de la gestion des risques.
Photo ©Marlene Soares pour LG Magazine