L’aluminium, une banque de matériaux à exploiter
Les directives sur l’efficacité énergétique, le recyclage et l’économie circulaire imposent de construire des bâtiments zéro énergie, voire à énergie positive, sur l’ensemble de leur cycle de vie, obligeant ainsi les fabricants de matériaux à se positionner. Après avoir développé des châssis et enveloppes architecturales en aluminium qui atteignent un niveau d’excellence en termes de performances thermiques et d’étanchéité à l’air, commercialisés sous les marques Sapa et Wicona, le groupe Hydro, premier extrudeur mondial d’aluminium, se penche désormais sur l’aspect durable de ses produits.
Interview de Ludovic Dardinier, managing director chez Hydro et Stéphane Hardy, project manager Luxembourg chez Building Systems
Quel est l’impact environnemental de l’aluminium ?
L. D. : Le groupe Hydro maîtrise l’ensemble de la chaîne de production de l’aluminium, de la matière première au produit fini. Il a d’ailleurs acquis, au début des années 2010, des mines de bauxite au Brésil qu’il transforme via ses filières d’électrolyse. Le groupe a une conscience environnementale forte, comme l’indique son leitmotiv « Better, Bigger, Greener ». Cette volonté se traduit par l’utilisation d’énergie verte - Hydro est originaire de Norvège où toute l’énergie consommée est hydroélectrique, complétée depuis peu par des fermes éoliennes -, mais aussi dans ses activités de recyclage. La fabrication d’aluminium à partir de matériaux de déconstruction ne requiert que 5 % de l’énergie qui serait nécessaire à la production primaire et elle ne demande pas d’extraire de la bauxite. De plus, nous utilisons les principes électromagnétiques et la récupération de chaleur pour optimiser notre consommation énergétique. Le groupe s’engage également à compenser chaque hectare de mine exploité en plantant 1 hectare de forêt.
Quelles sont les caractéristiques de votre usine luxembourgeoise, située à Clervaux ?
L. D. : Elle est la plus grande d’Europe, avec 100 000 tonnes d’aluminium recyclées par an. Nous avons investi plus de 10 millions d’euros en 2015 et 2016 dans les outils de production qui nous permettent d’atteindre de telles capacités de recyclage. Cette usine est aussi la seule à fabriquer certains produits à empreinte environnementale très faible, à teneur garantie en matériaux de déconstruction, au minimum à 75 %.
Pourquoi pas à 100 % ?
L. D. : Parce que les alliages ont évolué ces dernières décennies pour répondre aux besoins du marché qui demande des produits toujours plus fins pour le design, le poids, l’empreinte carbone. Il faut savoir que le recyclage est amené à se développer parce que l’industrie de l’aluminium est jeune en comparaison de celle du cuivre ou du fer. Elle a une centaine d’années seulement et, sachant qu’on commence à recycler à partir de 35 ou 40 ans, on peut dire que le « boom » de l’aluminium a commencé après-guerre et que nous disposons aujourd’hui d’une banque de matériaux qui n’est autre que de l’énergie stockée. Un de nos objectifs serait de réaliser la boucle parfaite en utilisant la totalité de l’aluminium du bâtiment Jean-Monnet qui va être déconstruit pour construire le futur bâtiment Jean-Monnet 2.
Qu’est-ce que l’aluminium apporte de plus dans une menuiserie extérieure ?
S. H. : L’aluminium est un matériau très robuste et très stable qui permet de travailler sur de très grandes dimensions, tout en finesse et de manière très épurée. Il est aussi extrêmement flexible : on peut extruder un profilé en une infinité de solutions et répondre ainsi à toutes les demandes des maîtres d’ouvrage en matière de design. Le groupe a par exemple mis au point un système de coulissant à ligne minimaliste, à très haute étanchéité à l’air et très performant d’un point de vue thermique (Uw inférieure à 0,8 W/m2K), un mur rideau à lumière LED intégrée dans les profils ou encore des châssis intégrant des clapets de ventilation naturelle motorisée sans chaîne et à arrêt automatique en cas d’obstacle.
Dans une approche circulaire, pourrait-on imaginer des châssis qui seraient démontables et réutilisables dans des nouvelles constructions ?
S. H. : Il faudrait pour cela remettre en question des principes constructifs ancrés, penser différemment le concept en amont du projet et utiliser des produits à impact environnemental réduit lors de la pose pour assurer l’étanchéité. Il faut dire aussi que les châssis en aluminium ont connu de nombreuses innovations ces dernières années, notamment en termes de performances thermiques et que donc les châssis qui ont ne serait-ce que 5 ou 10 ans ne correspondent plus aux exigences actuelles.
Quelles sont les innovations dont vous parlez ?
S. H. : Wicona a mis au point une nouvelle coupure thermique qui n’est plus à base de mousse, mais à base de Noryl, un matériau thermoplastique dont l’impact environnemental est bien moindre. Ce système permet de satisfaire un des critères de la certification LENOZ, il offre en outre une performance thermique plus élevée qu’un produit classique à épaisseur équivalente, permet de proposer un châssis passif plus fin et ce, à un coût moindre.
Mélanie Trélat
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