Des bêtes noires dans les éco-matériaux ?
Écologique ne veut pas forcément dire sain. D’où la nécessité de mettre au point une banque de données des matériaux de construction qui soient à la fois l’un et l’autre.
Interview de Ralph Baden, vice-président d’AKUT asbl et président de RESPIR-ATION asbl
Des produits nocifs pour la santé humaine peuvent-ils se cacher dans un éco-matériau ou un matériau biosourcé ?
Un matériau écologique peut être sain, mais peut également contenir et émettre des substances nocives. Typiquement, on trouve des chanvres qui contiennent des retardateurs de flammes ou des lièges liés à l’éther de glycol. À l’inverse, un matériau sain peut être écologique ou non. Écologie et santé sont donc a priori deux choses différentes. La probabilité d’être sain sera plus grande pour un matériau écologique que pour un matériau synthétique, mais il n’y a pas de corrélation stricte.
Quelles substances doit-on craindre ?
Nous testons avec le Laboratoire national de santé (LNS) environ 160 molécules qui peuvent polluer l’intérieur des bâtiments. Elles sont regroupées en plusieurs catégories. Tout d’abord, les substances volatiles, classiquement les solvants : le benzène, le toluène ou encore les terpènes qui ont une odeur agréable mais peuvent causer des problèmes aux personnes allergiques, les éthers de glycol que l’on retrouve dans les peintures ou colles à dispersion à base d’eau qui, bien que dits plus écologiques que les produits à base de solvants sont plus agressifs que les solvants classiques et mettent plus de temps à s’évaporer ce qui les rend nocifs pendant un laps de temps plus long, les aldéhydes dont le formaldéhyde est le plus connu mais qui comprennent plus d’une dizaine de dérivés, et enfin, les biocides ou les pyréthrinoïdes qui protègent contre les moisissures et les insectes. Ensuite, les retardateurs de flammes polybromés ou organophosphorés qui sont utilisés en tant que retardateurs de flammes, mais également pour accélérer le processus de production dans les mousses à base de polyuréthane que l’on trouve dans les cadres de fenêtres ou de portes. Certains sont aussi antidérapants et confèrent un aspect brillant, c’est pourquoi ils sont employés comme vitrifiant sur les parquets et linoléums. Ce sont des dérivés chimiques du sarin qui agissent en bloquant l’influx nerveux. Il y a également les phtalates qui rendent le PVC mou, ainsi que les hydrocarbures aromatiques polycycliques utilisés dans certains bitumes pour étanchéifier et qui sont cancérigènes. Un autre groupe est les métaux lourds dont certains comme le nickel, par exemple, sont cancérigènes et peuvent attaquer la peau, d’autres comme le manganèse sont neurotoxiques et d’autres encore comme l’aluminium jouent un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer.
Existe-t-il des solutions alternatives à ces molécules ?
J’ai pu accompagner, en tant que conseiller en matière de santé, la construction d’une douzaine de bâtiments, dont celui de Neobuild, et nous avons toujours réussi à trouver des solutions alternatives. Il en existe donc bel et bien. Le problème est que, pour distinguer les matériaux sains de ceux qui ne le sont pas, il faut réaliser des analyses, ce qui demande du temps, ce dont on manque sur les chantiers. C’est pourquoi nous sommes en train de créer, ensemble avec le LNS et Neobuild, une banque de données dans le but d’aboutir à une liste exhaustive et dynamique des matériaux de construction sains. Nous avons déjà analysé plus de 100 produits biosourcés et nous continuons à analyser tous les produits que nous envoient les différents corps de métier, sans problème et sans frais.
À quand un label ?
AKUT mène depuis 3 ans un projet pilote sur les produits de nettoyage qui a abouti à la création du label SAMI (SAnté en Milieu Intérieur) et du site sami.lu qui recense les produits sains. L’idée serait de créer, par analogie, un label dédié aux matériaux de construction qui permettrait aux maîtres d’ouvrage, architectes et aux corps de métier d’accéder rapidement à l’information dont ils ont besoin pour répondre aux soumissions où l’on exige des matériaux écologiques et sains. Notre souhait serait d’intégrer la santé dans les critères de durabilité du ministère du Développement durable et des Infrastructures qui permettent l’obtention des primes à la construction. On préserverait ainsi la santé des occupants tout en évitant de devoir réaliser rapidement des assainissements coûteux et sources de déchets en cas de maladie.
Qu’en est-il de l’intégration des matériaux sains dans LENOZ ?
C’est un autre de nos souhaits qu’ils le soient. LENOZ serait alors le 1er label qui intègre de façon coordonnée et conséquente la santé. De plus, nous devons éviter que des maisons labélisées LENOZ soient détruites pour des motifs liés à la santé car cela décrédibiliserait la certification.
Mélanie Trélat
Source : NEOMAG
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