Chacun à son rythme dans un monde en état d'urgence

Chacun à son rythme dans un monde en état d’urgence

Le réseau de la Transition prend de l’ampleur sur le territoire luxembourgeois. Ses initiatives encouragent les actions locales et collectives. Norry Schneider coordonne le réseau de la Transition et fait partie du Conseil supérieur pour un développement durable (CSDD), un organe qui conseille le gouvernement pour travailler sur les objectifs de développement durable.

Monsieur Schneider, quelles actions concrètes mettez-vous en place avec les citoyens et les communes ?

« En 2013, à travers le réseau de la Transition, nous avons créé une première coopérative énergétique dans le sud du pays, avec aujourd’hui neuf projets photovoltaïques réalisés en collectivité. On prend la toiture d’une commune, d’une école, d’un hall sportif et on réalise des projets d’une certaine envergure. Les coopérateurs deviennent membres en achetant une part (ou plusieurs), qui coûte par exemple 100 euros. Chaque membre obtient une voix et on a aujourd’hui 180 membres, qui à chaque assemblée générale, peuvent voter. Ce modèle coopératif fonctionne bien.

Nous sommes mandatés par le ministère du Développement durable et des Infrastructures, dans le cadre du Pacte Climat, pour aider les communes à impliquer les citoyens dans l’action climatique locale. Concernant les projets photovoltaïques en coopérative citoyenne, elles ont pris du temps à se décider, en partie parce que les tarifs d’injection garantis par la loi étaient assez modestes. Ces tarifs sont en adaptation et on verra ce que le prochain gouvernement en fera. Nous sommes prêts, nous faisons des démarches dans différentes régions, mais aujourd’hui on ne peut pas encore affirmer qu’il y ait énormément de coopératives, en tout cas pas autant qu’on le souhaiterait.

Plus tôt, en 2011, nous avons aussi lancé les jardins communautaires. Au début, tout le monde nous prenait pour des fous, disant que les Luxembourgeois ne seraient pas intéressés. Maintenant toutes les communes viennent nous voir ou les mettent elles-mêmes en place. »

D’où vient le choix du terme « transition » ?

« Le Luxembourg est très dépendant, au niveau de l’alimentation et de l’énergie notamment, et cela a l’impact qu’on connaît. On veut aller vers un avenir durable, mais comme ça ne se fait pas du jour au lendemain, il faut une transition. Celle-ci sera co-construite par tous les citoyens. »

Nous sommes ici au sein de la Maison de la Transition, à Esch-sur-Alzette. Quel est son rôle ?

« La Maison de la Transition a ouvert il y a deux ans avec l’ambition de créer un lieu public, un lieu de rencontre pour les gens qui réfléchissent à leur ville de demain. Il y a un resto bio local, une boutique, du co-working, toute une programmation de workshops que les gens proposent.

Le mouvement de la Transition est avant tout un mouvement citoyen, on vise donc toujours une approche bottom-up. Ça passe par des forums ouverts où le contenu est développé avec tous les participants, par des groupes de travail, etc. Le mot-clé ‘‘réseau’’ est toujours derrière. On se voit comme un acteur qui sait rassembler.

Notre business model est basé sur le bénévolat : toutes les personnes qui tiennent le bar, le restaurant, le magasin, sont bénévoles. Nous n’avions pas de ressources pour payer un loyer et on a eu la chance que la commune nous ait mis cet espace à disposition. C’est une utilisation intermédiaire jusqu’au jour où ce bâtiment aura une autre vocation.

Ici les gens viennent boire un café, se rencontrer, échanger et découvrir de nouvelles choses, une nouvelle sorte de tomates cultivées chez un voisin, dont ils vont ensuite échanger les semences. C’est un zooming entre les décisions méta des Nations unies et une semence qui va faire naître vos premières tomates. C’est comme ça que beaucoup de choses se créent. »

Comment les citoyens réagissent à ces démarches ?

« Au printemps, nous avons organisé les Transition Days, dont l’objectif était de créer des impulsions dans l’espace public. On a rassemblé une quarantaine d’acteurs autour d’une thématique, dans ce cas c’était l’alimentation. On a nommé l’événement ‘‘Our food, our future’’. Le ‘‘our’’ est important, car il s’agit d’une co-construction du système alimentaire de demain. Le public a suivi car en un jour et demi, ce sont 1 500 personnes qui sont venues, ont expérimenté, ont échangé des visions. On continue à travailler sur cette analyse, cette co-construction du système alimentaire luxembourgeois.

On organise également régulièrement des festivals ‘‘do-it-yourself’’ pour montrer comment, en pratique, très simplement et au quotidien, on peut faire du dentifrice, planifier un jardin, réparer un ordinateur, etc. Les familles viennent et ressortent en ayant appris quelque chose. Avec leurs deux mains, les gens peuvent faire des choses contrairement à l’idée reçue qu’il faut acheter et jeter continuellement.
Tous ces événements donnent des impulsions, mais le travail doit se faire au quotidien. C’est là que ça se complique, car souvent les gens sont occupés, ils sont dans leur routine, et rester dans la communication positive devient pour nous un défi car il faut regarder l’évolution des choses, les chiffres, qui sont assez déprimants. Le GIEC vient de sortir son dernier rapport et appelle à un sursaut international pour éviter d’atteindre +1,5° d’ici à 2040, ce qui aurait des conséquences désastreuses. On aimerait bien dire aux citoyens d’y aller à leur rythme, mais il ne reste que peu de temps pour réussir un vrai changement. C’est le principal défi d’un mouvement citoyen qui essaye de mobiliser, de faire changer les consciences. Les gens sont occupés avec leur travail, leurs courses, leurs dettes, leurs vacances, et la priorité 26 à leur agenda, c’est peut-être le monde qui ne va pas bien. »

Découvrez les nombreux autres projets du réseau de la Transition sur cell.lu. Restez informés de leurs événements grâce à la page Facebook Mesa, la maison de la transition.

Marie-Astrid Heyde
Photo Fanny Krackenberger

Dossier du mois Infogreen « Objectif Terre »

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Publié le mardi 20 novembre 2018
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