Changement climatique : une communication efficace pour créer des multiplicateurs

Changement climatique : communiquer efficacement pour créer des multiplicateurs

Le 28 juin a eu lieu le déjeuner-débat « Communicating for action », organisé au Schluechthaus, par l’association CELL - Citizens for Ecological Learning and Living, en collaboration avec la Commission européenne, dans le cadre du festival Transition Days 2024 - Act for Change, axé sur l’action locale au service du changement sociétal.

C’est Anne Calteux, représentante de la Commission européenne au Luxembourg, qui a ouvert les présentations. « Il est essentiel de communiquer sur le changement climatique, mais ce n’est pas assez. Ce que nous voulons, c’est une action significative », a-t-elle souligné. « Aussi, devons-nous garder un esprit critique envers nos efforts de communication : ne créons-nous pas trop de peur et d’anxiété sur les risques que nous encourons ? Ce dont nous avons besoin, c’est d’histoires inspirantes. Nous devons nous concentrer sur des actions positives ».

Dans le contexte actuel, elle a rappelé que toutes les crises sont connectées avec les objectifs climatiques de l’UE : « Tout est lié et devient un défi commun. Aucune transition ne peut être réussie si elle n’adresse pas simultanément l’économie et la justice sociale. Nous pensons donc qu’une approche multicouches est primordiale. »

Pour cela, la Commission veut s’assurer que les citoyens comprennent le Green Deal et qu’ils le voient comme une opportunité, car l’économie circulaire et les énergies renouvelables sont créatrices d’emplois et vecteurs de nouveaux modèles économiques, d’une réindustrialisation propre et d’indépendance par rapport à des régions comme la Chine.

« 40% des 1,8 millions d’euros qui ont été libérés par le fonds Covid seront investis dans la lutte contre le changement climatique et dans les énergies renouvelables. Les plus vulnérables seront soutenus par le fonds social climatique pour la rénovation de leurs maisons ou l’installation de panneaux solaires, pour que personne ne soit laissé derrière. Et le Fonds de solidarité de l’UE soutient également les communautés agricoles pour accompagner le Green Deal ».


« Nous avons besoin de multiplicateurs. Nous croyons aux réglementations, à la réalisation de nos objectifs, et nous voulons que vous y croyiez aussi. Vivre dans une société plus durable, verte et saine implique un effort collectif »

Anne Calteux, représentante de la Commission européenne au Luxembourg

Elisha Winckel (le modérateur) et Anne Calteux
Elisha Winckel (le modérateur) et Anne Calteux - © infogreen.lu

Julie Mallat, fondatrice de Climate Propagandist, a ensuite pris la parole. Elle crée des outils, fournit des informations et développe des idées pour alimenter un changement de culture durable en démystifiant la propagande des industries fossiles et en améliorant la communication sur le climat.

Elle a commencé son exposé en racontant l’histoire d’Edward Bernays. Né en 1881 et neveu du psychanalyste Sigmund Freud, il a appliqué les idées de son oncle sur le subconscient à son travail. Considéré comme le père des relations publiques, il a réussi à inciter la moitié de la population féminine des États-Unis à fumer, à une époque où c’était tabou. Comment ? en orchestrant une campagne de communication dans le cadre de laquelle un groupe de jeunes femmes, belles et distinguées, se sont promenées dans les rues de New York, des cigarettes – rebaptisées torches de la liberté - à la main, moment qui a été immortalisé par les photographes de plusieurs grands journaux. Il a également convaincu les Américains que le bacon était un produit sain et l’a rendu incontournable sur les tables du petit déjeuner, alors que le petit déjeuner typique était jusque-là très léger. Et il a popularisé le théâtre, activité alors considérée comme élitiste, en y amenant des célébrités, le rendant ainsi plus glamour.

« Ce sont des exemples de la façon dont la culture peut être transformée, et de la façon dont les comportements peuvent être formatés, pour le pire. Comment peut-on utiliser cela pour le bien ? », a-t-elle demandé.


