Du neuf avec du vieux
D’ici quelques mois, 14 familles pourront emménager dans une ferme séculaire transformée en logements modernes par le Fonds du Logement en collaboration avec le cabinet d’architecture BENG. Un projet de rénovation unique de par sa dimension historique, suivi de près par le Service des sites et monuments nationaux.
Rencontre avec Marco Bidaine, architecte associé chez beng, et Audrey Vit, chef de projet au Fonds du Logement
Située rue de l’École à Huncherange, le Haff Bredimus est une bâtisse dont le corps de logis date de 1743 et la grange de 1786. La ferme est un des rares immeubles ruraux de cette époque au Luxembourg dont la façade est en partie constituée de pierres de taille apparentes. Sachant que, hors les modénatures, la maçonnerie courante est historiquement toujours couverte d’un enduit, il s’agit là en effet d’une intéressante spécificité locale. Les bâtiments appartiennent à la commune de Bettembourg, qui les a achetés pour en assurer la protection.
La rénovation de cet ensemble a été orchestrée par le Fonds du Logement. 14 logements destinés à la location subventionnée et répartis dans 3 bâtiments de classe énergétique A et B y ont été créés. 4 duplex et 2 appartements ont été aménagés dans la grange, 3 appartements dans le corps de logis et 5 logements ainsi que des locaux techniques et des caves privatives ont pris place dans une annexe contemporaine, adjacente au corps de logis. Ils sont tous chauffés grâce à la géothermie. Les appartements en rez-de-chaussée sont pourvus de jardins privatifs séparés par des haies végétales et de terrasses qui sont étroites du fait que la bâtisse se trouve dans un milieu humide à une cinquantaine de mètres de l’Alzette, dans une zone Natura 2000.
C’est le cabinet d’architecture BENG qui a conçu ce projet, en étroite collaboration avec le Service des sites et monuments nationaux, la ferme étant répertoriée et bénéficiant d’une protection comme patrimoine architectural national. « Le Service des sites et monuments nationaux nous a accompagnés du début à la fin des travaux en nous donnant des indications sur les matériaux et produits à utiliser ainsi que sur la façon de les mettre en œuvre : quels types de châssis, de chaux ou de badigeons utiliser ? Comment enduire les murs intérieurs ? Nous avons travaillé comme il y a 200 ans », explique Marco Bidaine, architecte en charge du projet.
Pour commencer, un relevé de tous les éléments historiques a été réalisé : chaque pierre, chaque carreau de ciment, chaque poutre composant la charpente ont été reconnus et listés. Ainsi, par exemple, lorsqu’il a fallu démonter la toiture pour installer une seconde peau en bois à l’intérieur de la maison afin de répondre aux normes actuelles en matière d’isolation thermique, les fermes de charpente d’origine ont pu facilement être réassemblées et retrouver leur place et leur fonction initiales à l’issue de l’opération. « Nous avons voulu être très économes en énergie, même dans la partie ancienne du bâtiment, ce qui nous a menés à réaliser une boîte dans la boîte. Nous avons conservé les murs historiques à l’intérieur desquels nous avons placé une double paroi qui vient apporter la performance énergétique requise », explique Audrey Vit, chef de projet au Fonds du Logement.
C’est lors de cette phase de relevés que l’équipe a découvert une cave voûtée sous une partie du corps de logis ; elle a été transformée en cave à vélos. D’autres éléments protégés ont été conservés : la charpente et les murs, les encadrements des différentes ouvertures dont notamment le linteau de la porte d’entrée principale portant le millésime de 1786, certaines portes intérieures qui ont été rénovées et reprises pour les appartements du rez-de-chaussée, mais aussi l’imposante cheminée centrale, la Haascht qui couronnait le cœur de la maison, à savoir le foyer de la cuisine.
La typologie des bâtiments a également été sauvegardée. « Côté rue, nous avons essayé de nous en tenir aux ouvertures existantes dans la mesure du possible. Lorsqu’il a été nécessaire d’insérer de nouvelles baies dans la grange, nous les avons clairement distinguées des fenêtres d’origine en utilisant un langage architectural différent. Par exemple, nous n’avons volontairement pas utilisé des encadrements similaires à l’ancien et nous avons choisi de poser des fenêtres rampantes en toiture plutôt que des chiens-assis pour garder en façade sur rue un toit à géométrie simple sans excroissances. À l’arrière, nous avons pu réaliser des ouvertures plus grandes », souligne Marco Bidaine.
La transformation de la Haff Bredimus s’inscrit dans un projet de plus large envergure de réhabilitation du noyau du village de Huncherange, commencé il y a une dizaine d’années. Il comprend le réaménagement des rues, la création d’un parking et d’une aire de jeux, la réfection du centre culturel qui inclut désormais l’ancien presbytère et peut être ouvert sur la place non accessible aux voitures jouxtant l’église.
Mélanie Trélat
NEOMAG#17
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