Isoler, mais autrement
Le point de vue de Thomas Fairfax-Jones sur la rénovation énergétique des bâtiments anciens et sur les solutions alternatives aux méthodes d’isolation traditionnelles.
Interview de Thomas Fairfax-Jones, Partner chez Fare
Dans votre créneau qu’est la vieille pierre, comment est traitée la problématique de la rénovation énergétique ?
Dans les anciens bâtiments, c’est, par définition, l’épaisseur des murs en pierre qui fait office d’isolation. Certains ajoutent cependant une couche supplémentaire d’isolant vers l’intérieur de leur maison de manière à ce que la pierre puisse respirer vers l’extérieur. Je lance un appel à nos amis constructeurs d’éviter d’isoler les vieilles maisons avec du polystyrène en façade comme on le voit parfois faire, car avec l’humidité ascensionnelle et celle qui est déjà naturellement présente dans les pierres, des champignons ont tendance à proliférer et à attaquer le bâtiment.
Comment s’assurer que les bâtiments anciens sont isolés dans les règles de l’art ?
Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas un office qui vérifie les rénovations. Certes, on parle aujourd’hui de simplification administrative, mais il s’agirait là d’une petite procédure, légère, une simple relecture du cahier des charges qui permettrait de vérifier si ce que l’on prévoit d’exécuter est bon pour la santé du bâtiment. Il faudrait également que, lors de la réception d’un bâtiment ancien, chaque partie prenne connaissance et signe un guide d’utilisation qui expliquerait par exemple comment et à quelle fréquence aérer une pièce. Il en va de même pour toute nouvelle construction : il faudrait informer les usagers du bâtiment, entre autres, de la manière dont les systèmes de ventilation doivent être entretenus pour éviter le cumul de poussière, de toxines et de bactéries dans les gaines.
Quelle est votre vision de l’isolation ?
L’incendie qui s’est propagé dans une tour à Londres il y a quelques mois fait naître un questionnement sur l’isolation des façades au Luxembourg. Les matériaux les plus couramment utilisés aujourd’hui sont souvent des produits pétrochimiques. Or, par exemple, le styropore fond quand il brûle et peut provoquer de très graves brûlures corporelles. C’est pourquoi les pompiers anglais ont développé un outil, une sorte de bouclier, qui permet de les protéger de ces coulures. Ce constat suscite une remise en question : plutôt que de construire des maisons passives avec une isolation très épaisse en styropore, pourquoi ne pas encourager à fabriquer des façades plus écologiques ? Le Luxembourg pourrait se positionner au niveau international s’il prend les devants sur le développement de façades isolantes moins nocives. Il en existe déjà, mais il faudrait une régulation dans ce domaine.
Quel type de solutions alternatives envisagez-vous ?
On pourrait par exemple imaginer utiliser des lattes de bois brûlé derrière lesquelles seraient placés un film ou une paroi faisant office de pare-vapeur et de pare-feu, comme le fait déjà l’architecte Nico Steinmetz. Le procédé de brûlage confère à ce matériau naturel une résistance fantastique aux intempéries, en plus des qualités esthétiques évidentes.
On pourrait aussi se servir de matériaux déjà existants tels que des matériaux de cellulose de bois, de laine, de chanvre et, pourquoi pas, de liège. Ce dernier (matériau) qui était plébiscité dans les années 1960 et 1970 est tombé en désuétude. Il reste pourtant un isolant extrêmement efficace parce qu’il est composé d’oxygène à plus de 80 %. Il est écologique sur toute la chaîne, il peut être réutilisé, brûlé, il est hydrofuge, non nocif. De plus, il faut savoir qu’un arbre qui donne de l’écorce ne meurt pas, il la régénère. Quand on lui retire son liège, le chêne consomme 4 fois plus de CO2 qu’il n’en consomme habituellement pour reproduire du liège. Je me suis intéressé à une société qui fabrique des packagings en liège dont les parois sont emboîtables et qui permettent de transporter un produit froid comme du caviar ou des vaccins par exemple jusqu’à l’autre bout du monde sans qu’il change de température. Ce système clipsable, protégé par un brevet mondial depuis fin 2016, pourrait être utilisé en façade avec une épaisseur qui serait calculée en fonction du niveau d’isolation recherchée.
Mélanie Trélat
Focus sur le liège
Le liège est un tissu cellulaire végétal ayant une densité de 40 millions de microvides par cm3. Sa composition est similaire à 95 % à celle de l’air. En tant qu’isolant, sa conductivité thermique a un coefficient K de 0,035, qui est similaire à celui du polystyrène et de la laine de verre. En cas d’incendie, il n’émet pas de fumées toxiques. Il est imperméable à l’eau et aux gaz.
Une ressource renouvelable
Sa récolte ne nécessite pas la coupe des arbres. Son écorce se régénère tous les 8 à 10 ans, et la formation d’une nouvelle écorce absorbe 4 fois plus de CO2 que lorsque l’écorce n’est pas collectée.
Une ressource durable
Plus de 100 000 personnes vivent directement ou indirectement de la production de liège.
Préservation de l’environnement
- Les forêts de chênes-lièges réduisent l’érosion des sols et augmentent la rétention d’eau, maintenant la végétation, même dans les zones les plus arides.
- Les chênes-lièges sont utilisés comme un bouclier contre le feu dans les forêts.
Protection de la biodiversité
Les forêts de chênes-lièges forment la base d’un système écologique unique au monde, favorisant la survie et la propagation de nombreuses espèces végétales et animales.
Source : NEOMAG #11
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