
Grâce à ADA, l’électrification rurale passe aussi par l’entrepreneuriat
En Afrique de l’Ouest, l’accès à l’énergie reste un défi pour des millions de personnes. Le programme EVER, lancé par l’ONG luxembourgeoise ADA, mise sur les mini-réseaux solaires pour électrifier les zones rurales tout en stimulant l’activité économique locale.
« L’énergie est le socle de tout développement », affirme Marina Abboud, responsable du programme « Accès aux services de base » chez ADA. À travers EVER — Énergie VErte pour le Développement Rural — l’organisation a fait de l’électrification rurale une priorité.
L’idée centrale : permettre un accès à une électricité propre et durable dans des zones isolées, non desservies par le réseau national, en s’appuyant sur des mini-réseaux solaires. Ces systèmes autonomes produisent, stockent et distribuent l’électricité au sein de communautés locales, alimentant les ménages, écoles, centres de santé et entreprises rurales.
Mais comme le rappelle Marina Abboud, « l’usage domestique seul — s’éclairer, recharger un téléphone — ne suffit pas à assurer la viabilité économique de ces infrastructures pour les opérateurs. » D’où l’enjeu : encourager l’usage productif de l’énergie, autrement dit, favoriser la création d’activités économiques autour de cette nouvelle ressource.
EVER s’inscrit pleinement dans les Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU, en particulier l’ODD7, qui vise un accès universel à une énergie fiable, durable et moderne d’ici 2030. « L’Afrique subsaharienne concentre 80 % des 680 millions de personnes n’ayant pas accès à l’électricité dans le monde. Les besoins restent immenses », souligne-t-elle.
Favoriser l’usage productif de l’énergie à travers un écosystème d’acteurs
L’ambition de ADA dépasse la simple fourniture d’énergie. Le programme a pour objectif de structurer un environnement propice au développement économique en milieu rural, en s’appuyant sur l’accès à l’électricité comme moteur de transformation.
« Bien que ce ne soit pas son rôle initial, l’opérateur des mini-réseaux solaires se voit souvent amené à soutenir l’entrepreneuriat local. Pour assurer la viabilité de ses services, il doit encourager cette dynamique ou s’appuyer sur des partenaires spécialisés », explique Marina Abboud. C’est précisément là qu’intervient ADA, en soutenant à la fois les opérateurs et les communautés.
L’action s’articule autour de deux axes complémentaires. D’une part, un accompagnement des opérateurs axé sur la structuration de leur entreprise, la définition de leur stratégie commerciale et leur préparation à l’investissement. D’autre part, la mise en relation avec des acteurs clés — fournisseurs d’équipements, services d’appui à l’entrepreneuriat, institutions de microfinance — afin de stimuler l’usage productif de l’énergie.
Pour encourager les institutions de microfinance (IMF) à financer ces initiatives, le programme a mis en place un mécanisme incitatif de type Result-Based Financing : pour chaque crédit accordé en vue de l’achat d’un équipement productif, l’IMF perçoit une subvention.

Ce soutien est majoré lorsque le bénéficiaire du prêt est une femme ou un jeune entrepreneur, afin de leur offrir des conditions favorables pour s’insérer pleinement dans l’économie locale. Cette approche cherche à enclencher un cercle vertueux.
« Le développement d’activités génératrices de revenus stimule l’économie locale, attire de nouveaux investissements et renforce la rentabilité du mini-réseau. »
Marina Abboud, responsable du programme « Accès aux services de base » chez ADA
De la couture à la boulangerie : des exemples concrets de l’impact
Le changement est déjà perceptible dans les villages. « On voit apparaître des couturiers qui investissent dans des machines à broder, des femmes qui produisent yaourts et jus grâce à la réfrigération rendue possible par des congélateurs, ou encore des artisans qui proposent de nouveaux services. »
Et ces avancées ne se limitent pas à des réussites individuelles. Ces entrepreneurs génèrent de l’emploi, enrichissent l’offre de services locaux et réduisent la dépendance des villages vis-à-vis de l’extérieur. « Dans chaque zone, nous identifions cinq à dix porteurs de projet à fort potentiel. Ce sont eux qui donnent vie au mini-réseau et insufflent une dynamique économique locale. » Pour renforcer cette dynamique, ADA met en place une ingénierie sociale.
« Nous organisons des assemblées villageoises et créons des comités locaux afin d’identifier, de manière participative, les besoins du village, les filières à développer et les porteurs de projets. »
Marina Abboud, responsable du programme « Accès aux services de base » chez ADA
L’approche repose sur la co-construction avec les acteurs locaux. Rien n’est imposé. Chaque initiative est conçue en fonction des réalités du terrain. ADA joue un rôle de facilitateur, veillant à mobiliser les bonnes ressources, les outils adaptés et les partenaires pertinents.
Une approche flexible, s’inscrivant dans la pérennité
Aujourd’hui, EVER est en phase de recherche-action. Toutefois, ADA prépare déjà l’étape suivante : le passage à l’échelle. « Nous identifions les bonnes pratiques, nous ajustons notre approche… L’objectif est de déployer progressivement le programme à plus grande échelle. »
Dans cette perspective, l’ONG explore des partenariats stratégiques avec d’autres acteurs, comme le Geres, une ONG française spécialisée dans l’énergie durable. ADA participe également à des événements internationaux, comme le Energy Access Investment Forum de Kampala (du 8 au 10 avril), où Marina Abboud a représenté l’organisation pour présenter le programme et tisser de nouvelles collaborations.
Elle rappelle par ailleurs le rôle clé des autorités publiques : « Même si les gouvernements ne sont pas directement engagés dans le programme, leur implication reste déterminante. Fiscalité, réglementation, incitations à l’investissement… Ces leviers peuvent grandement favoriser — ou au contraire freiner — le développement des mini-réseaux. »
Sébastien Yernaux
Photos : ADA (Appui au Développement Autonome)