D’autres stations, d’autres services
Le pays du « tourisme à la pompe » aura-t-il un visage un peu différent ? On y fera encore le plein. Les « pétroliers » changent de visage. Les acteurs locaux se réinventent.
2035, morne plaine pour les légendaires stations-services du Grand-Duché de Luxembourg, stratégiquement placées sur les grands axes de transhumance européens ? A priori, non. Pour deux raisons majeures : on aura toujours besoin de faire le plein de son véhicule, on aura juste changé de « carburant » ou d’énergie de propulsion ; et il y aura toujours un intérêt de la clientèle pour les shops et autres superettes.
Pour le changement de visage des stations, l’affaire est évidemment en route https://www.infogreen.lu/prevoir-les-stations-pour-carburants-alternatifs.html et le mouvement est irréversible. Il y a aussi des conséquences, bien évidemment, pour les « pétroliers », ces compagnies qui ont dirigé le monde durant toute l’ère fossile et qui se réinventent et investissent dans d’autres énergies et d’autres créations de valeur.
Gulf depuis Marnach
On n’en a guère parlé au Luxembourg (voire pas du tout), pourtant même des acteurs locaux ont dû changer de business model. Ainsi Gulf Luxembourg, qui n’est plus une entreprise familiale locale. Début octobre 2001, les frères Marc et Mario Reiff, Joseph Meyer, Claude Baer et ses associés avaient réintroduit la célèbre marque pétrolière du Golfe qui avait disparu du paysage dans les années 80, sous forme de franchise. Associant notamment la marque à l’image de la compétition automobile de la grande époque (façon Steve McQueen en GT40), Gulf Petroleum Luxembourg a développé un réseau d’une quinzaine de stations-service, employant directement quelque 200 personnes, mais aussi des livraisons de fuel domestique par exemple.
Depuis Marnach, Gulf et le groupe familial ont mis en place de nombreux partenariats, notamment avec Cactus/Shoppi, s’imposant naturellement comme le seul acteur indépendant du secteur des hydrocarbures au Luxembourg.
Vu de l’extérieur, tout cela demeure. Pourtant les affaires ont changé de mains – discrètement et, c’est à noter, sans casse sociale. Fin 2021, les actionnaires locaux ont vendu à un groupe coté en Bourse, basé en Irlande, DCC. Rien de très surprenant : depuis plusieurs années, Gulf Luxembourg était à l’écoute des évolutions de la mobilité et des énergies et redoutait un chamboulement total que l’entreprise ne pourrait assumer… Les actionnaires ont donc choisi d’écouter les sirènes des investisseurs sans abandonner ni le personnel, ni le volet « services » de ses stations, en conservant les liens avec Cactus et en misant sur les Shoppi des stations du futur…
Investissements et partenariats
Précisément, l’histoire de cet acteur local pris dans un mouvement global illustre l’évolution des acteurs du marché vers, notamment, l’électromobilité et autres moyens alternatifs de faire avancer les véhicules.
Le groupe international DCC est d’ailleurs en plein dans cette mouvance. C’est un groupe d’investissement avant tout, qui mise sur les nouveaux modèles économiques, dans les soins de santé, les technologies ou l’énergie. Souvent en créant des partenariats industriels et financiers avec des acteurs solides mais qui doivent se réinventer. Exemple en France, où DCC, via une filiale française, CERTAS, a mis en place une joint-venture avec ENGIE, pour créer SSEC, nouvelle société co-détenue par CERTAS Energy France (51 %) et ENGIE Solutions (49 %). Le partenariat d’investissement est destiné à implanter et exploiter un réseau de super-chargeurs de véhicules électriques dans les stations-service autoroutières de CERTAS (sous la marque Esso), un réseau potentiel de 460 stations à travers l’Hexagone sur l’ensemble des trois grands réseaux autoroutiers français (VINCI, APRR, SANEF). Il y 7 ans déjà, Esso, la filiale française du géant Exxon-Mobil avait vendu (pour 106 millions d’euros) ses 322 stations-service au conglomérat irlandais. DCC Energy était ainsi devenu le propriétaire et l’opérateur des stations-service (ou le titulaire de la concession pour les stations d’autoroute), Esso ayant négocié un contrat d’approvisionnement sur le long terme.
Le groupe DCC plc rappelle volontiers qu’il « accompagne la transition énergétique » à travers plusieurs services et solutions, recharge électrique rapide, superéthanol-E85, bio diesel, bio GPL, centrales de production solaire...
Avec l’électromobilité qui accélère, les acteurs de l’énergie et de la nouvelle mobilité – pétroliers en reconversion ou/et nouveaux investisseurs – ont bien capté les opportunités de croissance. Le mouvement est en marche et les premières stations-services nouvelle génération apparaissent. Après le lifting, elles devraient, pour leurs investisseurs, rester rentables.
Alain Ducat
Photos : Certas/Gulf Luxembourg
Extrait du dossier du mois « 2035 : Lëtz go ! »