École Primaire de Gando, Burkina Faso par Diébédo Francis Kéré

École Primaire de Gando, Burkina Faso par Diébédo Francis Kéré

Un projet dont l’intelligence conceptuelle et les réflexions qui ont conduit à sa réalisation éclairent nos pistes de transformation des méthodes de construction.

Diébédo Francis Kéré est un architecte germano-burkinabé, récent lauréat du prix Pritzker (considéré comme l’équivalent d’un Nobel en architecture), rejoignant ainsi de grands noms de l’architecture contemporaine parmi lesquels Peter Zumthor, Arata Isozaki, Rem Koolhaas, Glenn Murcutt, Alvaro Siza, Luis Barragan ou Shigeru Ban pour n’en citer que quelques-uns.

Cette édition de Neomag qui nous invite à « faire moins avec plus » nous donne l’occasion de revenir sur la genèse et la conception de son tout premier projet d’école primaire à Gando - Burkina Faso, village dont Francis Kéré est originaire. Si le climat de Gando est très loin du nôtre, l’intelligence conceptuelle et les réflexions qui ont conduit à la réalisation du projet sont tout à fait pertinentes dans la réflexion sur la transformation de nos méthodes de construction.

Les débuts

Francis Kéré a grandi avec de nombreux défis et peu de ressources. Enfant, il parcourait près de quarante kilomètres par jour pour se rendre dans le village voisin afin de fréquenter une école mal éclairée et mal ventilée. Cette expérience de tentative d’apprentissage dans un environnement complexe l’affecte tellement qu’une fois arrivé en Europe pour y étudier l’architecture, il fait le serment de réinvestir ses futures connaissances dans la construction d’une nouvelle école dans son village natal. Plus tard, avec le soutien de sa communauté locale et les fonds collectés par sa fondation - Kéré Foundation e.V. -, Francis Kéré débutera la construction de cette école primaire, son tout premier bâtiment, achevé en 2001.

Les paramètres de conception

La conception de l’école primaire a évolué à partir d’une longue liste de paramètres, parmi lesquels les coûts, le climat, la (faible) disponibilité des ressources et la faisabilité de la construction - avec une main-d’œuvre qualifiée presque inexistante. Le succès du projet dépendait à la fois de l’acceptation et de la négation de ces contraintes et afin de maximiser les résultats avec les ressources minimales disponibles, une brique de terre crue faite d’argile et stabilisée au ciment a été principalement utilisée. L’argile (ou plutôt la terre latéritique, dont la teinte rouge à brune est typique de nombreuses régions sous climat tropical) est disponible en abondance dans cette région et est traditionnellement utilisée dans la construction de logements. Les techniques traditionnelles de construction en argile ont été modifiées et modernisées afin de créer une construction plus robuste sur le plan structurel.

Les briques d’argile ont l’avantage supplémentaire d’être faciles à produire et de fournir une protection thermique contre ce climat très chaud. Cependant, malgré leur durabilité, les murs doivent toujours être protégés des pluies dévastatrices par un grand toit en surplomb, ici réalisé en simples tôles de métal ondulées. De nombreuses maisons au Burkina Faso ont des toits similaires qui absorbent la chaleur du soleil, rendant l’espace de vie intérieur intolérablement chaud : afin de juguler ce phénomène, le toit a été rehaussé et découplé de l’espace d’apprentissage intérieur ; entre les classes de cours et ce toit supporté par une charpente faite d’une dentelle de minces éléments en acier, un plafond réalisé en briques d’argile perforées, simplement empilées à sec sur des barres d’acier, a été créé. L’air frais pénètre par les fenêtres munies de ventelles horizontales pour rafraîchir les classes, puis en se réchauffant, s’évacue par le plafond perforé, aspiré par la dépression créée sous le toit. Grâce à cette ventilation simple et naturelle, l’empreinte écologique de l’école est drastiquement réduite, la climatisation n’étant plus nécessaire.

Processus collaboratif

Bien que les plans de l’école primaire aient été dessinés par Francis Kéré, le succès du projet peut être attribué à l’implication étroite de la population locale. Traditionnellement, les membres de toute une communauté villageoise travaillent ensemble pour construire et réparer les maisons dans les zones rurales du Burkina Faso. Dans le respect de cette pratique culturelle, des techniques durables et de faible technicité ont été développées et améliorées afin que tous les habitants de Gando puissent participer au processus. Les enfants ont ramassé des pierres pour les fondations de l’école et les femmes ont apporté de l’eau pour la fabrication des briques. Ainsi, les techniques de construction traditionnelles ont été utilisées parallèlement aux méthodes d’ingénierie modernes afin de produire la meilleure solution de construction possible tout en simplifiant la construction et l’entretien pour les ouvriers. L’école primaire a été achevée en 2001 et a reçu le prix Aga Khan d’architecture en 2004. Surtout, elle est devenue un symbole de fierté communautaire et de collectivité. Comme le savoir collectif de la construction a commencé à se répandre et à inspirer Gando, de nouveaux projets culturels et éducatifs ont depuis été introduits pour soutenir davantage le développement durable du village.

Textes : Kéré Architecture GmbH & Régis Bigot, architecte & IPM - Neobuild GIE
Crédits photographiques : © Kéré Architecture, Enrico Cano, Siméon Duchoud
Extrait du NEOMAG#51
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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Publié le vendredi 3 février 2023
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