L'agriculture urbaine, un élément essentiel d'une stratégie circulaire

L’agriculture urbaine, un élément essentiel d’une stratégie circulaire

Comment les serres et jardins urbains contribuent-ils à rendre les bâtiments et les villes plus durables et circulaires ? C’est la question à laquelle répond Romain Poulles, CEO de PROgroup et président du Luxembourg EcoInnovation Cluster.

« L’agriculture urbaine sous toutes ses formes (serres urbaines, jardinage vertical, etc.) est un élément important d’une ville durable et circulaire et ce, à plusieurs titres.

L’économie circulaire se base sur l’idée de l’élimination de la notion de déchets, de la création de chaînes de valeurs locales et régionales, de l’utilisation de ressources renouvelables ou de matières premières recyclées à l’infini et, finalement, sur la création systématique d’impacts positifs. À ce titre, il est particulièrement important de viser les circuits courts, les chaînes de valeurs locales et régionales.

Complémentairement à ce qui est encore trop souvent pratiqué comme seule approche durable et qui se résume à « faire moins mauvais », à savoir moins de déchets, moins de CO2, moins de plastique, moins de consommation, etc., l’économie circulaire dans sa forme la plus noble cherche à générer systématiquement des impacts positifs. Ces impacts se montrent idéalement sur toutes les parties prenantes, dans le sens le plus large du terme, comme le voisinage, les utilisateurs, l’environnement naturel, les générations futures, etc. À ce titre, l’agriculture urbaine tient une place importante, voire primordiale. Celle-ci contribue donc sous de nombreuses formes à une ville durable et circulaire.

Circuit court

Les produits issus des fermes urbaines, par essence une production locale, servent plutôt à compléter l’alimentation des gens. Bien sûr, il faut aller au-delà de la production et gérer localement tous les flux liés à une agriculture urbaine circulaire. Si les productions sont souvent très timides, ces fermes urbaines participeront à terme à diminuer la dépendance alimentaire dont risque de souffrir un jour le Luxembourg, même si l’agriculture urbaine ne mettra pas fin à la faim à elle seule.

Lien social

Les jardins deviennent des lieux de vie de quartier et certains voisins de fermes urbaines discutent de l’amélioration de la communauté avec plus d’enthousiasme que de la production de produits frais locaux. Par contre, les projets qui ont exclusivement des objectifs productifs, n’entretiennent pas de contacts avec les citadins mis à part la proximité géographique. Au-delà de l’agriculture et de l’alimentation, la participation à un projet d’agriculture urbaine collective permet de découvrir le système associatif et politique, et entraîne une prise en compte d’enjeux sociétaux plus larges. Lorsqu’ils sont gérés en partie par les associations locales, ces lieux sont des points de rencontre entre élus, techniciens et citoyens de cultures, d’âges et d’horizons différents. L’agriculture urbaine collective joue alors un rôle important d’intégration sociale.

Bien être – biophilie(1)

Quand on nous demande de décrire notre ville idéale, celle-ci est toujours un lieu dans lequel la nature a toute sa place. Les bienfaits d’une ville végétalisée sont connus. En dehors de son impact positif sur les températures perçues, surtout en été, l’impact psychologique est également important en générant une réduction du stress et des maux associés. La qualité de l’air se voit améliorer, la luminosité et les odeurs également : tous ces éléments participent à une expérience positive du citoyen.

Biodiversité

L’agriculture urbaine jouera, sous ses formes multiples et aux côtés d’autres infrastructures vertes, ce rôle de corridor écologique, en fonction de son emplacement (au sol, en façade, sur les terrasses ou les toits…) et des modalités de gestion qui lui sont appliquées. Elle pourra remplir cette fonction si elle se trouve être un endroit hospitalier pour plusieurs espèces ou même un simple lieu de passage entre deux espaces. Il existe un fort potentiel de végétalisation des toitures et des murs, dans lequel l’agriculture urbaine a sa place. Même si la contribution en matière de continuités écologiques est encore difficile à évaluer, on peut s’attendre à ce que ces milieux supplémentaires facilitent l’accueil de la biodiversité par rapport à des toits gravillonnés ou une végétation trop uniforme (simple gazon, etc.).

Sensibilisation

Le développement de l’agriculture urbaine est intéressant du point de vue de la prise de conscience des sociétés de la nécessité d’un retour aux circuits courts et d’une remise en relation de l’urbanité et de la biodiversité.

Son potentiel pédagogique est également important et doit être développé de manière systématique. La participation à ce type de projet permet de prendre conscience de la saisonnalité et de la complexité qui se cache derrière la production de légumes. Cela entraîne peut-être une meilleure considération de la valeur de l’alimentation et du travail des agriculteurs.

Énergie et eau

Le potentiel de l’agriculture urbaine dans le domaine de l’économie circulaire ne concerne pas seulement les flux de matières : la chaleur dégagée par certaines installations urbaines pourrait permettre de chauffer des serres, les plantes pourraient permettre de purifier des fluides urbains comme l’air ou l’eau, voire de dépolluer des sols urbains contaminés. Les déchets agricoles pourraient être méthanisés pour produire de l’énergie.

Pour conclure, les avantages les plus significatifs de l’agriculture urbaine sont ses capacités à augmenter le capital social, le bien-être de la communauté et l’engagement civique autour du système alimentaire plus qu’une production locale d’aliments. Par tous ces aspects, elle est un élément essentiel d’une mise en œuvre d’une stratégie circulaire.

Interview de Romain Poulles, CEO de PROgroup et président du Luxembourg EcoInnovation Cluster


(1)Biophilie est un terme formé à partir de la racine grecque bio (la vie) et du suffixe -phile (« qui aime »). La biophilie est donc le fait d’aimer le vivant. En 1984, Edward O. Wilson avance l’idée que les humains ont une tendance innée à se chercher des liens avec la nature et avec d’autres formes de vie.

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Publié le vendredi 2 août 2019
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