« Aujourd’hui, les entreprises utilisent les relations publiques - qui est un mot moderne pour la propagande -, pour maximiser les profits aux dépens des personnes et de la nature. »

Julie Mallat, fondatrice de Climate Propagandist

« Nous devons nous demander qui sera l’Edward Bernays de notre temps, qui fera que le Green Deal ne soit pas seulement acceptable, mais aussi désirable ? Pour cela, il faut changer de schéma narratif et passer de celui de la restriction à celui de l’espoir. Dans ce contexte de crise climatique, il est impératif pour les activistes de la communication de créer leur propre propagande à partir de leur créativité et de leur persévérance.

Nous devons donc promouvoir une culture de la gestion environnementale et nous éloigner des histoires qui parlent d’exploitation et d’oppression. Nous pensons qu’une communication persuasive basée sur la réforme des récits, des valeurs et des comportements peut être un moteur pour un changement durable du pays, et le numérique est au cœur de cette communication efficace », a-t-elle poursuivi.

Enfin, Cristiana Gambarelli, Senior Community Manager pour la Fédération des Jeunes Verts Européens, a partagé son expérience dans la construction de structures qui permettent aux activistes de se battre pour un avenir plus vert à travers toute l’Union européenne.


« Je suis convaincue que l’ingrédient secret du succès politique, c’est la communauté, le travail collectif et assidu pour faire campagne »

Cristiana Gambarelli, Senior Community Manager pour la Fédération des Jeunes Verts Européens

Construire une communauté est donc ce qu’elle fait au sein des Jeunes Verts européens avec comme leitmotiv « Lutter pour la joie ». Elle s’appuie pour cela sur cinq leviers.

Le premier est la répétition inlassable des messages « parce que chacun est dans sa bulle et possède ses propres messages ».

Le second est de communiquer seulement au moment où il y a une information précise à diffuser : « Nous avons banni le mot « newsletter ». Au lieu de communiquer de manière systématique à un moment prédéfini, nous préférons mener des campagnes numériques spécifiques », a-t-elle expliqué.

Julie Mallat et Cristiana Gambarelli
Julie Mallat et Cristiana Gambarelli - © infogreen.lu

Avec une équipe composée de 11 personnes, il fallait trouver un moyen de se démultiplier. Le troisième levier est donc l’application du principe d’organisation distribuée. « Nous avons demandé aux gens d’être nos mains, nos corps, nos jambes, et d’aller partout pour faire le travail que nous souhaiterions faire ». Un processus qui prendra des années avant d’apporter des résultats tangibles : « Si j’avais une chose à demander à quiconque construit une communauté, ce serait : s’il vous plaît, ne quittez pas votre communauté après six mois, simplement parce que vous ne voyez pas les résultats, car cela va prendre du temps, c’est une question de culture et d’organisation », a-t-elle témoigné.

Le quatrième levier est d’appeler les gens à être des mégaphones. « Je ne connais ni vos amis, ni vos proches. En revanche, je peux vous demander d’aller les trouver, de leur parler et de les convaincre d’aller voter. Il n’y a rien de plus puissant ».

Enfin, pour le cinquième et dernier levier, il s’agit de poser un cadre et de changer ainsi la vision des gens.

À l’issue des présentations, le modérateur a demandé aux participantes de partager leurs conseils pour générer des multiplicateurs convaincus. Pour Cristiana Gambarelli, c’est de toujours appeler à l’action, ne pas demander aux gens de faire quelque chose, mais leur dire de le faire. Pour Julie Mallat, c’est de se concentrer sur l’auditoire plus que sur le message, comprendre son public. Et pour Anne Calteux, c’est de toujours garder l’objectif le plus important en tête. Dans le cas du changement climatique, il s’agit de la survie, de la préservation de notre planète pour les générations futures.

Quelques mots sur les Transition Days

Les Transition Days regroupent chaque années diverses activités autour de 7 thématiques liées à la transition : respect du vivant, souveraineté alimentaire, transition économique, transitions territoriales, transition démocratique, transition sociétale et sobriété énergétique.

Conférences, discussions, ateliers, expositions, projection de documentaires, jeux, échanges de vêtements et d’objets, repair café, disco soup, concert et bar, cette année plus de 170 activités étaient proposées pour tous les goûts et tous les âges.

Mélanie Trélat
Photos : © Infogreen.lu

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Publié le mardi 2 juillet 2024
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